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battre. Le foundi fait lever la Mariet lui fait exécuter en dansant, les travaux ordinaires de la vie. Ainsi, elle va mesurer le riz, le piler, le laver en dansant; nettoyer la vaisselle en dansant; attiser le feu en dansant; lever de l'eau du puits et la porter à la case, toujours en dansant.

Ces travaux terminés, on lui fait embrasser son mari et ses enfants, au milieu de danses caractéristiques, bizarres et parfois grotesques, qui se prolongent jusqu'au matin. En ce moment, le sacrificateur et les anciennes initiées mangent la chèvre, qui a servi pour le sacrifice.

Un dernier trait achève de donner à ces déplorables cérémonies le caractère religieux: c'est la réunion en société des personnes qui appartiennent au même esprit possesseur.

Les Varis ou possédées forment entre elles une sorte de corporation, qui se manifeste par des secours mutuels. Une possédée vient-elle à tomber malade? toutes les Varis vont la visiter et lui porter des cadeaux. En cas d'incendie, toutes se cotisent pour faire rebâtir la demeure de leur associée.

On se demande naturellement quelle peut être l'origine de ces différentes cérémonies, en usage chez toutes les peuplades riveraines de la côte orientale, depuis l'Abyssinie, jusqu'au Mozambique. La réponse ne saurait être douteuse.

Pour ne parler que du culte rendu au Kitimiri, qui ne verrait dans l'emploi si souvent, et si reli

250 VOYAGE A LA CÔTE ORIENTAle d'afrique. gieusement observé du nombre sept, dans l'usage de la clochette, des vêtements blancs, du gâteau sacré, du plateau du sacrifice, de la procession, du chant des strophes ; des mots priez Dieu, suivis du silence; de la toile blanche avec laquelle on couvre la tête de la nouvelle initiée, de la nourriture qu'on lui donne à manger, des bracelets et des chapelets: la contrefaçon satanique de nos augustes cérémonies du baptême, de la confirmation, du saint sacrifice de la messe, de la communion, peut-être même du mariage?

Dans les temps reculés la religion aura été prêchée dans ces parages, où elle a fini par se perdre, et l'habile singe de Dieu, faisant ici ce qu'il a fait partout et toujours, aura détourné à son profit une partie de nos rites sacrés.

Telle est, à mon avis, la seule explication raisonnable des usages que je viens de décrire. Il en est de même de beaucoup d'autres, dont je m'abstiendrai de parler dans la crainte d'être trop long.

J'ajouterai seulement que ces pratiques superstitieuses agissent comme de puissants moteurs, sur les mœurs de nos malheureuses populations de l'Afrique orientale.

J'ai vu et je vois tous les jours des faits que je ne puis raconter. On sent au cœur le poids d'une immense douleur, à la vue de l'immense abandon de tant de millions d'âmes qui demandent des missionnaires.

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Comme compensation, Notre-Seigneur daigne parfois inonder de délices le pauvre prêtre, qui a tout quitté pour s'immoler au salut des âmes. Les jours que j'eus le bonheur d'offrir l'auguste sacrifice de la messe à Tanga et ailleurs, où jamais missionnaire catholique n'avait passé, je compris parfaitement que saint François Xavier ait pu se plaindre d'être inondé de trop de consolations. Aussi nous éprouvions un véritable déchirement de cœur à nous séparer de la grande terre africaine. Mais le mois d'octobre touchait à sa fin, et nous étions menacés des grands calmes du commencement de novembre.

De plus, le frère Marcellin et moi nous étions tous deux pris de grosses fièvres, qui nous firent renoncer à notre voyage de Pemba. Après avoir reçu toute sorte de marques d'estime du chef et de la population de Tanga, nous quittâmes ces braves gens pour reprendre la route de Zanzibar.

Notre traversée ne dura que quatre jours et quatre nuits, mais à cause de notre maladie, ces quatre jours et quatre nuits nous parurent quatre siècles. Rester, lorsqu'on est malade, toute la journée assis sous un soleil de feu et passer la nuit sur le pont, où les vagues viennent vous tremper jusqu'aux os, est un vrai martyre.

Le frère Marcellin, dont la fièvre était bien constatée, l'avait coupée en partie avec du sulfate de quinine. Pour moi, qui avais passé près de quatre ans à Zanzibar, sans avoir ressenti le moindre accès de fièvre, je pris ce que j'éprouvais pour une simple irritation d'estomac.

Cependant je ne pouvais supporter aucune nourriture, et une soif ardente me dévorait. Pour l'apaiser, je priai le frère Marcellin de me faire de la tisane de riz. « Volontiers, mon père, me répondit-il; seulement je ne sais quand vous pourrez l'avoir. Il n'y a pas de marmite disponible en ce moment. » Il était cinq heures du matin.

La réponse du frère m'étonnait beaucoup, lorsque Mousa vint m'en donner l'explication. « Père, me dit-il, les matelots ont été si paresseux que hier au soir, pas un n'a voulu faire cuire la nourriture du souper. Ils ont mieux aimé se coucher l'estomac vide, que de se donner la peine de préparer leur repas: ils s'en occupent maintenant. >> Cette paresse fait en deux mots le portrait du noir.

Voyant ma maladie empirer d'heure en heure, et privé de tout médicament, je commençai à croire que la mer deviendrait mon tombeau. Le jour, le vent était faible, et la nuit, bien entendu, on restait sur place; car au coucher du soleil on a toujours soin de carguer la voile.

Convaincu que deux ou trois jours de mer de plus m'empêcheraient de revoir Zanzibar, je fis un appel au cœur de notre capitaine, en le priant de naviguer la nuit afin d'arriver plus tôt. « Naifaï, c'est impossible, » telle fut la réponse.

Après avoir parlementé assez longtemps, je lui promis, pour le décider, une récompense pécuniaire. «Naifaï, me dit-il de nouveau, c'est impossible. Ce n'est pas l'usage de naviguer la nuit. »

En désespoir de cause, je fis appeler Mousa. Armé de sa faconde habituelle, il attaque le capitaine ét réussit à le décider au voyage nocturne. C'était quelque chose d'admirable que l'éloquence du fils de Mahomet, faisant ressortir à merveille l'utilité du missionnaire catholique qui sacrifie sa vie pour son prochain.

<«< Comment, disait-il, tu seras comme un morceau de fimbo (bâton) à la vue de la maladie du Père, qui a été si bon pour toi! Tu auras le cœur d'un chien (moyo jamboa), à l'égard du Père, qui a guéri tant de malades! En le laissant mourir ici par ta paresse, tu laisseras mourir beaucoup de noirs, qu'il aurait encore pu guérir, ou sauver en les

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