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dent était arrivé par force majeure ou par la propre faute de la personne tuée ou blessée. La même loi étendait à tous les accidents survenus dans les mines, carrières, minières, ou dans une usine, une règle analogue, mais en édictant que, pour ces accidents, il fallait, pour entraîner la responsabilité du chef de l'entreprise, établir la faute de ce dernier ou de ses représentants.

Cette législation nouvelle souleva dans la suite des critiques nombreuses. La preuve, toujours difficile, imposée aux victimes des accidents, rendait le plus souvent illusoire la responsabilité de l'entrepreneur; et d'autre part, la loi de 1871 laissait à la charge de l'ouvrier les conséquences de tous les accidents dont la cause était inconnue ou provenait de cas fortuits. Du côté des patrons enfin, on prétendait que les réclamations des ouvriers étaient exagérées, les procès, par eux intentés, trop nombreux, et souvent les dommagesintérêts alloués trop lourds pour l'industrie.

Ce mécontentement général amena le législateur à de nouvelles modifications, et le décida à introduire dans la loi le principe de l'assurance obligatoire. On était au moment où le gouvernement impérial venait de faire voter la loi du 21 octobre 1878 contre les démocrates socialistes, et on espérait en établissant des institutions sociales favorables à la classe ouvrière, donner satisfaction, dans une certaine mesure, aux revendications qui s'étaient produites, une loi sur l'assurance obligatoire devenant ainsi la contre-partie, et comme le rachat des dispositions rigoureuses qui venaient d'être prises contre les menées socialistes.

Un premier projet de loi sur l'assurance des ouvriers fut soumis au Reichstag le 8 mars 1881 : les frais de l'assurance

devaient être supportés par les entrepreneurs industriels, mais avec une participation des ouvriers et une subvention donnée par le gouvernement; une administration impériale gérait l'institution nouvelle. Admis par le Reichstag, ce projet fut repoussé par le Bundesrath. Un second projet abandonnant l'idée d'une participitation pécuniaire de l'Etat et des ouvriers, et créant des associations régionales d'industriels, fut déposé au Reichstag le 6 mars 1884. La discussion fut longue et des plus vives elle occupa quarante-trois séances du Reichstag. De ces débats prolongés, l'analyse, toute intéressante qu'elle fût, nous paraît inutile pour faire comprendre la portée de la législation adoptée par nos voisins. Après l'accord entre les deux Chambres, ce projet devint la loi du 6 juillet 1884, sur l'assurance obligatoire contre les accidents.

Dans la matière des accidents du travail, la loi du 6 juillet 1884 abandonne totalement le principe traditionnel de la responsabilité, pour y substituer le principe moderne du risque professionnel. Remarquons que cette théorie n'est pas appliquée d'une façon générale, mais seulement pour certaines industries limitativement énumérées: diverses lois postérieures sont venues agrandir et étendre le champ d'application de la loi de 1884, mais sans modifier les dispositions fondamentales de cette loi, qui est toujours pour l'Allemagne le Code de législation sur les accidents du travail.

L'assurance obligatoire des ouvriers contre les accidents est pour la totalité à la charge des industriels, groupés par professions. Ni l'Empire, ni les ouvriers eux-mêmes ne contribuent dans une part de la prime d'assurance (1). Mais, en

(1) Cependant l'ouvrier contribue indirectement à l'assurance contre

imposant aux industriels cette charge publique, la loi améliore d'autre part leur condition antérieure. Leur responsabilité est sensiblement atténuée, Ils ne sont responsables du dommage intégral causé par l'accident, que s'il est établi, par une sentence pénale, qu'ils l'ont occasionné à dessein. La même règle existe pour leurs préposés, surveillants et ouvriers.

L'assurance couvre « tous les accidents qui surviennent dans l'exploitation », c'est-à-dire tous ceux qui se rattachent à l'exercice de la profession.

