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CHANG; l'autre, ENG. En parlant des deux ensemble, on les appelle CHANG

ENG.

M. Geoffroy-Saint-Hilaire a présenté le 2 novembre à l'Académie des siences les portraits de ces deux Siamois unis par le ventre. Ce dessin a été exécuté à New-York par les soins des docteurs Mitchill et Anderson qui le lui ont adressé. Nous donnons ci-après une notice du docteur Warren sur ces deux singuliers jumeaux; nos lecteurs trouveront aussi le résultat de l'examen des deux Siamois par plusieurs médecins et chirurgiens anglais distingués.

8. DÉTAILS sur les frères JumEAUX SIAMOIS, Unis ensemble depuis leur naissance; par le prof. John C. WARREN, M. D., etc. (American journal of science and arts; oct. 1829, page 212.)

Après avoir examiné les deux jumeaux siamois, je trouvai que le lien qui les réunit était plus compliqué que je ne m'y étais attendu, et qu'ils présentaient des phénomènes dignes d'un examen plus approfondi.

Ces 2 jumeaux furent achetés à leur mère par le capitaine Coffin et M. Hunter, daus un village de Siam: ils y avaient vécu dans la pauvreté depuis leur naissance. Le gouvernement leur avait assigné des limites qu'ils ne pouvaient franchir, et ils se procuraient leur existence principalement par la pêche.

Ils paraissent avoir environ dix-huit ans; leur stature est moyenne, et cependant ils ne sont pas aussi grands que les garçons de même âge dans le pays. Ils ont la physionomie et le teint des Chinois, le front plus élevé et moins large que les Chinois. Ils se ressemblent beaucoup, mais en les examinant avec un peu d'attention, on trouve de la différence dans leurs traits.

La substance par laquelle ils sont unis a deux pouces de longueur à son bord supérieur et environ cinq pouces à son bord inférieur. Sa largeur de haut en bas peut être de quatre pouces ; et son épaisseur, dans la direction horizontale, est de deux pouces. Pourtant cette masse ne ressemble pas à un cordon, car elle est plus épaisse verticalement que dans le sens horizontal. A son bord inférieur on aperçoit un seul ombilic au travers duquel passait un cordon ombilical pour porter aux deux

enfans les matériaux de nutrition, lorsqu'ils étaient à l'état de fœtus. En plaçant la main sur cette substance que j'appellerai le cordon, j'ai été surpris de la trouver extrêmement dure. Après un examen attentif, j'ai remarqué que cette dureté n'existait qu'à la partie la plus élevée du cordon, qui se prolonge dans le corps de chacun des deux frères. En l'examinant vers le haut, je le trouvai formé par une prolongation du cartilage ensiforme du sternum ou l'extrémité de l'os de la poitrine. La largeur de ce cartilage est d'un pouce et demi, et son épaisseur d'environ un 8° de pouce. Les cartilages qui partent de chaque sternum, se rencontrent sous un angle, et paraissent être unis par un ligament, de manière à former une articulation. Cette articulation a un mouvement de bas en haut et de haut en bas, ainsi qu'un mouvement latéral; ce dernier mouvement s'opère de manière que, quand les jumeaux se trouvent de côté et d'autre, les bords du cartilage paraissent s'ouvrir et se fermer. La face la plus basse de ce cartilage est concave; et en dessous, on sent un cordon arrondi, qui probablement est le reste du cordon ombilical. Du reste, je n'ai rien senti de remarquable dans cette substance réunie. Je n'ai pu distinguer aucune espèce de vaisseau donnant des pulsations.

Tout ce cordon est couvert par la peau. Il est d'une force remarquable, et n'a pas une grande sensibilité; car les jumeaux souffrent qu'on les tire par une corde qu'on y attache, sans paraître en éprouver de douleur. A bord du vaisseau, l'un d'eux sautait quelquefois sur le cabestan, et l'autre le suivait aussi bien qu'il le pouvait, sans éprouver de malaise.

