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XIII

DU SOIN DE L'ÉTAT POUR LA SURETÉ PAR LA PUNITION DES TRANSGRESSIONS AUX LOIS ÉDICTÉES PAR LUI (LOIS PÉNALES).

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Actes que l'Etat doit punir. Des peines. Leur mesure. Leur mesure absolue que leur douceur soit aussi grande que possible, sans nuire pourtant au but à atteindre. Dangers de la peine infamante. Illégitimité des peines qui, outre le coupable, atteignent d'autres personnes. Mesure relative des peines: jusqu'à quel point le droit d'autrui a-t-il été foulé aux pieds. Réfutation du système qui prend pour mesure de la sévérité à déployer la fréquence ou la rareté des délits ; - illégitimité, • inconvénients de ce principe. Classification générale des infractions au point de vue de la sévérité des peines. — Application des lois pénales aux infractions réellement commises. Conduite à tenir envers l'infracteur durant l'instruction. Examen de la question de savoir dans quelle mesure l'Etat peut prévenir les infractions. Différence entre la solution de cette question et la détermination qu'on a faite précédemment des actes qui n'atteignent que leur auteur. Esquisse des divers modes possibles de prévenir les infractions suivant leur cause en général. Le premier de ces modes, remédiant au manque de moyens, ouvre la porte aux infractions; il est mauvais et inutile. Le second est pire encore, et doit de même être rejeté : il tend à écarter les causes qui poussent à l'infraction et dont le siége est dans le caractère même des individus. Application de ce procédé à ceux qui sont vraiment coupables. Leur amélioration. Comment on doit traiter ceux qui sont absous. Dernier mode de prévenir les infractions écarter les occasions de leur perpétration. borne à prévenir seulement l'exécution des délits déjà résolus. Rejet de ces divers moyens de prévenir les délits. Par quoi faut-il les remplacer? Par la plus grande activité dans la poursuite des infractions commises et par la rareté de l'impunité.

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Il se

Inconvé

nients du droit de grâce et d'atténuation.

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à la découverte des infractions.. Nécessité de la publicité de toutes les lois pénales sans distinction. de ce chapitre.

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Grands principes tirés

Le dernier moyen, le plus important peut-être, de travailler à la sûreté des citoyens est de punir la violation des lois de l'État. Faisons donc encore à cette matière l'application des principes développés plus haut. La première question est celle de savoir à quels actes l'État doit attacher une peine et donner le nom d'infractions? Ce qui précède rend la réponse facile. En effet, l'État, ne devant poursuivre d'autre but que la sûreté des citoyens, ne doit empêcher que les actes qui vont contre ce but. Mais ces actes méritent une pénalité proportionnée à chacun d'eux. En effet, le tort qu'ils causent, attaquant ce qui est le plus indispensable à l'homme pour son bien-être et le développement de ses facultés, est trop grave pour qu'on ne le combatte pas par tous les moyens efficaces et permis. Aussi les principes les plus élémentaires du droit commandent-ils à tout homme de souffrir que le châtiment pénètre dans le domaine du droit d'autrui. Au contraire, on ne saurait punir les actes qui ne se rattachent qu'à leur auteur ou qui se produisent du consentement de celui qu'ils atteignent. Tous les principes s'y opposent et défendent même qu'on les entrave. On ne doit donc punir aucune de ces infractions appelées fautes contre les mœurs (le viol excepté), qu'elles causent ou non du scandale; non plus que la tentative de suicide, etc. La mort même donnée à autrui du consen

tement de la victime devrait rester impunie, si dans ce dernier cas le danger ne rendait nécessaire une pénalité. Outre ces lois, qui interdisent les attaques directes au droit d'autrui, il en est d'autres d'une nature différente, dont une partie a été signalée plus haut et dont le reste sera mentionné par la suite. Toutefois, en ce qui concerne le but assigné précédemment à l'État en général, ces lois contribuent d'une manière seulement médiate à le faire atteindre; la pénalité sociale peut y trouver place, mais non pas en tant que la violation de la prohibition des fidéi-commis entraîne la nullité de la disposition principale (1). Cela est d'autant plus nécessaire qu'autrement l'obéissance due à la loi serait privée de toute sanction.

