qu'en admettant son origine dans le sinus maxillaire (antre d'Hyghmor), dans lequel le pus s'étant accumulé en grande quantité s'était ouvert une issue contre l'ordre naturel par la partie supérieure de ce même os, à l'endroit où se trouve le canal sous-orbitaire; car, comme on sait, l'os est très-mince et trèsdélicat dans cette partie, et peut être perforé avec plus de facilité par le pus, ainsi que la conjonctive de la paupière inférieure, si par hasard l'orifice naturel du sinus maxillaire était obstrué. Outre cela, je pensai que l'irritation des branches du nerf trijumeau, produite par le contact du pus ainsi que par l'aspérité de la partie perforée et cariée (peut-être) de l'os, pouvait avoir exercé une telle influence sur les nerfs de la vision, qu'elle en avait complètement éteint l'action; et comme, d'une autre part, je savais et m'étais convaincu par ma propre expérience, que la suppuration dans le sinus maxillaire est souvent le résultat de la carie des dents, quoique le malade attribuât son mal à un refroidissement, je m'informai cependant s'il n'avait pas de dent gâtée et si la maladie n'avait pas commencé par des douleurs de dents. Mes soupçons prirent en effet une apparence de réalité, lorsque le malade m'avoua qu'il en avait bien une qui se cariait depuis long-temps, quoiqu'il ajoutât en même temps qu'elle ne lui avait causé presque aucune souffrance durant sa maladie, et qu'il n'avait jamais senti que la douleur qu'il y éprouvait quelquefois coincidât avec celles qui le tourmentaient dans les tempes et dans l'œil. Malgré cela, ayant trouvé que la première dent molaire gauche était en grande partie gâtée et différait des autres par sa couleur, je résolus de l'enlever pour me convaincre si la carie avait quelques liaisons avec la maladie présente, ou bien afin que s'il se fût trouvé du pus dans le sinus maxillaire, de lui donner une nouvelle issue par l'alvéole, et détourner ainsi la direction ordinaire de l'écoulement par la paupière inférieure. Mais quel fut mon étonnement ainsi que celui du malade lorsqu'après avoir ôté la dent j'aperçus, contre toute attente un petit corps irrégulier, d'un blanc jaunâtre, faisant saillie au bout de sa racine, et qui, extrait à l'aide d'une pince délicate, n'était rien autre chose qu'une mince esquille de bois, dont la grosseur égalait celle d'une forte épingle, et dont la longueur correspondait à trois lignes à-peu-près, traversant perpendiculairement le centre de la dent. C'est alors que je compris toute la chose, et j'en tirai la conclusion que le malade ayant une dent gâtée et s'étant servi d'un curedent de bois (ce qu'il ne se rappellait nullement), une petite esquille s'en était détachée, et s'étant implantée dans le creux de la dent, avait pénétré par son canal jusqu'à l'ouverture de la racine, irritait continuellement le nerf dentaire, par l'intermédiaire duquel l'irritation s'était propagée aux ramifications de la branche moyenne et supérieure du nerf trijumeau, et déterminant des douleurs qui se manifestaient dans les endroits où se distribuent leurs rameaux, avait produit à la fois l'amaurose et l'inflammation de la membrane interne qui tapisse la fosse de l'os maxillaire supérieur, qui fut suivie ensuite de la suppuration. Cependant l'absence des douleurs dans la dent, qui auraient dû avoir lieu simultanément avec celles des tempes et de l'œil, présentait quelques difficultés au diagnostic. Le stylet introduit dans l'alvéole pénétra jusque dans le sinus maxillaire, et lorsque je l'eus retiré, il s'en écoula quelques gouttes de liquide séro-purulent, qui confirmait la présence de la suppuration dans ce même sinus, ce que j'avais d'adord soupçonné. Durant cet examen, ainsi qu'après l'extraction de la dent, le malade ressentit quelques picotemens au-dessus de l'œil et dans la tempe du même côté, qui disparurent bientôt. Ayant donc constaté l'état de la