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Les femmes des Vazaramo sont de petites créatures dodues, à la peau couleur marron et aux yeux saillants. En guise de coiffure, leur tête est couverte d'une pâte composée de chaume et d'argile et qui forme une espèce de toit.

Pour habillement, elles portent une ceinture aux reins, et une sorte de plastron en verroterie sur le haut du corps. Les chevilles des pieds, les poignets, les bras au-dessus du coude sont serrés d'anneaux de fil de cuivre qui s'enterrent dans la chair. En somme, elles n'ont pas une idée bien claire de la modestie.

Chez ces pauvres gens le mariage est une pure spéculation commerciale, comme chez la plupart des peuples africains. Le père, maître absolu de sa fille, la cède au plus offrant. Le prix qui se paye en vaches, chèvres, volailles, fils de laiton, esclaves ou verroteries, revêt cependant le titre de dot. Le nœud conjugal ne crée pas de lien indissoluble.

Une femme mécontente de son mari peut retourner chez son père, si elle rend la dot précitée; tandis que le mari a le droit, en la répudiant, de réclamer la moitié de ce qu'il avait donné pour l'avoir. La raison en est que la moitié représente la dépréciation causée par la répudiation.

La polygamie devient ainsi une source de richesses, dans un pays, où la fortune se calcule sur le nombre des enfants. La naissance des filles est plus désirée que celle des garçons. Dès qu'ils peu

vent se suffire, ces derniers font leur bourse à part; tandis que, jusqu'à leur mariage, les filles travaillent pour le bien commun de la famille.

Partout se manifeste l'injuste infériorité ou plutôt l'esclavage de la femme, non réhabilitée par l'Évangile.

Tantôt la naissance de deux jumeaux est regardée comme une bénédiction, à cause du surcroît de forces qu'elle donne à la famille; tantôt comme une malédiction dont on se débarrasse en tuant les pauvres petits êtres. Tout cela dépend de la réponse que fera le Mganga. Bientôt je vous ferai connaître cet odieux personnage.

En attendant, je dois ajouter que d'autres superstitions déplorables font des Vazaramo un peuple cruellement féroce. Ainsi, ils égorgent ou jettent dans les forêts en pâture aux bêtes fauves les enfants qui naissent le dimanche ou pendant la pleine lune cela sous prétexte que les enfants nés dans de pareilles conditions sont et seront mauvais.

L'enfant vient-il au monde avec le moindre défaut corporel, ou avec une constitution faible, aussitôt la mère dit: «MTOTO HONIOU MBAYA, Cet enfant est mauvais,» et elle va le jeter dans les broussailles, pour en régaler quelque hyène ou quelque chacal.

Quand on se rappelle qu'une barbarie semblable régnait légalement à Sparte, comment douter que

96 VOYAGE A LA CÔTE ORIENTALE D'AFRIQUE.

le même esprit a toujours dominé et domine encore le monde païen?

Si la grossesse de la mère a été pénible, c'est une raison suffisante pour tuer l'enfant dès sa naissance. Même les enfants parvenus à un certain âge ne sont pas épargnés, s'ils grincent des dents. On 'les jette également dans les broussailles, où ils deviennent la proie des animaux carnassiers.

Toutefois, depuis quelques années on trouve des mères qui, attirées par l'appât du gain, portent leurs enfants à la côte, pour les vendre à des prix trèsminimes. Ainsi, j'ai vu de ces enfants que leurs propres mères avaient vendus à raison de vingtcinq sous.

Ces petits êtres font pitié. Des noirs qui les achètent pour en faire des esclaves, ne les nourrissent guère que de fruits tombés des arbres. Je crois qu'en moyenne nous serons obligés de payer cinq francs par enfant, puisqu'on vend toujours plus cher aux blancs qu'aux indigènes.

Le chef militaire de la Grande Terre et d'autres personnes compétentes m'ont assuré qu'on pourra, chaque année, se procurer des centaines de ces pauvres petites créatures. Si jamais nous avons des ressources, quel riche commerce nous ferons!

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lope pleine de poudre magique. · Sacrifice humain. zimou ou dieu des forêts.

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- Le

Deux préjugés contre l'Afrique. L'inclémence du climat : réponse. ·Climat de Zanzibar. Témoignage de M. d'Avezac.

Second préjugé : l'incapacité intellectuelle et morale des nègres. · Réponse du capitaine Speke et du capitaine Burton.

Partout où il règne, le grand singe de Dieu, qui est aussi le grand assassin de l'homme, Satan, a ses prêtres, ses victimes, ses devins ou sorciers et ses faiseurs de prestiges. Partout il cherche, et il n'y réussit que trop, à tourner à son profit la croyance au monde surnaturel.

Cette croyance, qui ne s'est jamais perdue chez aucun peuple, nous l'avons trouvée chez les Vazaramo. Le Mganga, dont j'ai à vous parler, est tout à la fois prêtre, médecin et sorcier. On lui attribue surtout le don de connaître l'avenir et les volontés de Dieu.

L'influence du Mganga est fort grande. S'il déclare que le passage d'étrangers dans la contrée sera le prélude de toutes sortes de calamités, telles que sécheresses, famines ou guerres, le voyageur est certain de trouver l'entrée du pays rigoureusement fermée comme je l'ai vu à Séga.

L'instrument divinatoire de ces suppôts du démon, est une corne de vache ou d'antilope, remplie de quelque poudre magique. Cette corne piquée en terre à l'entrée du village, est censée rendre impossibles ou inutiles les attaques de l'ennemi.

Pas un nègre de l'Afrique orientale qui n'ait foi au même talisman. On le porte en tête des caravanes, pour éloigner les fâcheuses rencontres. On s'en sert pour préserver les champs de bananes du ravage des éléphants. Les particuliers et les rois le placent sur leur front pour détourner le mauvais œil.

«<Arrivés dans l'Ouzenza, dit le capitaine Speke, nous fûmes reçus par le roi du pays, nommé Mataka. C'était un assez bel homme d'une trentaine d'années. Il portait sur son front, par manière de couronne, le fond d'une grosse coquille marine découpé en cercle, et plusieurs petites cornes d'antilope bourrées de poudre magique, afin de détourner le mauvais œil.

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«Si je ne vous ai pas reçu le premier jour, me dit-il, c'est qu'il fallait, à cause de votre qualité d'étranger, vérifier, au moyen de la corne magique, si votre présence devait ou non causer quelque malheur. Je puis vous dire maintenant que non-seulement je n'ai rien à craindre de vous, mais de plus o que votre voyage s'accomplira heureusement 1. »

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