A propos de la pénalité, je veux étudier la peine ellemême. Je considère comme tout à fait impossible d'en prescrire la mesure, fût-ce dans de très-larges limites; je considère comme impossible de déterminer le degré qu'elle ne devrait jamais dépasser d'une manière absolue et sans s'appuyer en aucune manière sur des considérations tirées de rapports locaux. Les peines doivent être des maux qui effrayent l'infracteur. Mais leurs degrés, ainsi que la sensibilité physique et morale, varient à l'infini suivant les contrées et les temps. Par suite, ce qui, dans un cas donné, sera justement considéré comme une cruauté, peut, dans un autre cas, être exigé par la nécessité elle-même. Mais il est bien certain que les peines, à influence égale tou

(1) Code Napoléon, art. 896.

tefois, se rapprochent de la perfection en raison directe de leur douceur. Ce n'est pas seulement parce que des pénalités douces sont en elles-mêmes des maux plus tempérés, mais c'est qu'elles détournent l'homme du crime de la manière la plus digne de lui-même. Moins elles sont douloureuses et terribles physiquement, plus elles le sont moralement. Au contraire, une grande souffrance corporelle affaiblit chez le patient le sentiment de la honte et chez le spectateur celui de la désapprobation. Par suite, il arrive que des pénalités douces peuvent être appliquées bien plus souvent qu'un premier aperçu ne paraît le permettre, et, d'un autre côté, elles conservent un équilibre moral réparateur. En général, l'efficacité des peines dépend entièrement de l'impression qu'elles produisent sur l'âme de l'infracteur. On pourrait presque dire que dans une série de pénalités bien graduées, peu importe l'échelon où l'on s'arrêtera et que l'on considérera comme le sommet de l'échelle, car en réalité l'influence d'une peine ne dépend pas tant de sa nature en soi que de la place qu'elle occupe dans la série des peines en général; et l'on reconnaît facilement comme la plus grave de toutes celle que l'État présente comme telle. Je dis presque, car cette idée ne serait entièrement exacte que si les peines édictées par l'État étaient seules à menacer le citoyen. Comme il n'en est pas ainsi, et comme bien souvent des maux très-réels le poussent directement au crime, la mesure du plus grand châtiment, celle des peines en général qui sont destinées à combattre ces maux, se détermine sui

vant leur nature et leur énergie. Quand le citoyen jouira d'une liberté aussi grande, que ce travail a pour but de la lui assurer, l'augmentation de son bien-être viendra s'y ajouter; son âme sera plus sereine, son imagination plus douce, et la peine pourra perdre de sa rigueur, sans perdre de son efficacité. C'est ainsi qu'il est vrai que le bien moral et les causes du bonheur sont en une harmonie admirable, et qu'il suffit d'adopter et de pratiquer le premier pour se procurer toutes les autres. Tout ce que, selon moi, on peut dire avec précision en cette matière, c'est que la peine la plus élevée doit être aussi douce que le permettent les conditions particulières où se trouve la société.

Mais il est une classe de peines qui devrait, selon moi, être entièrement écartée je veux parler de la flétrissure, de l'infamie. L'honneur d'un homme, la bonne opinion que peuvent avoir de lui ses concitoyens, ne sont pas choses que l'État ait en quoi que ce soit en son pouvoir. Dans tous les cas, cette peine se réduit donc à ceci : que l'État peut retirer à l'infracteur le signe de son estime et de sa confiance, à lui État, et qu'il peut permettre aux autres hommes d'en faire autant. Il est impossible de lui refuser l'exercice de ce droit quand il le juge nécessaire; cela peut même être pour lui un devoir impérieux. Mais je crois que l'État aurait tort de déclarer d'une manière générale qu'il entend appliquer cette peine. Une telle déclaration suppose de la part de celui qui est puni une certaine logique du crime qui, en fait, se rencontre au moins très-rarement. Si souples qu'en soient les ter

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