dent, il résultait de la nature des choses, qu'il fallait attendre un certain temps et observer avec attention tous les changemens qui pouvaient s'opérer dans la maladie. C'est le motif pour lequel je n'entrepris rien dans le moment, en conseillant toutefois au malade de se rincer la bouche avec du lait coupé d'eau tiède, pour faciliter de cette manière la sortie du pus par l'alvéole, s'il s'en trouvait encore dans la mâchoire supérieure. Cependant il ne s'en écoula que très-peu; les douleurs cessèrent presque totalement; et, chose remarquable, c'est qu'en visitant le malade le lendemain, il m'annonça qu'il s'était aperçu, en lisant la veille au soir, que son œil malade était devenu sensible à l'action de la lumière, ce qui ne lui était pas arrivé avant l'extraction de la dent, et même la lumière du jour produisait un effet semblable. Ce phénomène m'ayant donné une étincelle d'espérance pour le rétablissement de la vue, j'ordonnai au malade de se couvrir l'œil d'un léger bandeau et de le protéger ainsi contre l'action que instantanée de la lumière. Le lendemain, je fus plus satisfait de l'état du malade, et j'eus beaucoup plus d'espoir, fondé sur ce que l'extraction de la dent ayant éloigné la cause découverte par hasard de la maladie, en mettant fin aux souffrances du malade, suffirait pour amener le rétablissement de la vue,lorsqu'il me dit qu'il pouvait déjà distinguer par sa fenètre, mais seulement comme à travers un nuage épais, des objets de plus grandes dimensions, par exemple des charrettes de foin, de bois, et autres choses semblables. Et en effet, cet espoir se réalisa et surpassa de beaucoup mon attente et celle du malade, puisque la vue s'améliora de jour en jour, en sorte que le 9o jour depuis l'extraction de la dent, il voyait aussi bien de l'œil gauche que de l'œil droit, après une cécité de 13 mois; et que le 11o de la même époque, il quitta Wilna, impatient de partager avec sa famille la joie et les transports auxquels il se livrait. On peut déduire de cette observation intéressante les considérations suivantes : 1o Le malade n'a pu nous indiquer le moment de l'introduction de l'esquille de bois dans la cavité de la dent cariée, quoiqu'il semble que dans cet instant il eût dû éprouver une douleur bien vive, produite par le contact de l'esquille avec la substance nerveuse. 2o Que la présence de cette esquille dans la dent, n'y causant presque aucune souffrance, a déterminé cependant des douleurs si atroces dans les rameaux plus éloignés des nerfs maxillaires supérieur et ophthalmique, et a exercé une influence si violente et si fâcheuse sur l'organe de la vue, qu'elle fut la cause immédiate de l'amaurose. Ce qui vient à l'appui de ces belles expériences de M. Magendie, qui lui prouvèrent, contre l'opinion des physiologistes qui l'ont précédé, que la rétine n'était pas le principal organe de la vision, et que si le nerf de la 5e paire n'en est pas le seul moteur, il est évident qu'il y exerce du moins une influence incontestable. De plus, cette observation paraît aussi confirmer la supposition de ce grand physiologiste touchant la source du mouvement de la dilatation et de la contraction de l'iris, dont le premier, à ce qu'il dit (T. Io*, page 77), doit être présidé par les nerfs ciliaires qui viennent du ganglion ophthalmique, et le dernier, par ceux qui naissent du nerf nasal; puisque la pupille, dans le cas dont nous parlons, était fortement dilatée pendant tout le temps de la maladie, et il n'y a aucun doute que c'est surtout le nerf nasal qui était influencé dans ce cas par les anastomoses du nerf maxillaire supérieur. 3o Que la même cause a suffi à la production d'une suppuration dans l'antre d'Hyghmor, occupant exclusivement la membrane qui le tapisse, sans attaquer néanmoins la substance de l'os, comme le prouvait l'absence complète de gonflement de cet os et d'aucune autre altération possible. 