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antérieure au procès sont fort nombreux et circonstanciés : c'est grâce à eux particulièrement que nous avons pu connaître cette mystérieuse affaire de Jean de Calais qui précéda le grand procès et qui n'en fut, selon nous, que le prélude; mais ces renseignements portent aussi sur la carrière de l'évêque, depuis sa naissance jusqu'au jour où il fut arrêté, sur son élévation successive aux dignités de prieur, d'abbé, enfin d'évêque, sur son rôle en Champagne, sur tout ce que l'on pourrait appeler d'un mot, ses antécédents.

Les Archives de l'Aube nous ont fourni en quelque sorte la contre-preuve de ces renseignements: elle nous en ont permis la confirmation et le contrôle. Du fonds de l'évêché, du fonds du chapitre, de celui de Montier-la-Celle dont Guichard fut abbé, nous avons tiré un certain nombre d'actes qui nous ont servi à fixer des dates, à préciser des faits. Deux actes des plus importants relatifs à cette période avaient déjà été publiés : Camuzat avait édité, à peu près correctement, le grand règlement de 1304 entre l'évêque et son chapitre 1; l'abbé Lalore avait publié, avec sa fantaisie habituelle, l'enquête relative au palefroi de l'évêque Guichard, dans l'affaire de Notre-Dame-aux-Nonnains 2. Nous avons collationné et réédité le premier de ces actes à cause de son importance pour l'histoire de l'évêque; nous nous contentons de signaler la mauvaise édition du second. L'abbé Lalore a encore tiré des Archives de l'Aube ou de la bibliothèque de la ville de Troyes quelques pièces ou mentions que leur publication ne nous a pas dispensé de revoir et de reproduire après lui.

1. Ouv. cit., fol. 193.

2. Ch. Lalore, Documents relatifs à l'abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains de Troyes, pp. 133-37.

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Les Archives de Seine-et-Marne — Guichard fut prieur de Saint-Ayoul de Provins ne nous offraient point de ressources, le fonds de Saint-Ayoul n'ayant plus d'archives anciennes. Nous avons utilisé à Provins le Cartulaire de la ville de Provins et le manuscrit d'une Histoire ecclésiastique de Provins par l'abbé Ythier, conservés à la bibliothèque de la ville.

La Bibliothèque Nationale nous a d'ailleurs donné un complément de renseignements non moins abondant et plus intéressant que les fonds d'archives diverses. Sans parler des extraits du Journal du Trésor de Philippe le Bel2, de la Table de Robert Mignon 3, de la collection Moreau, qui nous ont donné les comptes de régale de l'évêché de Troyes avant la nomination de Guichard, les comptes de mainmise pendant l'emprisonnement de l'évêque,

nous avons

retrouvé, dans une version de Renard le Contrefait par un clerc de Troyes', environ cent cinquante vers sur l'histoire de Guichard, écrits trente ans à peine après le scandale de son procès, et qui nous donnent, avec la chronique rimée attribuée à Geffroi de Paris, l'impression produite sur les contemporains par cet évènement.

Ainsi reconstitué, il s'en faut que le procès de Guichard ait encore toute sa physionomie. Avec les documents dont nous disposions, ceux de l'enquête surtout, dont les pièces intactes nous gardaient encore de cette histoire, après six

1. M. Félix Bourquelot en a donné une analyse dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, 4 série, tome II, pp. 194, 428.

2. Bibl. Nat., ms. lat. 9783.
3. Bibl. Nat., ms. lat. 9069.
4. Bibl. Nat., ms. franç., 370.

cents ans, comme une impression fraîche et la couleur inaltérée des choses, nous avons essayé de restituer la vie de l'évêque et cette figure personnelle de prélat grand seigneur, à l'allure mondaine, dont la fortune fut un roman. Mais si l'évêque nous apparaît avec des traits plus nets, si nous avons pu, mieux que nos devanciers, approfondir son mystérieux procès, nous ne craignons point de l'avouer, l'énigme toujours nous échappe. De ce drame historique, tôt enveloppé de silence, l'intrigue nous arrive décousue, étouffée, comme une rumeur trop lointaine; sur cette société que l'on sent si agitée, si passionnée, si vivante, trop de temps et d'oubli a passé : trop de noms nous sont inconnus, trop d'autres sont effacés, trop peu nous restent de figures animées; et plus d'un même, des premiers personnages, serait encore à connaître Jeanne, la reine de France, sa mère, la reine Blanche de Navarre, et cet Italien dont le rôle étrange et obscur n'a jamais été éclairé, Noffo Dei.

Si nous n'avons pu réussir à le reproduire avec son entier et plein relief, du moins avons-nous mis au jour ce procès curieux qui nous fait connaître, avec la vérité de la couleur et la saveur de la vie intime, les personnages, les mœurs, les croyances d'une société.

Nous ne pouvions, sans donner à ce travail un volume énorme, rapporter intégralement les dépositions des témoins dont la masse emplit un rouleau de cinquante-trois mètres de longueur. D'autre part, les témoins, interrogés d'après un même formulaire, ne font souvent que se répéter. Nous avons cru pouvoir, pour chaque article d'ac

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ensation, condenser et fondre les témoignages pour en faire une suite et un tout, en nous bornant d'ailleurs à une traduction stricte le récit, sans perdro de sa couleur, ne fait que gagner en intérêt à cette concentration, et le rapprochement facilite la comparaison et le contrôle des témoignages les uns par les autres. Nous avons eu soin, par nos références, de distinguer les témoignages dans le corps d'un article; et quand l'expression latine nous a paru particulièrement intéressante ou lorsqu'elle restait douteuse, nous l'avons maintenue dans le texte ou ajoutée en note. Nos renvois aux dépositions sont ainsi donnés : le chiffre romain indique trois séries de dépositions sur les trois séries d'articles proposés contre l'évêque; le chiffre arabe indique le numéro de l'article; suit enfin le nom du témoin.

La graphie des noms de personnes italiens que nous rencontrions en latin nous offrait une difficulté que nous n'avons pas résolue. Il eût été délicat d'italianiser ces noms comme de les traduire en français. Ces noms se trouvaient quelquefois francisés dans le texte : nous avons alors gardé la forme française. Quand ils étaient en latin, nous avons traduit le prénom et laissé le second nom en italique avec sa forme latine (Jacobus Aringi: Giacopo Aringi).

Ce mémoire est une thèse de l'École des Charles. C'est à M. Ch.-Victor Langlois que nous en devons l'idée : il fait partie d'un ensemble de travaux relatifs à l'époque de Philippe le Bel dont il a conçu le plan et dont il dirige l'exécution dans ses conférences de la Faculté des Lettres. Nous remercions vivement notre savant maître des conseils qu'il nous a donnés pour cette étude; c'est à lui qu'en revient

l'hommage. Nous remercions également M. Auguste Molinier, professeur à l'École des Chartes, qui a mis tout son soin à revoir les épreuves et à qui nous devons maintes corrections; M. Francisque André, archiviste de l'Aube; enfin la Société de l'École des Chartes, qui a bien voulu inaugurer avec notre travail une nouvelle série de Mémoires et Documents.

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