La loi allemande exige un rapport de cause à effet entre le travail et l'accident. Elle entend ce lien de causalité d'une façon très large il lui suffit de savoir que l'accident soit produit dans le travail, pour qu'elle le considère, le présume accident du travail; elle s'arrête à la constatation du fait dommageable, sans rechercher si ce fait est la conséquence réelle du travail. Ainsi, les accidents dus à la force majeure sont aussi bien couverts que les accidents survenus par cas fortuit. Les accidents occasionnés par la faute de l'ouvrier ou du patron rentrent dans le cas professionnel, le fait

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les accidents, en alimentaut pour partie la caisse des assurances contre les maladies. On sait que cette dernière assurance supporte une part assez considérable des dépenses et indemnités auxquelles donnent lieu les accidents pendant les treize premières semaines de l'accident, les frais de traitement et les secours pécuniaires sont supportés par l'assurance contre la maladie; ce n'est qu'à partir de la quatorzième semaine, que les frais de traitement, les pensions et indemnités sont exclusivement à la charge de l'assurance-accidents. Ces deux lois d'assurance contre les maladies et les accidents, comme du reste celle contre la vieillesse, ne sont au fond que les pièces d'un même organisme.

intentionnel est bien entendu exclu. Cependant, la faute du patron peut donner lieu, suivant sa gravité, à des dommages-intérêts supplémentaires en faveur de la victime (art. 95) ou envers l'association corporative (art. 96). Tandis que pour l'ouvrier, la loi de 1884 supprime la responsabilité personnelle de ses actes fautifs (1), elle la laisse subsister pour l'industriel d'une façon incomplète et irrégulière.

§ II. AUTRICHE.

167. D'après les principes du droit commun, le chef d'entreprise n'était, en Autriche, responsable que de ses fautes personnelles. La faute de ses employés ou préposés n'engageait sa responsabilité que dans le cas où il était prouvé qu'il y avait eu faute de sa part dans le choix de ces employés ou préposés.

En 1883, le Gouvernement proposa de modifier cette législation et d'établir la présomption de responsabilité du chef d'industrie. Mais ce projet fut rejeté.

En 1887, un nouveau projet de loi, s'inspirant des lois allemandes sur l'assurance obligatoire, fut soumis au Parlement autrichien, et, après de longues discussions et des modifications nombreuses, fut adopté le 28 décembre 1887.

Cette loi instituait, pour les accidents du travail, le régime de l'assurance obligatoire, conséquence du Risque profes

(1) Quelques tribunaux tournent la règle, en estimant que la faute lourde rompt tout lien entre le travail et l'accident celui-ci, perdant dès lors son caractère industriel, prive l'ouvrier de tout droit à l'assurance. (Déc. de l'Off. imp. du 10 janv. 1890, citée par M. Bellom, Lois d'assur. à l'étr., Allem., t. II, p. 98.) Néanmoins, l'Office impérial des assurances tend à faire dominer une interprétation favorable aux ouvriers.

sionnel. L'application partielle de cette théorie s'accrut à la suite de lois postérieures.

Bien qu'elle se rapproche, sur la plupart des points, de la législation allemande, la loi de 1887 présente avec celle-ci des différences notables.

D'après la loi autrichienne, la charge du Risque professionnel n'incombe pas en entier au patron; l'ouvrier y participe parfois dans une certaine mesure. La contribution de l'ouvrier a lieu lorsque son salaire journalier dépasse un florin (2 fr. 50 environ); elle est du dixième de la charge. totale.

Les patrons sont bien organisés en corporations; mais, ici, ces corporations ne sont plus, comme en Allemagne, professionnelles, c'est-à-dire formées de patrons exerçant la même industrie, elles sont régionales. formées une par province et comprenant toutes les industries de la province. La diversité des races et des langues, qui existe dans l'Empire d'Autriche, ne permettait pas des groupements d'un caractère trop large et trop varié.

La loi autrichienne assure les ouvriers et employés des industries assujetties « contre les suites des accidents survenus en cours du travail ». Ce texte, qui semble avoir une signification plus compréhensive que la disposition allemande, est interprété dans le même sens : il vise tout accident survenu dans l'exercice et à raison de la profession (1). Les accidents dus à la force majeure sont garantis comme ceux occasionnés par cas fortuit. Le risque professionnel

(1) Trib. arbitral de Brünn, 4 déc. 1890; Trib. arb. de Prague, 20 oct. et 14 nov. 1892. V. Bellom, Lois d'ass. à l'étr., Autriche, P. 709.

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