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« que vous ne voulez pas n'était prouvé 1.

le délivrer autrement. » Pourtant, rien

Vers l'Ascension de 13052, Jean de Hancy, qui demeurait alors dans la maison de Guichard, vit amener à Troyes dans la prison épiscopale un clerc, Jacquinet de Saint-Didier, accusé d'avoir falsifié le sceau du conservateur de l'Université des maîtres et écoliers de Paris; il vit les lettres et les sceaux, un grand et un petit, qui ressemblaient à ceux du conservateur. Jacquinet passait pour un voleur. Pourtant, Jean de Hancy entendit dire par la suite au portier de l'évêque que Guichard avait reçu de l'argent du père de Jacquinet pour le relâcher 3.

Une autre fois, l'évêque, à Saint-Lyé, accusa un homme d'avoir eu des relations contre nature avec un autre homme : l'accusé nia. L'évêque parla bas à de soi-disant témoins et dit à l'homme que son crime était prouvé, qu'il fallait qu'il s'amendât : l'homme s'amenda de 40 livres et put se retirer.

On disait que l'évêque s'était, par de pareils moyens, procuré beaucoup d'argent de quantité de personnes, coupables ou non, et qu'ainsi les délits restaient impunis, et les innocents étaient frappés.

XIX ARTICLE

De l'argent qu'il fabriquait par alchimie, étant évêque

(21 témoins)

L'évêque se livrait aux pratiques de l'alchimie. Ses familiers l'avaient vu, de nuit, enfermé dans sa chambre, et qui soufflait dans des soufflets; ils pensaient alors qu'il fabriquait de faux argent et de la fausse monnaie 5. Il faisait ainsi des vases, des anneaux, des cuillers; mais il soufflait aussi pour faire de

1. Angelo Bartholomei, Guido Accursii.

2. 27 mai.

3. Jean de Hancy.

4. Id.

5. Abbé de Montier-la-Celle.

Mém. et Doc, de l'Éc, des Chartes.

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l'argent. A Villemaur et à Aix, on avait vu des orfèvres qui disaient qu'ils produisaient de l'argent pour en faire de la monnaie. Vers 1300, deux homines que l'on disait orfèvres étaient ainsi restés trois semaines dans la maison d'Aix; l'évêque les faisait travailler. Ils fabriquaient une matière dont ils firent deux vases: mais un orfèvre de Troyes déclara que ces vases n'étaient pas de bon aloi. Pour couvrir sa fraude, l'évêque disait qu'il avait permission du roi de faire de l'argent 3.

XX ARTICLE

De Gui de Dampierre

(35 témoins)

Bien que Guichard eût su qu'il était l'auteur du meurtre, attendu qu'à ce moment Guiot était clerc du prieur, il l'avait gardé à son service, puis fait curé de Dampierre, nommé enfin, il y avait deux ans, doyen rural du diocèse de Troyes (doyenné d'Arcis, où l'institution et la destitution du titulaire appartenait à l'évêque 1).

XXI ARTICLE

De la simonie qu'il commettait en donnant la tonsure

(59 témoins)

On savait dans le diocèse qu'il faisait des tonsures ecclésiastiques pour de l'argent. Les prix variaient dix livres suffisaient

1. Pierre de S. Nizier.

2. Pierre Gaulez, Jean Montaulain.

3. Perrot de la Chambre. Il est intéressant de rappeler ici qu'en 1308 le roi ordonna au bailli de Troyes de faire abattre incessamment les fourneaux construits dans des lieux secrets où les Lombards faisaient fondre du billon. (M. Sémilliard, Notes de J. B. Breyer... Troyes, 1854, p.8).

