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C'est ce dont M. Broca a voulu aujourd'hui se rendre compte et ce qui l'a conduit à la série de recherches entièrement neuves dont nous voulons parler.

Nous n'énumérons pas les expériences et les considérations, les unes tirées de l'anatomie, les autres de la physiologie, à l'aide desquelles M. Broca s'est tout d'abord et à nouveau convaincu que la tête est bien réellement dans son attitude naturelle lorsque les deux regards sont dirigés vers l'horizon. Des physiciens et des oculistes, en dehors de toute préoccupation craniométrique, sont arrivés au même résultat.

Ce qu'il nous faut dire, c'est sa façon de s'assurer si le plan alvéolo-condylien s'élève ou s'abaisse par sa partie antérieure, relativement au plan visuel, suivant les races et suivant les individus, et de mesurer dans ces cas l'angle dièdre que ces deux angles interprètent entre eux.

Lorsque cet angle dièdre résulte de l'abaissement de la partie antérieure du plan alvéolo-condylien, l'angle ouvert en avant prend le nom de positif et est indiqué sur les tables par le signe+. Lorsqu'il résulte au contraire du relèvement du même plan, il est ouvert en arrière, est dit négatif, et est indiqué par le signe

M. Broca ne s'est pas contenté de mesurer les degrés d'inclinaison du plan alvéolo-condylien sur le plan visuel, il a voulu aussi connaître celles des autres lignes dites horizontales, proposées par les auteurs. Prenant donc le plan visuel comme plan fixe, il a déterminé par la méthode trigonométrique, et exprimé en degrés positifs ou négatifs l'inclinaison de ces divers plans ou lignes, dont voici l'énumération et la définition :

1o Le plan alvéolo-condylien, passant par le point alvéolaire, et tangent à la face inférieure des condyles occipitaux ;

2o Le plan de Hamy, passant par le point le plus saillant de la glabelle et par le sommet du lambda. M. Hamy a proposé l'emploi de ce plan pour orienter les crânes sur lesquels l'absence de la face et des condyles occipitaux ne permet pas de déterminer le plan alvéolo-condylien ;

3o Le plan horizontal de Busk. C'est le plan perpendiculaire au plan vertical de Busk, lequel passe par le bregma et par les deux conduits auditifs. Un procédé fort simple, et qu'il serait superflu de décrire, permet de placer le crâne dans une position telle que le plan vertical de Busk soit perpendiculaire au plan du craniostat. On mesure alors l'inclinaison de l'aiguille orbitaire sur le plan du craniostat;

4o Le plan de mastication n'a pas besoin d'être défini. Il ne peut se déterminer que sur les crânes pourvus de la plupart des dents molaires, et seulement lorsque les dents sont un peu usées;

5o Le plan de Camper, du centre du conduit auditif à l'épine nasale inférieure ; 6o Le plan palatin de Barclay. C'est le plan de la voûte palatine;

7o Le plan de Blumenbach. C'est le plan de la table sur laquelle le crâne, privé de sa mâchoire inférieure, prend son équilibre ;

8o Le plan de Baer, donné sur le profil par le bord supérieur de l'arcade zygomatique ;

9o Le plan de Merkel, donné par une ligne tirée du centre du conduit auditif au bord inférieur de l'orbite;

10° Le plan glabello-occipital, de la glabelle au point le plus reculé de l'occipital; c'est le plan dans lequel on mesure le diamètre antéro-postérieur maximum;

11o Le plan de Daubenton, passant par l'opisthion (bord postérieur du trou occipital) et par les bords inférieurs des orbites ;

12o Le plan de Rolle, donné sur le profil par une ligne tirée du centre du trou auditif au point alvéolaire ;

13o Le plan naso-iniaque, de la racine du nez à l'inion (protubérance occipitale externe);

14o Le plan d'Aeby, ou plan naso-basilaire, passant par la racine du nez et par le basion (bord antérieur du trou occipital);

15o Enfin le plan naso-opisthiaque, de la racine du nez à l'opisthion; c'est le plan fixe du second angle occipital (1).

