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mais encore elle donne à la mission une grande influence. Contrairement aux usages du pays, le Sultan lui-même envoie ses soldats recevoir les soins du médecin et des sœurs.

Chaque matin, à sept heures et demie, la cloche de la Providence annonce que les malades de la ville peuvent venir à la mission réclamer des avis, des soins et des remèdes. On voit alors des estropiés et des malades de tout genre se traîner vers l'établissement, au nombre de quarante ou cinquante, quelquefois de quatre-vingts, par jour.

Leurs plaies sont parfois si profondes qu'elles laissent presque à nu une grande partie des os des jambes. Il s'en dégage une odeur qui fait bondir le cœur le plus ferme. On ne saurait se figurer l'ébahissement des Arabes, surtout des Arabes de la classe riche, à la vue de ces faibles femmes qui lavent et pansent de leurs mains ces horribles plaies.

Tandis que, sans s'émouvoir, elles continuent, pendant de longues heures, ces héroïques travaux, les visiteurs suivent des yeux, dans un complet silence, les mains et le maintien des sœurs. Ces hommes qui portent le sabre à la main, le poignard à la ceinture et que vous prendriez, à leur attitude martiale, pour des chevaliers terribles, sont parfois obligés de se détourner et de s'éloigner à l'aspect de ces plaies hideuses.

Remis de leur émotion, ils reviennent auprès

des sœurs, expriment leur étonnement du geste et de la voix, et disent en se retirant: «Leur religion leur met au cœur quelque chose que nous n'avons pas. »

La mission tient trois écoles primaires. Deux de ces écoles sont pour les garçons, elles sont dirigées par les frères de la Congrégation, qui enseignent le catéchisme, le chant, la lecture, l'écriture et le calcul. La troisième est l'école des filles, sous la direction des sœurs. Cent soixante-dix enfants, achetés par les missionnaires sur le marché aux esclaves, fréquentent ces écoles qui donnent les plus heureux résultats.

Déjà, on a fait commencer les études latines à une partie des garçons, dans le but de trouver parmi eux des vocations sacerdotales; car on est persuadé que l'Afrique ne pourra être régénérée que par le clergé indigène, soutenu et dirigé par des missionnaires européens.

Tous les enfants n'ayant pas les mêmes aptitudes, plusieurs sont appliqués à l'étude des arts mécaniques, ils deviennent menuisiers, charrons, serruriers, mécaniciens. Les travaux qu'ils exécutent rendent de grands services au pays qui, à l'exemple du Sultan, les apprécie beaucoup.

Les réparations que font les ateliers de la mission, dans les sucreries du prince et des Arabes, dans les machines des négociants européens et dans les navires de toutes les nations, donnent à

la mission une influence considérable et lui attirent les plus vives sympathies.

Bien souvent des Européens, en admirant les travaux de ces jeunes ouvriers, ont avoué ingénument qu'ils n'auraient jamais cru possible d'obtenir avec des noirs de pareils résultats.

Naguère, un capitaine de frégate de la marine française visita la mission. Après avoir tout examiné avec soin, il dit devant tout le monde au père supérieur: « J'avoue que jusqu'ici j'ai toujours été hostile aux missions. Votre œuvre m'a converti, j'en suis émerveillé. Pour vous le prouver, je vous prie d'accepter ces soixante francs, afin d'acheter deux enfants au marché aux esclaves. C'est dommage que votre mission ne soit pas mieux connue en Europe, autrement on vous aiderait beaucoup plus largement. »

Outre les hôpitaux, les écoles primaires et l'école professionnelle, la mission possède un ouvroir où les petites filles, élevées par les sœurs, reçoivent une éducation conforme à leur position et à leur sexe. Connaissant l'importance du rôle que peut jouer la femme africaine dans une société primitive, les religieuses et les pères ne négligent rien pour former ces enfants à devenir un jour de bonnes mères de familles chrétiennes, cela veut dire que la base de leur éducation est la religion et le travail.

Dans le chapitre suivant nous dirons comment

les missionnaires recrutent ces chers enfants, destinés à devenir la pépinière du christianisme dans l'Afrique orientale. Il y a des faits qu'aucun Européen ne devrait ignorer.

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marché aux esclaves. Sort et prix des esclaves.

Grâce aux conventions conclues récemment entre les grandes puissances de l'Europe, on a mis fin à l'abominable commerce qui, chaque année, transportait des côtes occidentales d'Afrique, dans l'Amérique du Sud et dans l'Amérique du Nord, des milliers de pauvres nègres, réduits en esclavage et traités comme des bêtes de somme.

Mais la traite des noirs continue en Orient. Les marchés sont toujours approvisionnés d'esclaves, et la chasse à l'homme s'y fait avec une effrayante activité. De nombreux voyageurs en ont informé l'Europe.

En réunissant leurs témoignages et en rapprochant les faits, on arrive à cette conclusion qu'il y a, en moyenne, chaque année, de soixante-dix mille à quatre-vingt mille personnes de tout âge et de tout sexe, enlevées par les négriers.

Dans ce nombre ne sont pas compris ceux qui ont succombé avant d'arriver au marché, et il y a

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