La première fois que j'examinai les Siamois, je m'attendais à les voir tirer ce cordon en différens sens, selon que leur attention était fixée par différens objets. Je m'aperçus bientôt que cela n'était pas. La plus légère impulsion de l'un à se mouvoir dans un sens était immédiatement imitée par l'autre, de sorte que la même intention semblait les diriger. Cette harmonie dans leurs mouvemens n'est pas le résultat de la volonté du moment. C'est une habitude qui dérive de la nécessité. Dans les premiers temps de leur enfance, probablement il y avait entr'eux quelque différence dans la volonté. Maintenant ce cas est și rare, que ceux qui les ont achetés n'en ont remarqué qu'un seul. Ils étaient accoutumés à se baigner à l'eau froide, l'un d'eux

désira se baigner par un temps frais, l'autre s'y refusa. Ils furent bientôt d'accord par l'entremise du commandant du navire. Ils ne se consultaient jamais relativement à leurs mouvemens.Je les ai vu rarement converser ensemble, quoiqu'ils s'entretinssent constamment avec un jeune homme qui les a accompagnés. Ils regardent toujours du même côté, et sont toujours à côté l'un de l'autre ; ils ne peuvent sans inconvénient regarder en sens opposés; et quoique non placés parfaitement sur une ligne parallèle, ils peuvent courir et sauter avec une célérité surprenante. Quelqu'un, en s'amusant, les avait poursuivis le long du navire; ils arrivèrent à l'écoutille qu'on avait laissée ouverte par négligence; la moindre imprudence pouvait les y faire tomber, et probablement aurait occasioné la mort de l'un ou de l'autre ou de tous les deux; mais ils sautèrent pardessus sans difficulté.

Ils sont très-gais, montrent de l'intelligence, font attention à tout ce qu'on leur présente, et témoignent à l'instant leur reconnaissance pour toute honnêteté qui leur est faite. Pour preuve de leur intelligence, on assure qu'en peu de jours ils apprirent à jouer aux dames assez bien pour lutter contre ceux qui étaient forts à ce jeu. Ils jouent souvent ensemble; et l'on a remarqué que lorsque l'un place mal son pion, l'autre quelquefois l'en avertit et lui propose de recommencer le coup. Ils n'ont pas la même force d'intelligence. Les sensations de l'un sont plus vives que celles de l'autre; et il y a du rapport dans leurs qualités morales. Celui qui paraît le plus intelligent est d'un tempérament un peu plus irritable, tandis que l'autre montre beaucoup de dispositions à la douceur.

Cette union entre ces deux frères jumeaux peut offrir l'occasion de quelques observations intéressantes sous le rapport de la physiologie et de la pathologie. Sans nul doute, il y a un réseau de vaisseaux sanguins, lymphatiques, et des nerfs trèsdéliés qui passent de l'un à l'autre. Jusqu'à quel degré ces parties sont-elles capables de transmettre l'action des médicamens et des maladies, sont des points bien dignes d'être étudiés. Le capitaine Coffin m'a dit qu'ils n'avaient jamais pris de médecine depuis qu'ils sont sous sa direction. Ils furent malades une fois pour avoir mangé avec trop d'avidité, mais ils trouvèrent leur guérison dans les efforts de la nature. Il pense que toutes les

indispositions de l'un se communiquent à l'autre; qu'ils ont de la disposition à dormir dans le même temps; qu'ils mangent autant l'un que l'autre, et remplissent leurs autres fonctions avec la même régularité. M. Coffin, M. Hunter et celui qui avec eux les a amenés ici, pensent que si l'on touche un d'eux quand ils sont endormis, on les réveille l'un et l'autre. Mais cette opinion est fausse sans nul doute. Lorsqu'ils sont éveillés, l'impulsion donnée à l'un n'agit nullement sur l'autre. De là, il est évident que celui qui n'est pas touché, ne reçoit pas l'impression que ressent celui qui est touché. Le plus léger mouvement de l'un est si rapidement aperçu par l'autre, qu'il peut tromper ceux qui ne l'ont pas observé de très-près. Il n'y a aucune partie de ces jumeaux qui ait une perception commune, autre que le milieu du cordon qui les réunit, et l'espace qui y touche. Lorsqu'un instrument pointu est appliqué précisément au milieu du cordon, tous les deux en ressentent l'impression à la distance d'environ un pouce de chaque côté; au-delà, l'impression n'est ressentie que par l'individu dont le côté a été touché.

