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ils donnent naissance à des obligations personnelles ou à des rapports personnels qui restreignent étroitement la liberté, l'État doit en faciliter la dissolution même contre le gré d'une des parties, dans la mesure du préjudice causé par le lien au progrès intérieur de l'homme. Par suite, quand l'accomplissement des obligations nées de ce rapport est en harmonie parfaite avec les sentiments intimes, il doit les permettre toujours et d'une manière indéterminée; quand la restriction, bien qu'étroite, ne présente point cette entière concordance avec les sentiments intérieurs, l'État doit permettre des contrats pour une durée à déterminer suivant l'importance de la restriction et la nature de l'affaire.

5° Lorsque quelqu'un veut disposer de son bien pour le cas de mort, il est, à la vérité, opportun de lui laisser la faculté de nommer son héritier immédiat, sans lui permettre et en lui défendant, au contraire, de restreindre, par aucune condition, le pouvoir de ce dernier, de disposer du bien à son gré.

6o Il est nécessaire d'interdire entièrement toute disposition de cette nature qui passerait ces bornes; il est nécessaire encore d'établir une hérédité ab intestat et une réserve déterminée.

7° Lorsque des contrats passés entre-vifs doivent passer aux héritiers ou être réclamés contre eux parce qu'ils modifient le patrimoine laissé, l'État ne doit point favoriser l'extension de cette règle. Il serait même très-salutaire, relativement aux contrats séparés qui produisent un rapport étroit et respectif entre les par

CHRÉTIEN.

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ties (comme par exemple la division des droits sur une chose entre plusieurs personnes), que l'État ne permit de les former que pour le temps de la vie, ou en rendît la dissolution facile à l'héritier de l'une ou de l'autre des parties. En effet, comme ce ne sont plus les mêmes raisons que les précédentes qui règlent les rapports personnels, le consentement des héritiers est moins libre; et cependant la durée du rapport est d'une longueur indéterminée.

Si j'étais arrivé à exposer ces principes selon mon désir, ils devraient servir de boussole dans tous les cas où la législation civile doit se préoccuper du maintien de la sûreté. Ainsi, par exemple, je n'ai point rappelé les principes qui régissent les personnes morales : quand une pareille association naît d'une disposition de dernière volonté ou d'un contrat, il faut la juger d'après les principes qui dominent l'une ou l'autre. Mais l'abondance des cas que renferme la jurispru dence civile fait que je ne puis vraiment pas me flatter d'avoir réussi dans ce dessein.

XII

DU SOIN DE L'ÉTAT POUR LA SURETÉ AU MOYEN DE LA DÉCISION JURIDIQUE DES DIFFICULTÉS QUI NAISSENT ENTRE LES CITOYENS.

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Ici l'État se met simplement à la place des parties. Premier principe qui en découle relativement à l'organisation de la procédure. — L'État doit protéger les droits de chaque partie contre l'autre partie. Second principe qui en découle relativement à l'organisation de la procédure. Inconvénients qui viennent de l'oubli de ces principes. Nécessité de nouvelles lois pour rendre possibles les décisions judiciaires. La perfection de l'organisation judiciaire est l'élément sur lequel porte surtout cette nécessité. Avantages et inconvénients de ces lois. qui en dérivent.

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Règles de législation Grands principes tirés de ce chapitre.

La sûreté des citoyens dans la société repose surtout sur la remise faite à l'État du soin de poursuivre l'observation du droit. De cette remise découlent pour lui, d'abord le devoir de donner aux citoyens ce qu'ils ne peuvent pas se procurer eux-mêmes, ensuite le pouvoir de décider, en cas de contestation, de quel côté est le bon droit et de protéger, dans la possession de ce droit, celle des parties qui est jugée l'avoir pour elle. En ceci l'État seul prend, sans se préoccuper de son propre intérêt, la place des citoyens. En effet, la sûreté n'est réellement détruite qu'au cas où celui qui souffre

ou prétend souffrir dans son droit, ne veut pas subir l'atteinte qu'il ressent. La sûreté n'est point troublée si celui-ci souffre volontairement, ou s'il a des raisons pour ne pas poursuivre l'observation de son droit. Quand même l'abstention viendrait de l'ignorance ou de l'apathie, l'État ne devrait point intervenir (1). Il a suffisamment rempli son devoir quand il n'a pas donné lieu à ces erreurs par la complication, l'obscurité ou l'insuffisante publicité des lois. Ces principes s'appliquent à tous les moyens dont l'État se sert pour découvrir le droit quand on le poursuit réellement. Il ne doit jamais faire un pas au delà de ce que réclame de lui la volonté des parties. La première règle de toute organisation de la procédure devrait porter qu'on ne rechercherait jamais la vérité en elle-même, au point de vue absolu, mais seulement dans les limites où le

