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morceaux de peau de serpent 1, et leur entourent la tête d'espèces de chapelets en verroterie. De plus, elles mettent, pendant la nuit, sous la tête de l'enfant deux petits bâtons, pour le protéger contre les sortiléges et les maléfices.

Un usage déplorable veut qu'on mette à mort l'enfant qui naît avec des dents. La raison en est dans la crainte qu'il ne porte malheur à sa famille. A Zanzibar les Arabes eux-mêmes sont imbus de cette erreur fatale.

Aussi les enfants de ce genre sont aussitôt portés à la mosquée, où l'on fait sur eux la lecture de quelques versets du Coran. Ensuite, on leur incline la tête, comme pour les faire jurer qu'ils ne nuiront jamais à personne.

Chez les Vazaramo, la polygamie ressemble à celle de tous les peuples de l'Afrique, c'est-à-dire qu'elle est sans limites déterminées. Le divorce se prononce d'une manière grotesque. Si le mari est las de sa femme, il lui présente en signe de répudiation, un morceau de tige de maïs.

Dans le cas où la malheureuse créature n'a pas assez d'intelligence pour comprendre sa disgrâce, l'homme la chasse à coups de bâton et toutes les formalités légales sont accomplies. Pauvre fille d'Ève ! quand cesseras-tu d'être l'esclave de l'homme pour devenir sa compagne ? quand tu seras la fille de Marie : pas avant.

1 Toujours le serpent.

Que dirai-je des formalités du mariage? Elles sont à peu près les mêmes qu'on exige, pour l'acquisition d'une vache ou d'une poule. Le jeune homme qui veut se marier, envoie un de ses amis au père de la future, pour traiter l'affaire.

Il est bien entendu que la pauvre fille ignore ce qui se passe, et on se garde bien de l'en instruire. L'entremetteur commence par offrir un cadeau, qui d'ordinaire est un turban. L'usage veut que ce turban soit rendu au mari, si l'épouse meurt sans postérité. Dans le cas contraire, il devient la propriété des enfants.

Souvent le marché dure assez longtemps, et ce sont des pièces d'étoffes qui en font les frais. Une fois le prix convenu avec le père, la mère vient faire mousser ses prétentions. Elle demande entre autres, une ceinture de perles, une douzaine de vaches et de chèvres pour elle, et un linge pour en faire une espèce de poche où la jeune femme mettra ses nourrissons.

La question financière ainsi réglée, la jeune fille, qu'elle le veuille ou non, est placée sur un brancard et portée dans la case de l'époux. Alors pour toutes cérémonies matrimoniales, on se met à danser au son du tambour et à boire le pombé (espèce de bière faite avec des bananes). Cette union passant pour légale, les enfants qui en naissent appartiennent au père, qui peut les vendre s'il le juge à propos.

Lorsqu'un Vazaramo est à l'article de la mort, ses amis se réunissent pour gémir, sangloter ou chanter. Comme on a dans ce pays une crainte effroyable des esprits, on enterre le défunt, à peine expiré. Chez certaines tribus, on bâtit aux morts de petites huttes dans les forêts.

A côté, on met un arc, des flèches, et un carquois, si le défunt est un homme. Si c'est une femme, on place à côté d'elle quelques ustensiles de ménage, tels qu'une marmite, une cruche, un coco pour puiser de l'eau.

A quelque sexe qu'appartienne le défunt, on met à côté du cadavre, couvert seulement d'une légère couche de terre, des grains et de la bouillie de maïs. Si cette nourriture est consommée, la mort est regardée comme naturelle. La nourriture est-elle restée sur place? Sa mort est attribuée à un sortilége.

Aussitôt le mganga est consulté, pour savoir quelle tribu est coupable du maléfice. Sur sa désignation, la guerre s'allume avec un acharnement effrayant, et des villages entiers disparaissent par suite de cette cruelle superstition. Toujours et partout le grand homicide du genre humain.

Je crois en avoir assez dit pour faire connaître les malheureux Vazaramo, confiés au zèle apostolique de notre congrégation. Puissent nos chers confrères, à la lecture de ces lignes écrites à la hâte, s'enflammer de plus en plus de l'amour des

132 VOYAGE A LA CÔTE ORIENTALE D'AFRIQUE.

âmes, et, à l'exemple de saint François-Xavier, se montrer prêts à faire le tour du monde pour en sauver une seule!

Je dois maintenant vous parler d'autres peuples, non moins inconnus et non moins dignes d'intérêt. A quelque chose malheur est bon, dit un proverbe. Notre excursion à Kisiki, faite par une pluie tropicale, me valut un redoublement de douleurs rhumatismales accompagnées de fièvres. Bon gré, mal gré, il me fallut suspendre mon voyage et prendre du repos à Bagamoyo, notre quartier général. Ce congé involontaire me permit d'étudier plusieurs populations de l'intérieur et surtout les Nyamouézi : voici à quelle occasion.

CHAPITRE XV

Les Nyamouézi. Situation de leur pays.

Bagamoyo. des blancs. Horner.

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-Leur bon naturel. Leur étonnement à la vue

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- Exemples de naïveté. Récréation du père Gasconnades de Mousa.

Le pays des Nyamouézi est désigné, dans les cartes géographiques, sous le nom de pays ou terre de la Lune. C'est avec raison. Dans les langues de l'Afrique orientale nya veut dire terre et mouézi lune. Cette contrée, d'une vaste étendue, est située non loin du grand lac Nyassa-Victoria, au troisième degré de latitude sud, et à cent cinquante lieues environ dans l'intérieur du continent.

Comme le mois de septembre est l'époque ordinaire de l'arrivée des caravanes, il y avait environ six mille de ces Nyamouézi à Bagamoyo et à Kaolé. Je pus les étudier à mon aise.

Venus de très-loin, ces noirs apportent sur leur tête et sur leur dos de grandes quantités d'ivoire, de copal, de grains, de peaux d'animaux et autres articles de commerce. Toutes ces marchandises sont étalées sur le bord de la mer.

En attendant la vente de leurs objets, qui dure quelquefois deux mois, ils restent sur le littoral

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