Quant à l'effet des purgatifs, pris par l'un, sur le corps de l'autre, il serait, je suppose, très-peu marqué, puisque les communications vasculaires et nerveuses doivent être en petit nombre. On peut faire la même remarque sur la plupart des maladies. Je ne pense pas qu'une légère affection fébrile s'étendrait de l'un à l'autre. Je regarde comme une chose incertaine ce qui arriverait dans le cas d'une fièvre continue. Mais des maladies comme celles qui se communiquent par les vaisseaux absorbans, ou par les vaisseaux sanguins capillaires, passeraient rapidement d'un système à l'autre ; comme, par exemple, l'effet des poisons, de la syphilis, de la vaccine, de la petite vérole.

Ceux qui ont vécu avec eux disent que leurs évacuations alvines et urinaires ont lieu à peu près aux mêmes intervalles, quoiqu'à des époques différentes. Quant à la circulation du sang, il y a une uniformité remarquable dans les deux corps. Les pulsations du cœur coïncident exactement dans les circonstances ordinaires. J'ai compté 73 pulsations par minute, tandis qu'ils étaient assis; je commençai d'abord par l'un, ensuite par l'autre, je posai ensuite mes doigts sur le bras des deux frères, et je trouvai que les pulsations étaient parfaitement simultanées. Un d'eux se baissant tout-à-coup pour regar

der ma montre, son pouls devint beaucoup plus rapide que celui de l'autre ; mais après qu'il eùt repris sa première position, après environ un quart de minute, son pouls était absolument le même que celui de son frère. Ceci arriva plusieurs fois. Leurs respirations sont conséquemment simultanées.

Cette harmonie d'action dans les fonctions principales, dévoile une influence réciproque qui peut conduire à des observations curieuses et à d'importans résultats. Pour être utiles, les observations exigent beaucoup de temps et une grande exactitude.

Parmi les questions intéressantes qu'ont fait naître ces individus,on en a fait une sur l'identité morale des deux frères. On n'a aucune raison de douter que les opérations intellectuelles de ces jumeaux ne soient aussi parfaitement distinctes que celles de deux autres êtres qui pourraient accidentellement se trouver réunis. Je ne puis dire si la similitude de l'éduca tion ou l'identité de position, quant aux objets extérieurs, leur ont inspiré cette ressemblance extraordinaire, dans l'esprit ; seulement ils paraissent s'accorder pour les habitudes et les goûts.

Une autre question qui s'est présentée d'elle-même à leur sujet, c'est de savoir si l'on pouvait les séparer sans danger, Rien ne me semble dans leur réunion rendre cette opération nécessairement fatale. Il est probable que le péritoine est continu de l'abdomen de l'un à l'abdomen de l'autre. La division de cette membrane pourrait offrir quelque danger, quoique peu considérable. Cependant je ne pense pas qu'on puisse se croire autorisé à les séparer dans les circonstances actuelles. On pardonne à des chirurgiens de hasarder la vie d'un individu pour le tirer d'une maladie menaçante; mais on ne pourrait regarder comme convenable de hasarder une vie, afin de procurer quelque bien-être, quelque désirable qu'il puisse être. Lorsque l'in-. telligence de ces jumeaux aura été assez cultivée pour les rendre capables d'apprécier la nature et les dangers de l'opération, et les avantages qui pourraient en résulter, on pourra la leur proposer; et si, avec une parfaite connaissance des résultats, ils désiraient et demandaient que cette séparation fût effectuée, il pourrait être convenable de la tenter. Si l'un mourait avant l'autre, il faudrait les séparer à l'instant. Le succès de l'opéra

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