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fil de métal de plusieurs livres, des colliers, de petites clochettes en fer attachées aux genoux et aux chevilles.

Comme si tout cela ne suffisait pas pour effrayer l'homme le plus intrépide, les membres de la caravane, outre les armes ordinaires des nègres, portent une grande lance, des javelines, une hache de bataille et un grand couteau fixé à la ceinture.

Enfin, pour donner aux voleurs, trop nombreux dans ces vastes déserts, une haute idée de la force de la caravane, ils imitent en route le beuglement des buffles et font le plus de tapage possible au moyen de tambours, de cors, de sifflements, d'hurlements, de chants et de cris féroces. C'est ainsi que nous les voyons arriver à Bagamoyo.

Je termine en rapportant un usage également singulier. On est fort étonné de trouver chez ces sauvages le même goût pour la boxe, que chez le peuple anglais. En cas de rencontre de deux caravanes amies, les deux guides s'avancent d'une manière majestueuse, en penchant la tête en arrière. A chaque pas ils s'arrêtent un instant, les yeux fixés l'un sur l'autre. Arrivés à distance, ils se heurtent le front, comme deux béliers qui s'attaquent.

Chaque caravane suit l'exemple des guides et il s'engage une boxe furieuse, qui se termine par des rires prolongés. La caravane qui possède les fronts les moins solides, subit la défaite, paye un Jéger tribut, et on poursuit la marche.

CHAPITRE XVII

Ancien état de l'Ounyamouézi.

- État actuel.

Beauté excep

tionnelle du pays. Température.

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tatouage. Droit coutumier. - Barbare et ridicule. - Meur

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Achat de la femme. - Forme des sépultures.

terrées vivantes.

Mariage.
Victimes en-

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du capitaine Speke. - Engraissement des femmes autre forme de déformation.

J'ai montré le Mouézi en caravane, il me reste à le faire connaître chez lui. Qu'on veuille bien se rappeler seulement que je décris, non pas en particulier chaque tribu de l'Ounyamouézi, mais en général les nombreuses peuplades de cette vaste contrée.

D'après certains auteurs, les Portugais entendirent parler pour la première fois de l'Ounyamouézi en 1589, lorsqu'ils s'occupèrent de découvrir la côte orientale d'Afrique. A cette époque, ces indigènes faisaient déjà un commerce régulier avec les villes du littoral, bâties par les Portugais, dont le contact leur aura laissé quelques traces de civilisation.

Suivant une ancienne tradition populaire, l'Ounyamouézi formait autrefois un vaste empire, sous

l'autorité d'un seul chef. Après sa mort, ce grand chef devint le plus bel arbre du pays, et donna son ombre à son fils et à ses descendants. C'est pour cela qu'aujourd'hui encore, les sauvages vont en pèlerinage à certains arbres, qu'on ne pourrait pas toucher, disent-ils, sans être frappé de mort subite.

Quoique divisé en fractions comme je l'ai dit, et gouverné par de petits chefs indépendants, l'Ounyamouézi a conservé la même langue ; ce qui sera un avantage immense pour les missionnaires. Il y a bien quelques différences de dialectes de l'Est à l'Ouest, mais les indigènes se comprennent entre

eux.

A Zanzibar on connaît bien l'Ounyamouézi, que beaucoup d'Arabes ont parcouru pour faire le commerce de l'ivoire; car dans cette contrée les éléphants sont très-nombreux. Ainsi, un de nos voisins, homme sérieux et distingué par son esprit naturel non moins que par ses richesses, a visité une bonne partie des régions dont je parle.

En me donnant un jour un perroquet de l'Ounyamouézi, qui imitait à ravir le bêlement des moutons et les cris de plusieurs oiseaux, il me dit: «Cet oiseau vient d'un pays qui est le jardin de l'Afrique; c'est une contrée magnifique dont les villages populeux et les champs fertiles, cultivés avec soin, font un paradis terrestre.

<< De grands troupeaux d'animaux de toute espèce

dispersés dans les pâturages animent les campagnes et leur donnent un air de richesse et d'abondance, qu'on ne trouve nulle part ailleurs. L'air

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est si frais, la température si agréable, la nature si belle, qu'au coucher du soleil, les indigènes euxmêmes, généralement peu sensibles aux poésies de la nature, se sentent vivement impressionnés au milieu de leurs rivages ou de leurs forêts. »

Dans ces dernières habitent en grand nombre le lion, le léopard, le chat-tigre, l'éléphant, le rhinocéros, le buffle, la girafe, le zèbre, et les chiens sauvages qui, se réunissant par bandes, font la chasse aux plus grands animaux.

Comme tous les peuples, le juif excepté, les Mouézi subissent l'influence satanique de la déformation. Ainsi, plusieurs tribus se font, au moyen d'un couteau, une double rangée de cicatrices, depuis les yeux jusqu'à la bouche. Ce tatouage est noir chez les hommes et bleu chez les femmes.

De plus, comme marque distinctive de leur nationalité, tous se font arracher les deux incisives du milieu de la mâchoire inférieure. Hommes et femmes sont avides d'un certain genre de beauté, qui consiste dans la longueur démesurée des oreilles. Pour obtenir ce nouvel agrément, ils se suspendent aux oreilles de pesants morceaux de bois, de cuivre ou d'ivoire. Un plastron de cuir compose leur vêtement, et une jupe en cuir constitue la crinoline africaine.

Le droit coutumier est le code unique des Mouézi. Chez des peuples étrangers aux idées chrétiennes, il est ce qu'il peut être et ce qu'il sera toujours, barbare et ridicule.

En voici quelques preuves. Lorsqu'une femme met au monde des jumeaux, on en tue toujours un. A sa place on met une gourde qu'ont emmaillotte avec soin. Si la femme meurt sans enfant, le veuf réclame au beau-père le prix auquel il l'avait

achetée.

De copieuses libations accompagnent toujours la naissance des enfants. Ces petits de l'espèce humaine sont la propriété du père, qui peut les tuer ou les vendre selon ses caprices.

Les enfants censés illégitimes sont seuls héritiers, par la raison que les enfants légitimes ont une famille qui prendra soin d'eux. L'obligation de la famille n'est pas de longue durée: à dix ans un enfant peut déjà se suffire à lui-même, puisqu'on l'habitue au travail dès l'âge de quatre ans.

La condition des jeunes filles a quelque chose d'étrange jusqu'à quinze ans elles ne connaissent pas l'usage des vêtements. Arrivées à cet âge, elles quittent le toit paternel, et toutes celles qui sont nées la même année, vont habiter une demeure commune, jusqu'à ce qu'elles trouvent à se marier.

Les jeunes gens se marient, c'est-à-dire achètent une femme qui leur coûte quelques vaches.

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