Suivent les premiers résultats que M. Broca a obtenus sur trois séries égales de crânes pris dans les trois types principaux de l'humanité. Pour donner un exemple de la façon de lire ce tableau, je prends le plan alvéolo condylien. Sur la totalité des 36 sujets, la moyenne indique qu'il s'abaisse par sa partie antérieure (ou s'élève par la postérieure) jusqu'à produire avec le plan visuel un angle de 0,88 (angle positif de moins de 1 degré); sur les 12 nègres il se relève au contraire par sa partie antérieure (ou s'abaisse par la postérieure) jusqu'à donner un angle de 0o,10 (angle négatif de un dixième de degré), etc.

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Voici quelques-unes des conclusions à en tirer: 1o eu égard aux moyennes générales, l'inclinaison sur le plan de la vision horizontale est au minimum pour le plan alvéolo-condylien; vient ensuite celui d'Hamy, puis celui de Busk; 2o l'écartement est énorme pour les plans de Camper et de Baer; il est pire encore pour ceux de Daubenton et de Rolle; 3o par conséquent, au point de vue de l'attitude qu'il donne au crâne, le plan alvéolo-condylien est le meilleur des quinze et celui qu'il convient d'adopter pour lui rapporter toutes les projections examinées; ce

(1) Voir Bulletins de la Société d'anthropologie, 1872, p. 664, et Revue d'anthropologie, 1875, t. II, p. 210.

REVUE D'ANTHropologie.

plan se relève un peu dans les races blanches et nègres et s'abaisse d'une façon tout à fait inattendue dans la race mongolique, ce qui peut donner lieu à un caractère différentiel entre elles.

Mais il ne suffit pas que le plan adopté soit, en moyenne, sensiblement horizontal, il faut encore que les quelques déviations qu'il présente, dans les cas particuliers, ne soient pas trop fortes. Le tableau ci-contre répond à ce desideratum.

Il en découle : 1° que les écarts entre les maximum et les minimum sont moins considérables pour le plan alvéolo-condylien que pour tout autre; 2o que ceux de Busk et de Baer sont moins satisfaisants sous ce rapport ; 3° que celui d'Hamy laisse, cette fois, fort à désirer.

La conclusion générale de M. Broca se résume donc comme il suit: Sur tous les crânes complets et normaux, le plan alvéolo-condylien est de beaucoup le plus avantageux et par conséquent celui qu'il faut adopter sans hésitation. Lorsque les points de repère de ce plan, c'est-à-dire les condyles ou le bord alvéolaire font défaut, il y a lieu d'hésiter entre celui d'Hamy et celui de Busk; tous deux donnent des moyennes acceptables, tous deux présentent des écarts assez notables; sous ce dernier rapport, le plan de Busk serait le meilleur ; sous le rapport de la direction moyenne, l'avantage est pour le plan d'Hamy. Lorsque les trous auditifs qui contribuent à déterminer le plan de Busk font également défaut, il va sans dire qu'on s'adressera à ce dernier.

9°,47, sur un

Telle est la proposition fondamentale longuement développée dans les mémoires indiqués, mais accessoirement il s'y trouve d'autres recherches non moins intéressantes. La supériorité du plan alvéolo-condylien établie, M. Broca a voulu en connaître l'inclinaison, légère ou forte, sur les crânes déformés, sur les crânes pathologiques, sur les singes et enfin sur d'autres mammifères. Le plus grand angle positif qu'il ait trouvé sur l'homme est de + 9o,66, sur un Aymara à déformation cunéiforme couchée, et le plus grand angle négatif de enfant hydrocéphale. Cinq gorilles ont offert tous cinq un angle positif dont la moyenne a été de + 19o,31. L'angle minimum constaté chez les anthropoïdes a été de +14o,20, sur un jeune orang ; il est donc de 5 degrés plus élevé encore que le chiffre le plus élevé de l'homme anormal. Mais les caractères distinctifs des anthropoïdes ne sont réellement accusés que chez l'adulte. Or, en comparant l'angle minimum des anthropoïdes adultes avec l'angle maximum des crânes normaux humains, la différence est de 6 degrés. Il s'ensuit que l'abaissement du plan alvéolocondylien, relativement considérable chez les singes supérieurs, devient un excellent caractère distinctif entre l'homme et ses plus proches voisins zoologiques. En ne considérant que leurs moyennes respectives, on trouve que leur distance est d'au moins 20 degrés. Toutefois, chez quelques singes inférieurs, chez les sajous par exemple, l'angle d'inclinaison du plan se rapproche exceptionnellement de