4. Abbé de Montier-la-Celle, curé de Corfélix.

d'ordinaire 1; mais l'évêque en exigeait quelquefois vingt 2, et il réussissait à se faire donner jusqu'à trente-cinq livres 3. L'argent faisait passer sur le manque d'instruction: il donnait la tonsure à des illettrés. Il avait fait clerc un petit garçon qui apprenait encore à l'école le livre de Caton 5. Vers 1302, il avait conféré la tonsure à un enfant de dix ans, neveu de son prévôt, illettré au point de ne pas savoir ses lettres : l'enfant ne put réciter les versets qu'on dit en recevant la tonsure, et dut répéter les mots à mesure qu'on les lui soufflait. Vers 1303, Bianco Baldoyni, passant par Voigny 7, trouva l'évêque à cheval avec sa suite, arrêté près d'un groupe d'hommes; il entendit plusieurs d'entre eux qui demandaient à l'évêque de tonsurer leurs enfants, comme il l'avait promis. Guichard leur dit- «Faites-les venir à Troyes où je vais, et je les tonsurerai; vous savez bien comment! » et il partit. La troupe était déjà sortie du village; Bianco suivait à cheval, à six toises à peine de l'évêque : il l'entendit dire à son chapelain ou à son clerc, qui chevauchait à côté de lui: <«< S'ils veulent avoir la couronne, j'aurai d'eux pour cela de <«<bon argent. Je voudrais pouvoir affranchir tous les serfs de << Champagne ! » On l'avait entendu plusieurs fois, au temps où il avait été chassé du service du roi, dire qu'il ferait tant de clercs que sa juridiction en serait bien augmentée 9.

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Il vendait aussi les cures et les charges; il les donnait à des

1. Girard de Vauchassis, Pierre de S. Nizier, Colet de Pitoiete. 2. Jean Garnier.

3. Jean Ferron.

4. Jean de Garnier, Jean de Trainel.

gens

5. Colet de Pitoiete. Cato (Dionysius?) est l'auteur présumé d'un recueil de quatre livres de sentences morales, exprimées chacune en deux vers hexamètres. Ces maximes, écrites par un auteur païen du 1e ou du IVe siècle, sont précédées de préceptes en prose, mêlés d'inspiration antique et chrétienne. L'ouvrage eut une grande vogue pealant tout le moyen âge; c'était un des classiques en usage dans les écoles sous le titre de Catho ou Cathonet.

6. Curé de Corfélix.

7. Con de Bar-sur-Aube.

8. Bianco Baldoyni.

9. Girard de Vauchassis.

indignes. Il offrait une cure pour soixante livres. Il y avait dans l'église cathédrale de Troyes quatre charges de marguilliers à la collation de l'évêque, qui jusque là n'avaient été conférées qu à de dignes personnes : Guichard en vendit deux qui étaient vacantes 2.

Un chanoine de Villemaur, Gilon Mercier, était illettré à tel point qu'il ne savait chanter, ni lire, ni même dire son Confiteor, ni l'épître de la Vierge, ni accompagner le prêtre pour chanter l'office des morts, ni servir la messe. A la demande de l'évêque, il résigna son canonicat, et Guichard lui conféra l'église paroissiale de Corfélix, qui comptait bien cent vingt feux, et l'ordonna prêtre 3.

Il déposa le doyen de Sézanne, une discrète personne et de bonne renommée, pour lui substituer un prêtre de mauvais renom, Guillaume, curé de Baroville 4.

Enfin, il faisait vendre par son scelleur les bans de mariage, et les laissait publier pour de l'argent.

XXII ARTICLE

De la mort de Madame la reine de Navarre, mère de feue Madame la reine de France

(86 témoins)

Les présomptions les plus graves pesaient sur l'évêque. D'abord, il avait des raisons personnelles de haine contre la reine de Navarre il la haïssait parce qu'elle le poursuivait pour le fait de Jean de Calais et qu'elle l'avait fait chasser du conseil du roi ; il était en procès avec elle. Peu avant qu'elle ne mourût, comme on conseillait à l'évêque de se soumettre à la volonté

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de la reine, Guichard avait répliqué « que c'était la femme la plus << fausse et la pire qui fût au monde, qu'en aucune façon il ne se « soumettrait à elle, et qu'il aimerait mieux être juif que de le « faire ». A la Toussaint de 1301, à Senlis 2, dans l'église des Capucins rouges, on l'avait entendu, tout en colère et le visage enflammé, dire à son neveu Guichard, moine de Montier-laCelle « Elle s'efforce de me charger autant qu'elle peut, «mais je me délivrerai bien d'elle! >>

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Sceau de Blanche d'Artois, reine de Navarre (1275) (Arch. Nat., J. 613, no 1)

1. Girard de Vauchassis: «< quod dicta regina esset falsior et pejor << mulier que esset in mundo et quod aliquo modo se non supponeret ejus « voluntati et quod mallet esse judeus quam quod hoc faceret. >>

2. L'évêque s'y trouvait avec d'autres prélats pour prononcer sur le cas

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