4° Que le pus, accumulé dans la fosse de l'os maxillaire supérieur, s'est ouvert une voie de sortie aussi peu commune par la paupière inférieure. 5° Enfin que, quoique l'amaurose fut complète et dura un an et demi à-peu-près, elle disparut cependant si subitement, que la vue fut rétablie neuf jours après l'extraction de la dent. 14. NOTE SUR LES MOUVEMENS DE LA LANGUE ET QUELQUES MOUVEMENS DU PHARYNX; par M. le DT GERDY. Les mouvemens de la langue résultent probablement tous de l'action de plusieurs muscles et sont par conséquent composés.De ces mouvemens: 1o les uns sont propres aux parties de la langue qui se meuvent les unes sur les autres; 2° d'autres sont communs à la langue et aux organes voisins. Ces derniers sont des déplacemens de sa totalité. 3o enfin il y en a d'autres plus compliqués encore que les précédens. Ils résultent de l'ensemble ou de la succession des mouvemens partiels et des mouvemens de la totalité de la langue. Ce sont des mouvemens fonctionnels qui s'observent 1° dans la mastication, 2° dans la préhension des boissons, 3o dans la déglutition, 4° dans l'expuition des crachats, 5° dans la prononciation et 6o dans la respiration. Art. 1er. Mouvemens propres à la langue. -La langue se rétrécit et s'allonge à la fois par l'action combinée des linguaux transverses et verticaux. Elle s'élargit par l'action probablement unique des linguaux verticaux et par le relâchement de ses autres muscles. Elle s'élargit et se raccourcit par l'action de ses muscles verticaux et longitudinaux. Elle peut se raccourcir par l'action des seuls muscles longitudinaux; dans ce cas, elle semble se gonfler suivant son épaisseur. Elle peut se raccourcir et se rétrécir à la fois par l'action combinée des muscles linguaux longitudinaux transverses, verticaux et obliques. Elle se recourbe en gouttière par l'action simultanée du génioglosse, du transverse; et peut-être le secours de ses muscles élévateurs et de ceux des joues est-il nécessaire à ce mouvement; car la langue ne peut se courber ainsi sans s'élever un peu, se détacher du plancher de la bouche, et sans que les joues et l'ouverture de la bouche ne se resserrent elles-mêmes. Elle se fléchit, en haut, par l'action des fibres moyennes ou supérieures du lingual longitudinal superficiel, et de quelquesunes des fibres antérieures de l'hyo-glosse; en bas, par l'action compliquée des portions linguales du stylo-glosse, des fibres latérales du lingual superficiel, du profond et de quelques-unes des fibres antérieures de l'hyo-glosse. Elle peut se fléchir sur les côtés par l'action combinée des parties latérales du lingual superficiel, du profond, des fibres antérieures de l'hyo-glosse et de la portion linguale du styloglosse. Elle se fléchit dans tous les sens intermédiaires par l'action combinée des muscles qui opèrent cet effet dans chacun de ces sens en particulier. rés Art. 2o. Mouvement de totalité de la langue. Ils sont opé par ses muscles extrinsèques et en partie par d'autres muscles qui lui sont étrangers. Ils ont lieu en différens sens. La langue est portée en haut directement par l'action combinée de trois séries de muscles qui agissent immédiatement, les uns sur la langue, les autres sur l'hyoïde, les autres sur le larynx. En agissant sur le larynx ou sur l'hyoïde, ces muscles concourent à l'élévation de la langue presqu'aussi sûrement que s'ils agissaient sur la langue; aussi ces trois organes, et je puis ajouter le pharynx, ne s'élèvent jamais l'un sans l'autre. Cette simultanéité de mouvement obéit en cela à cette espèce de loi de la mécanique animale, que tous les muscles capables de concourir à un mouvementy concourent. Ces élévateurs de la langue sont : 1o Les muscles glosso-staphylins, stylo-glosses, stylo-hyoïdiens, stylo-pharyngiens, constricteurs du pharynx. 2o Les mylo et génio-hyoïdiens ainsi que les fibres inférieures des génio-glosses. |