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buée et responsable, nommée par l'Etat. « Pour justifier la création d'un corps d'inspecteurs spéciaux, disait M. Ambroise Joubert dans la discussion de la loi de 1874, il faut envisager cette loi non seulement comme une loi de répression, mais aussi comme une loi destinée à apporter d'incessantes améliorations au sort des enfants. Il ne s'agit pas seulement de punir des délits, il faut surtout les prévenir. Il ne suffit pas de réprimer le mal, il faut encore pousser les patrons à faire le bien. Et notre loi ne produirait pas tous les bons effets que nous en attendons, si nous n'obtenions que la stricte observation des règlements qu'elle prescrit. Il faut viser plus haut, il faut amener les patrons à faire plus que la loi n'exige. Et c'est en cela que les inspecteurs spéciaux auront, j'en suis sûr, une très heureuse influence. Visitant journellement tous les ateliers, non seulement d'une même cité industrielle, mais de toute une région industrielle, ils seront à même de faire des études comparatives sur une très grande échelle; leurs rapports constateront les progrès, les améliorations réalisées par les uns, et en même temps, les défaillances, les imperfections existant chez les autres. >>

Enfin la loi du 2 novembre 1892 et les décrets pris en exécution de cette loi perfectionnent l'organisation des inspecteurs spéciaux, en établissant notamment plus d'unité dans les services d'inspection 1.

Le nombre des inspecteurs du travail est fixé à 11 inspecteurs divisionnaires et 92 inspecteurs ou inspectrices départementaux. Ils sont chargés d'assurer l'exécution: 1o de la loi du 2 novembre 1892 sur le travail des femmes et des enfants; 2o de la loi du 9 septembre 1848 sur le travail des adultes, et 3o de la loi du 7 décembre 1874 relative à la protection des enfants employés dans les professions ambulantes. Le travail dans les mines, minières et carrières est soustrait à leur surveillance pour être placé sous la sur

1. Voir Bouquet, La réglementation du travail, p. 290.

DU LOUAGE DE SERVICES.

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veillance des ingénieurs et contrôleurs des mines. (Loi du 2 novembre 1892, art. 17.)

Les inspecteurs et inspectrices ont entrée dans tous les établissements industriels tombant sous l'application de la loi, mais ils doivent prêter serment de ne point révéler les secrets de fabrication et en général les procédés d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leurs fonctions; toute violation de ce serment est punie d'un emprisonnement de 1 à 6 mois et d'une amende de 100 à 500 francs. Les inspecteurs et inspectrices constatent les infractions à la loi par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire. (Loi du 2 novembre 1892, articles 18 et 20.)

A côté des inspecteurs du travail, la loi du 2 novembre 1892 autorise les Conseils généraux à créer des commissions départementales. Celles-ci ont un rôle pnrement consultatif et secondent l'action des inspecteurs sans pouvoir jamais prétendre aux attributions exécutoires de ces der niers (art. 24).

En outre l'article 25 de la loi de 1892 prescrit l'institution, dans chaque département, de comités de patronage, dont les attributions consistent dans la protection des apprentis et des enfants employés dans l'industrie et le développement de leur instruction professionnelle.

Enfin, il existe une commission supérieure, qui forme, pour nous exprimer comme M. Van Overbergh, le couronnement de l'édifice inspectoral. Sa mission consiste à : 1° veiller à l'application uniforme et constante des lois protectrices des ouvriers; 2° donner son avis sur les règlements à faire, et généralement sur les diverses questions intéressant les travailleurs protégés; 3° arrêter les listes de présentation des candidats pour la nomination des inspecteurs divisionnaires 1.

1. Van Overbergh, op. cit., p. 148 et 207.

Dans la plupart des pays industriels, l'inspection du travail est organisée d'une manière analogue.

Bien qu'elle soit la terre classique de la liberté du travail, l'Angleterre a été la première à posséder des inspecteurs du travail.

M. Van Overbergh résume en ces termes l'organisation actuelle de l'inspectorat en Angleterre :

« A la tête se trouvent le ministre de l'intérieur et le chief-inspector. A chacun des 39 cercles d'inspection est préposé un inspector, qui, s'il occupe un district important, est assisté d'un ou même de deux juniors. Entre le chiefinspector et les inspecteurs se placent les agents du contrôle administratif, les quinze superintending inspectors 1. »

Il s'est produit en Angleterre des propositions tendant à augmenter le corps inspectoral; on désirerait même y adjoindre des assistants subalternes qui seraient des ouvriers de choix. On a émis le vœu également de voir créer, comme en France, des inspectrices, parce que les femmes s'ouvriront toujours plus facilement à une personne de leur sexe.

La mission des inspecteurs anglais est d'empêcher les abus plutôt que d'en poursuivre la répression, car ils ne peuvent poursuivre un industriel contrevenant à la loi sur les fabriques qu'après en avoir référé à l'inspecteur en chef. Enfin, il faut remarquer qu'en Angleterre, de même que partout ailleurs, les ouvriers n'osent guère dénoncer ouvertement les abus dont ils croient avoir lieu de se plaindre et que la plupart des dénonciations sont anonymes. Au surplus les ouvriers ne montrent pas une confiance illimitée dans la justice, d'autant plus que, grâce à l'organisation judiciaire anglaise, il arrive fréquemment que des industriels font partie du tribunal appelé à statuer sur les abus commis par leurs congénères.

L'inspection du travail en Allemagne est régie par la loi industrielle du 1er juin 18912, en Autriche, par la loi du 17

1. Van Overbergh, op. cit., p. 87.

2. Van Overbergh, op. cit., p. 211-271.

juin 18831, et en Suisse, par la loi fédérale du 23 mars 18772.

En Belgique, un arrêté royal du 6 novembre 1891, pris en exécution de la loi du 13 décembre 1889 sur le travail des femmes et des enfants se bornait à utiliser, pour l'inspection du travail, des fonctionnaires existants. Mais ce système vient d'être légèrement modifié par un arrêté royal du 21 septembre 1894, aux termes duquel l'inspection du travail est confiée :

1° Pour l'industrie minière, à l'administration des mines; 2o Pour les établissements industriels affectés à la fabrication ou à la préparation des denrées alimentaires, aux inspeeteurs chargés de la surveillance de la fabrication et du commerce de ces denrées;

3o Pour toutes les autres industries, aux inspecteurs des établissements dangereux, insalubres ou incommodes et aussi à des inspecteurs du travail.

Cette dernière catégorie de fonctionnaires est nouvelle; mais cette innovation, due à l'arrêté royal du 21 septembre 1894, ne marque qu'une étape bien timide dans la voie de la création d'un inspectorat spécial du travail, car l'action de ces nouveaux fonctionnaires ne s'étend pas à toutes les industries, et de plus ce ne sont que des fonctionnaires intermittents, ne jouissant d'aucun traitement fixe et ne recevant que des indemnités de vacations.

1. Van Overbergh, op. cit., p. 359-396. 2. Van Overbergh, op. cit., p. 271-358.

SECTION III.

RÉMUNÉRATION DU TRAVAIL.

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