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que nous annoncons maintenant, est à-peu-près le même que le manuscrit envoyé au concours, à part quelques nouvelles observations propres à appuyer des principes qui avaient été émis, et quelques éclaircissemens en divers endroits que l'auteur a trouvés un peu obscurs.

Admis en 1821, comme élève interne à la Maternité, où les fièvres puerpérales sont toujours nombreuses et quelquefois très-meurtrières, M. Baudelocque commença dès-lors à prêter une attention particulière à cette maladie. « A mon arrivée, ditil, l'inflammation du péritoine se montrait sporadiquement dans cette maison. Les succès les plus brillans étaient obtenus par les évacuations sanguines combinées avec les purgatifs. J'avais peine à comprendre tout ce qui avait été écrit sur la gravité de la fièvre puerpérale, et une année d'expérience me confirmait dans l'opinion que cette maladie ne présentait pas plus de danger que la phlegmasie de toute autre membrane séreuse. J'eus bientôt occasion de voir quelle était mon erreur à cet égard. Le Le célèbre Chaussier venait d'être frappé d'apoplexie. M. Déneux, appelé à le suppléer, me permit de l'accompagner dans ses visites à l'hôpital. Quel fut mon étonnement en trouvant la salle des morts encombrée, en voyant les infirmeries occupées par des femmes moribondes! Un grand nombre d'accouchées étaient atteintes de peritonite; elles périssaient alors presque toutes en peu de jours, quelquefois en 18 ou 24 heures. Le traitement que j'avais vu si efficace un an auparavant, échouait complètement; il semblait même rendre plus rapide la marche et la terminaison funeste de la maladie. Les symptômes étaient à-peu-près ceux que j'avais observés précédemment, à l'exception, toutefois, que la constipation se trouvait remplacée par une diarrhée qui précédait quelquefois la phlegmasie du péritoine. Je ne tardai pas à être convaincu que la nature de l'inflammation n'était pas la même, qu'il y avait maintenant autre chose qu'une simple inflammation. Il n'est guère possible d'exercer pendant quelque temps la médecine parmi les femmes nouvellement accouchées, sans reconnaître que l'altération pri mitive des humeurs est la cause d'un grand nombre de maladies. »

L'opinion émise par M. Baudelocque, il y a quelques années, sur la nature et les causes de la péritonite puerpérale, différait

tellement des idées médicales alors généralement répandues, que, redoutant de se mettre en opposition avec elles, et craignant d'ailleurs d'avoir mal interprété ce qu'il avait vu, il retardait toujours d'écrire sur cette affection. Enfin parut le programme de la Société royale de Médecine de Bordeaux; il ne voulut point laisser échapper l'occasion de soumettre ses opinions à l'examen de praticiens tout-à-fait désintéressés dans le jugement qu'ils en porteraient, et il se mit à l'ouvrage. La lecture de tout ce qui avait été publié d'important sur ce sujet, lui fit bientôt reconnaître qu'il y avait peu de choses nouvelles à dire sur la péritonite puerpérale, et que si un bon traité pratique de cette maladie manquait encore, il fallait moins en accuser la disette de matériaux que les doctrines médicales régnantes, qui avaient fait rejeter ou avaient laissé dans l'oubli les excellentes remarques, les judicieux préceptes de nos devanciers. Aussi M. Baudelocque cite-t-il souvent textuellement chaque auteur, afin de ne pas être exposé à altérer le sens de ses idées.

L'étiologie de la péritonite puerpérale est la partie de ce traité qui a reçu le plus de développement. Voici les corollaires qui terminent ce chapitre :

1° On ne peut mettre en doute les changemens qui surviennent dans les humeurs de la femme après la conception; ces changemens ne sauraient être regardés, comme dépendans de la présence du lait, ni comme pouvant donner lieu à la péritonite.

2o La pléthore sanguine, si commune chez les femmes grosses, ne mérite pas une grande importance, considérée comme cause d'inflammation du péritoine après l'accouchement.

3o La compression et la distension du péritoine ne doivent pas être regardées comme causes de son inflammation; sa distension peut tout au plus le rendre plus accessible à l'action des causes morbifiques et donner à la maladie plus de gravité.

4o Les grossesses pénibles ne disposent pas plus à la péritonite, que les grossesses exemptes d'accidens.

5° Quand, au moment de l'accouchement, la femme est attaquée d'une maladie aigue ou chronique, on voit souvent cette maladie se compliquer de péritonite.

6o L'inflammation du péritoine peut survenir après l'accou

chement le plus prompt, le plus facile, tout aussi bien qu'après l'accouchement le plus long, le plus pénible.

L'introduction de la main ou d'instrumens pour terminer l'accouchement, des violences exercées sur l'utérus ou sur les parties abdominales, donnent quelquefois lieu à cette phlegmasie, qui est inévitable après l'opération césarienne et la rupture de la matrice.

8° Le séjour prolongé d'un enfant mort dans l'utérus, dispose la femme à contracter la péritonite.

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9o Les grandes pertes de sang sont dans le même cas, et les moyens nécessaires pour arrêter ces pertes, deviennent quelquefois causes de l'inflammation du péritoine.

10° Il en est de même des écarts de régime, pendant la grossesse, pendant et après l'accouchement.

11o La suppression des lochies, du lait, est bien plus souvent effet que cause de la péritonite, et leur métastase n'est pas du tout démontrée.

12° La constipation, la rétention des urines, la putréfaction d'une partie de l'arrière-faix, de caillots de sang restés dans l'utérus, peuvent donner lieu à la péritonite.