(1) Il en serait ainsi quand même l'acte qui aurait porté atteinte à un droit privé serait nul d'une nullité quelconque, relative ou absolue l'État ne devrait pas agir contre l'acquéreur de la chose d'autrui (art. 1599, Code Napoléon), dans le cas où le véritable propriétaire, sachant l'existence de son titre, ne voudrait pas la revendiquer. Rien de plus simple. Mais supposons que l'État connaisse cette spoliation, et que le vrai propriétaire l'ignore, par une cause indépendante de lui-même. L'État devrait-il alors sortir de sa réserve, l'avertir et le mettre à portée de poursuivre ses droits devant le juge dans le cas où il le trouverait bon ? Oui, il le devrait faire, d'abord comme protecteur de la sûreté : ici, en effet, un droit est violé sans la volonté du titulaire (voy. chapitre précédent, p. 180). Ajoutons qu'en gardant le silence, il ne se montrerait pas impartial; loin de là, il se ferait le complice des usurpateurs. Si ce devoir paraissait exorbitant, on rappellerait qu'à l'occasion l'État a fort bien su faire de la révélation des attaques qui le menaceraient un devoir positif énergiquement sanctionné. (Voyez les articles 103 et suivants du Code pénal de 1810.) C'est la réciproque que l'on exige de lui.

demanderait la partie qui, en général, aurait le droit d'en obtenir la recherche (1). Mais il existe encore sur ce point d'autres restrictions. Ainsi l'État ne doit point déférer à toutes les exigences des parties, mais seulement à celles qui peuvent servir à éclaircir le droit en litige et qui tendent à demander l'emploi de moyens

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(1) Cette observation et celle qui la précède peuvent s'appliquer dans leurs termes à trois objets distincts: à la demande elle-même, au fait qui lui sert de base, au mode de preuve. Quant à la demande elle-même, il est certain que l'État ne doit jamais faire un pas au delà de ce que réclame de lui la volonté des parties. C'est la règle ultra petita. (Voyez le Code de procédure civile, art. 1028, 5o). -Cela devient déjà quelque peu douteux en ce qui concerne le fait qui sert de base à la demande. Un acheteur accuse son vendeur d'une simple fraude et réclame de lui 1000 francs de dommages-intérêts. En étudiant l'affaire, le juge reconnaît que le vendeur pourrait bien être coupable de stellionat. Pourra-t-il en l'absence de toute allégation du demandeur, mais pour motiver plus solidement la condamnation, rechercher si vraiment le stellionat a été commis? Je choisis à dessein cet exemple pour ne pas compliquer ceci de l'intervention de l'action publique. Enfin pour ce qui est du mode de preuve, la proposition de Humboldt devient tout à fait contestable. Les législateurs ne l'ont pas acceptée dans sa généralité. N'est-il pas légitime que le juge, responsable vis-à-vis de tous et de lui-même de la sentence qu'il va rendre, ait une certaine latitude? Qu'il ne puisse pas ordunner une enquête longue et coûteuse, alors qu'aucune des parties ne la demande, on le comprend (comparer les articles 252, 254 et 34 du Code de procédure civile); mais qu'il n'ait pas le pouvoir de prendre de son propre mouvement telle autre mesure d'information qu'il juge nécessaire, voilà ce qu'on ne saurait admettre. Je sollicite contre mon adversaire une enquête. Après qu'elle est faite, je la trouve suffisante; les documents écrits me semblent clairs en ma faveur. Mais le magistrat en juge autrement, certaines obscurités l'embarrassent encore. Et il n'aurait pas la liberté d'ordonner d'office, sinon un interrogatoire sur faits et articles (art. 324 Code de procédure civile), au moins la comparution personnelle des parties, et, dans certains cas le serment! La lui refuser, ce serait enchaîner sa conscience à l'incertitude ou à l'erreur. Le législateur a évité cet excès. (Code Napoléon, art. 1366 et suiv. Code de procédure, art. 119.)

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