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HOMME

L'ORIGINE DE L'HOMME

D'APRÈS

ERNEST HÆCKEL

PARIS

C. REINWALD, LIBRAIRE-ÉDITEUR, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15.

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1874

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IMPRIMERIE ADMINISTRATIVE R.-B. GIMBERT, PLACE DU ROSAIRE, 4.

2-9-3120

Vignand

12-1-30

L'ORIGINE DE L'HOMME

ET HECKEL

La plupart des écrits publiés contre Darwin ne valent pas le papier sur lequel ils ont été imprimés.

HUXLEY.

« Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. »> Cet aphorisme, que la science moderne a proclamé hardiment par un des organes les plus autorisés des temps modernes, et qui, il y a cent ans, eût jeté le trouble dans la société, s'est élevé aujourd'hui au rang des vérités acquises dans les sereines régions de la raison. Cependant, comme il ne s'agit plus de s'imposer au nom d'un principe admis ou d'une idée reçue, mais de s'accorder sur les données les moins équivoques de l'expérience, il fallait emprunter à celle-ci le sceau de son indiscutable infaillibilité pour discréditer toutes les contre-façons de l'hypothèse. Or, il s'est trouvé trois hommes qui, munis de l'arme privilégiée du génie la patience, ont assumé courageusement cette scabreuse tâche : Pouchet, Darwin et, tout récemment, Hæckel (1).

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(1) Si les belles expériences du Dr Pouchet n'ont pas triomphé de toutes les répugnances, c'est que M. Pasteur n'a eu garde de les relater dans ses ouvrages, où il s'est, comme toujours, attribué la victoire. Mais qu'on consulte seulement chez le Dr Pennetier (l'origine de la vie) l'histoire des Flacons, et tout lecteur non prévenu sera autrement édifié. Voir aussi les expériences du Dr Meunier, sur lesquelles M. Pasteur a imité le prudent Conrart.

Notre plume s'est déjà consacrée à la propagation des doctrines qu'ont fondées les deux premiers savants. Son devoir, aujourd'hui, est de rendre un hommage d'admiration à l'illustre professeur de l'Allemagne, qui vient couronner l'édifice si laborieusement commencé par Darwin et Pouchet.

Hæckel n'est, certes pas l'auteur de la théorie de l'évolution universelle. Avec cette chevaleresque modestie qui est le parfum du vrai savant, il reconnaît lui-même que c'est au naturaliste anglais que la génération actuelle doit l'élargissement de la conception humaine, le plus fécond à la fois en conséquences et le plus grandiose.

S'extasier devant les prodiges de la mécanique, dévorer les distances qui effraient l'imagination, s'élever, nouveaux Prométhées, jusqu'aux zones aériennes, pour y dérober le secret de les parcourir avec tous les caprices d'un maître absolu des éléments, c'est si énorme que, si Galilée et Newton lui-même, pouvaient secouer leur tombe, ils se recoucheraient, peut-être incrédules, dans leurs cendres. Eh bien! rien n'est comparable à la solution du problême le plus ardu qu'ait jamais pu concevoir l'intellect humain; c'est Darwin qui nous l'a donnée, et c'est Hæckel qui s'est glorieusement appliqué à nous la prouver. Or, ce problême, quel est-il ? L'ORIGINE DE L'HOMME LUI-MÊME,

Le monde savant s'était montré plus ou moins rebelle à la doctrine du Darwinisme dès son apparition. L'auteur n'avait pour ainsi dire affirmé explicitement aucune de ces puissantes conséquences destinées à bouleverser des idées garanties par un rempart de quarante siècles. Il ne s'agissait que de préparer les esprits à accueillir des prémisses tout éblouissantes de hardiesse et de nouveauté; lorsque tout-à-coup il rompit le silence prudemment gardé pendant 13 ans, et, en 1871, il posa la plus étonnante des conclusions: la connaissance de notre origine animale, ou si l'on veut, l'histoire scientifiquement fondée de l'évolution du genre humain.

II

Les objections pullulent, car le préjugé est tenace et polymorphe. Sans parler de Linné qui le premier ouvrit les portes de la réforme scientifique, ni de Lamarck qui sut faire un pas de géant, ni de Cuvier dont il signale les bienfaits et les erreurs, Hæckel s'attache à réfuter le système des causes finales si spécieusement soutenu par Agassiz. Et la raison en est évidente: un adversaire est d'autant plus redoutable qu'il est plus proche et plus riche. En effet, qui a pu lire l'auteur d'Essay on classification sans se sentir ébranlé dans ses plus intimes convictions? tant les idées s'enchaînent à l'aide d'un raisonnement vif, concis et serré. Le système d'Agassiz peut se traduire en quelques mots :

Il y a un Etre créateur, dont la souveraine intelligence est occupée à faire et à défaire un plan dans un but donné. » Jamais l'anthropomorphisme du divin Architecte n'avait été peint avec des couleurs plus fantastiques. Quoi de moins rationnel? Que de choses dont l'existence n'est nullement justifiée par la conformité au but dans la nature! Hæckel aurait pu énumérer soit dans le règne animal, soit dans le règne végétal, une myriade d'êtres, à l'extermination desquels nous nous acharnons, ce qui serait assurément un crime de lèse-providence, si plantes, insectes, animaux étaient destinés à accomplir cette économie de la nature tant vantée.

Mais au lieu de puiser dans l'arsenal de la philosophie, il aime mieux combattre les naturalistes par les armes qui leur sont familières. Et à ce sujet Hæckel cite les organes rudimentaires ou abortifs qui ne fonctionnent point, et dont nul esprit n'a su découvrir la destination physiologique. On serait peut-être fondé à le taxer de prétention exorbitante, si la théorie de Darwin ne nous donnait la clef d'un phénomène biologique jusqu'à ce jour

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