13° Les affections morales de toute espèce, surtout celles qui sont accompagnées de crainte (quoiqu'on en ait beaucoup exagéré les funestes effets), peuvent cependant occasioner aussi la péritonite.

14° Les climats froids, les saisons froides prédisposent à cette maladie, et sans accorder à l'air froid, sec, ou humide, toute l'influence qu'on lui a attribuée, il faut convenir que le refroidissement partiel ou général du corps a souvent été suivi de la péritonite.

15° L'altération de l'air, sa viciation par des miasmes délétères plus ou moins abondans, est la cause la plus fréquente de la péritonite puerpérale dans les hôpitaux où elle règne épidémiquement.

16° Les faits paraissent plutôt contraires que favorables à Popinion des auteurs qui la regardent comme contagieuse; cependant l'état de la science commande encore du doute sur ce point.

17° Enfin, l'existence d'un amas de matières putrides, de saburres dans les premières voies, n'a pas une influence bien démontrée sur la production de la péritonite puerpérale.

On voit d'après celà que, de toutes les causes qui puvent développer cette phlegmasie, il n'en est pas de plus efficace, selon M. Baudelocque, que la viciation de l'air atmosphérique.

Dans le second chapitre, qui traite de la symptomatologie, l'auteur expose fidèlement les phénomènes de cette maladie, en apprécie la valeur, et établit les caractères distinctifs des diverses affections avec lesquelles on peut la confondre. Il fait une mention particulière du météorisme, et prétend que si ce phénomène survient fréquemment dans la péritonite puerpérale, tandis qu'il accompagne rarement celle qui arrive à toute autre époque de la vie, céla dépend de la facilité avec laquelle les parois abdominales se laissent distendre après la parturition. L'auteur expose avec la même exactitude tous les signes qui annoncent une issue heureuse ou funeste; mais, avec Delaroche, il pense que c'est dans l'état du pouls que le médecin trouve les élémens les plus certains de son pronostic. Il assure contradictoirement à ce que disent la plupart de ceux qui ont écrit sur le même sujet, et Chaussier, entr'autres, que la con. stipation est d'un heureux augure au début de la péritonite puerpérale, et que la diarrhée est presque toujours funeste, surtout quand elle est un peu abondante et dans les périodes avancées de la maladie.

Dans un chapitre assez étendu, l'auteur expose tout ce que la science possède sur l'anatomie pathologique de la péritonite puerpérale, et ce qu'elle a acquis depuis les recherches de Bichat, jusqu'à celles de MM. Davy et Lassaigne.

Le traitement de la péritonite puerpérale sporadique, ou par cause externe, doit être essentiellement antiphlogistique; les saignées générales et locales doivent être largement employées. Cependant l'auteur fait, au sujet des sangsues, des réflexions qui méritent d'être notées : il pense que l'obligation de découvrir les femmes, les expose à des transitions de température toujours dangereuses. Il reconnaît le même inconvénient aux bains de vapeurs, dont Chaussier faisait un si fréquent usage. Les bains, les cataplasmes, les fomentations, quoique moins dangereux, doivent néanmoins être employés avec de grandes précautions. C'est surtout contre la péritonite puerpérale par cause interne, ou épidémique, que divers agens thérapeu-tiques ont eu des succès incontestables. Alors, cn effet, on voit

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quelque chose de plus que l'inflammation du péritoine; la nature de cette cause donne à l'ensemble de l'individu des caractères particuliers, ou suscite des complications qui ne permettent plus d'attaquer la phlegmasie par une méthode antiphlogistique, ni aussi énergique, ni aussi persévérante que dans le premier cas. L'insensibilité presque absolue de l'abdomen, la petitesse du pouls, un affoiblissement général de l'organisme, indiquent assez au praticien, que les émissions sanguines doivent être faites avec les plus grands ménagemens. L'auteur discute longuement l'indication en particulier des purgatifs, des vomitifs, des sudorifiques, des toniques, des stimulans externes et internes. Il offre un résumé exact des principes qui doivent diriger le médecin dans l'administration des uns et des autres. Quant aux vomitifs, il avoue qu'il est très-peu de cas où ils soient vraiment utiles; ils ne peuvent l'être qu'au début d'une péritonite légère et circonscrite, quand il existe un embarras gastrique sans aucun signe d'irritation de la muqueuse. Les drastiques sont toujours dangereux; mais les laxatifs conseillés par Chaussier, sont utiles même dans la péritonite sporadique, quand la constipation persiste trop long-temps. Les mercuriaux sont utiles, en neutralisant sans doute l'action de la cause infectante. La salivation, qu'ils déterminent, semble favoriser les efforts critiques de la nature. L'auteur pense que c'est à tort que l'on prétend solliciter l'apparition des lochies par des sangsues appliquées à la vulve, ou l'ascension du lait par la succion des mamelles. Comme l'une et l'autre ne sout que des effets de l'inflammation du péritoine, lorsque celle-ci diminue, les lochies se rétablissent, et le lait est bientôt sécrété. D'ailleurs, chez les femmes douées d'une grande susceptibilité nerveuse, la succion des mamelles peut ne pas être toujours sans danger. Il n'y a que deux points de la thérapeutique de la péritonite puerpérale, sur lesquels l'auteur n'a pas assez insisté; nous voulons parler des opiacés donnés à l'intérieur, ou employés localement, et des refrigérans appliqués sur l'abdomen. Malgré ce léger défaut, l'ouvrage de M. Baudelocque est remarquable, autant par l'ordre qui règne dans la rédaction, que par l'érudition dont il a fait preuve, et la manière judicieuse dont les faits y sont appréciés.

K.

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