celui de l'homme,

Chez les mammifères suivants, en descendant la série, l'inclinaison de la partie antérieure du plan alvéolo-condylien, par rapport au plan visuel, augmente. Sur 3 chiens, elle est de 24,94; sur 3 chats, de 22,68; sur 3 porcs, de 32,24, etc., mais le phénomène, ici, devient la résultante de deux causes: la direction horizontale du regard que cherche à conserver l'animal, et la direction de la colonne vertébrale par rapport au sol. Plus l'animal, en effet, porte la tète droite, comme l'homme dans l'attitude bipède, et plus aussi son plan alvéolo-condylien tend à devenir exactement parallèle au plan du regard. Plus au contraire l'attitude quadrupède s'ac-.

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centue, plus la tète est obligée de s'abaisser et par conséquent le regard de se relever. Or le plan du regard ne peut se relever, la tête conservant sa disposition inclinée générale, sans que, simultanément, le plan alvéolo-condylien, auquel est liée la cavité buccale, s'abaisse. Il s'ensuit qu'étant donné le plan alvéolocondylien chez un mammifère, on peut en déduire l'attitude naturelle de la tête. M. Broca a été amené à étudier aussi et à mesurer l'angle que font les deux axes visuels chez l'homme, les singes et les autres animaux. Peu ouvert chez le premier et les seconds, il va en divergeant chez les derniers : c'est l'angle biorbitaire.

Enfin, et ce n'est pas la partie la moins importante de son œuvre, M. Broca, afin de remplacer les divers goniomètres déjà inventés et ceux qu'on serait tenté d'imaginer encore, expose la méthode générale à l'aide de laquelle on peut déterminer la plupart des angles sur le crâne par la trigonométrie. Il en fait l'application successive: 1° à l'angle que font les onze plans précédents avec le plan visuel ; 2o à l'angle bi-orbitaire; 3° au trapèze crânien supérieur de Welcker; 4° à l'angle pariétal de M. de Quatrefages; 5° au prognathisme alvéolaire (ou alvéolosous-nasal) de M. Topinard. On sait, en effet, combien les goniomètres laissent, en général, à désirer soit parce que leurs diverses articulations jouent, ou la matière dont ils sont construits, soit par suite de la difficulté de se poser sur les points de repère. On sait aussi combien il est difficile de reporter les angles sur le papier, puis de les prendre avec le rapporteur. Par la méthode trigonométrique et les formules de M. Broca, tout devient d'une extrême simplicité : les données des problèmes se mesurent en une seconde et les résultats se lisent directement en une autre seconde sur le barème anthropologique, qui existe au laboratoire des hautes études et que la Revue compte publier d'un jour à l'autre.

Pleinement convaincu pour ma part, je me propose de convertir les indices des divers prognathismes que j'ai étudiés dans la série humaine en angles dont je reproduirai ici la liste (voir Revue d'anthropologie, vol. I et II). L'indice que j'ai donné représente, en effet, la cotangente de l'angle qui mesure le prognathisme au point alvéolaire; il suffira donc de chercher sur la table trigonométrique l'angle qui répond au nombre entier, puis aux décimales exprimées, ce qui ne demandera qu'un instant. Nos lecteurs pourront, en attendant, faire cette conversion eux-mêmes pour les indices dont ils auront besoin. PAUL TOPINARD.

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THESES DE LA FACULTÉ DE PARIS.

Etude anatomique du crâne chez les microcéphales, par le docteur Louis Montané, 1874. Du sacrum suivant le sexe et suivant les races, par le docteur Bacarisse, 1874. Contributions à l'anatomie pathologique de l'hydrocéphalie chronique, par le docteur A. Vinsonneau, 1874.

La thèse inaugurale termine la vie scolaire du jeune médecin. Pendant cinq années il vient d'étudier l'homme à tous les points de vue: anatomique, physiologique et pathologique; il n'en a négligé qu'un, le point de vue général qui apprend ce qu'est l'homme par rapport au reste de la création. La médecine, en effet, diffère de l'anthropologie par son but: prévenir les maladies et les guérir; nos facultés ont à former des praticiens, non des savants. Et cependant le médecin, comme le naturaliste, est le mieux préparé pour la science supérieure de l'homme, et l'on s'étonne qu'au moment de quitter les bancs et de s'élancer dans

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