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périeure, le sol du monument s'abaissant dans le sens de la déclivité du terrain; nous avons ainsi sous les yeux non pas un monument divisé en plusieurs chambres séparées les unes des autres par des blocs de pierre, comme on peut le voir notamment dans quelques dolmens de Bretagne, mais simplement trois marches superposées et d'inégale largeur comme on peut s'en rendre compte en jetant un regard sur la figure 6, où le sol sur lequel reposaient les squelettes est indiqué dans les deux parties du fond par une ligne pointillée. Il n'en est pas moins vrai que cette inégalité du sol constituait une série de pièces différentes, et que nous n'avons constaté aucun corps placé de façon à se trouver partie d'un côté, partiè de l'autre d'un des murs. La particularité que nous signalons ici ne détruit donc pas l'hypothèse d'une suite de chambres complétement séparées les unes des autres, et, malgré notre conviction contraire, nous ne pouvons affirmer qu'une chose, c'est que nous n'avons trouvé aucune trace de ces fermetures, autre que les petits murs dont nous venons de parler.

En effet, il nous paraît impossible de prendre le gros grès que l'on voit sur la figure 7 posé à plat sur le mur situé du côté de l'entrée, pour le reste de la fermeture des chambres sépulcrales. Ce grès, s'il n'est pas un débris du toit du dolmen, se rattachait à une particularité de construction sur laquelle nous devons nous arrêter un instant.

(A suivre.)

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REVUE CRITIQUE

DE LA RACE INDIGÈNE, OU RACE BERBÈRE, EN ALGÉRIE.

La Kabylie et les Coutumes kabyles, par MM. Hanoteau et Letourneux, 3 vol., 1872. Imprimerie nationale. -Des races dites berbères et de leur ethnogénie, par M. J.-A.-N. Perier. (In Mém. Soc. d'anthropologie, t. IV, 1873.) - Sur les dolmens d'Afrique, par le général Faidherbe (séance du 16 janvier 1873 de la Société d'anthropologie.)

Sur la colonisation de l'Algérie, par M. A. Assezat (séance du 3 avril 1873). Dénombrement de l'Algérie depuis 1856, par M. Bertillon. (In Revue d'anthropologie, t. II, p. 519, année 1873.) Instructions sur l'anthropologie de l'Algérie. Considérations générales, par le général Faidherbe. Instructions particulières, par le docteur Paul Topinard. Paris, 1874.- Itinéraire de l'Algérie. Introduction, par L. Piette (collection des GuidesJoanne). Paris, 1874.

Les deux systèmes aujourd'hui en présence dans un monde qui n'est pas celui de la science et que la science doit dominer de toute sa hauteur, pour obtenir la pacification définitive de notre colonie d'Afrique, donnent un intérêt d'actualité à tous les documents qui ont trait aux populations indigènes qui s'y sont superposées depuis les temps les plus reculés et aux populations aryennes qui sont venues s'y fixer à la suite de la conquête française. De nombreuses études et d'intéressants mémoires ont été publiés sur la matière, et l'année 1873 en particulier a vụ remettre en cause des questions qu'on croyait jugées. Le moment est donc opportun pour donner aux lecteurs de la Revue un aperçu de la phase où en est l'anthropologie de la région de l'Atlas.

Les habitants actuels de l'Algérie se partagent en trois groupes naturels : les Chrétiens, les Juifs et les Musulmans, et ceux-ci à leur tour en Kourouglis, Nègres, Arabes et Berbers; ces derniers portent les noms de Kabyles dans les deux Kabylies, de Chaouias dans le reste de la province de Constantine, de Djebelins dans les montagnes de la province d'Alger et d'Oran (Warnier) et de Zenatas et Beni-M'zab dans les oasis.

Les Kourouglis, peu nombreux, descendent des unions contractées par les janissaires turcs avec les femmes du littoral. Les Arabes sont les restes des invasions musulmanes des septième et dixième siècles; leur nombre, estimé à 500 000 en 1864 par le docteur Warnier, paraît avoir considérablement diminué depuis sous l'influence de causes diverses: la famine de 1868-69, le choléra, la variole, etc. Les Nègres, en quantité indéterminée, proviennent en partie du Soudan, d'où ils ont été exportés de tous temps comme esclaves, et en partie, selon nous, d'un centre propre que les auteurs, jusqu'à Ptolémée, signalent dans la région des oasis du Touat, de l'Ouargla et l'Oued-R'ir. Les Berbers, portés par le docteur Warnier à 2 200 000 environ en 1864, constituent seuls la véritable race indigène, celle qui tient au sol et avee laquelle la domination française doit compter si elle veut faire œuvre qui dure et tirer de l'Algérie ce que nous sommes légitimement en droit de lui demander.

Trois autres dénominations pour les Musulmans ont cours en Algérie: les

Maures, les Berranis et les Bédouins. Les premiers sont des métis de tout genre fixés dans les villes, sans individualité ethnique et dont le plus grand nombre remonte à l'époque où Arabes et Berbers s'associèrent pour envahir l'Espagne au huitième siècle. Les seconds sont des Berbers venus dans les villes, mais d'une façon passagère, et qui s'en retournent dans leur pays après avoir amassé un petit pécule. Leurs lieux de provenance principaux sont : Biskra, la Kabylie, le M'zab, Lar'ouat et Mansoura; quelques nègres aussi sont compris dans leur groupe. Les troisièmes sont tout simplement des Arabes complétement nomades. Pendant longtemps, et beaucoup en sont encore là, on ne distinguait en Algérie que deux sortes d'indigènes les Maures dans les villes et les Arabes dans les campagnes, mais parmi ces derniers on avait de suite compté deux variétés : les sédentaires et les nomades, et aux derniers on donna le nom de Bédouins. Aujourd'hui nous savons à quoi nous en tenir : Arabes et Bédouins ne font qu'un, les autres sont Berbers. Les habitants les plus anciens de la partie septentrionale de l'Afrique, à l'ouest des Egyptiens, nous sont signalés, il y a cinq ou six mille ans, dans la traduction grecque des annales égyptiennes de Manethon, sous le nom de Ai6uas que nous rendons par le mot L byen et que rendait le mot égyptien Lebou ou Rebou. Sous la quatrième dynastie, le roi Neferkhérès est dit avoir soumis une portion des Libyens terrifiés par la vue d'une éclipse. Cette époque devait répondre à celle des pierres taillées, dont on retrouve des traces sur les points les plus distants de l'Algérie: près d'Alger, à la pointe Pescade, sur les confins du Sahara, dans l'oasis d'Ouargla.

A partir de la dix-huitième dynastie, sinon plutôt, de nombreux indices donnent à penser qu'à ces Lebous est venu s'ajouter un peuple nouveau aux yeux bleus. Le fait devient certain en 1400 avant notre ère. Des déserts, à l'occident du Delta, un flot de nomades aux yeux bleus et aux cheveux blonds descend des îles de la Méditerranée sur le continent africain, menace les provinces du nord de l'Egypte et n'est contenu qu'avec de grands efforts par les armées égyptiennes. Ces envahisseurs comprenaient des Lebous, des Maschouach, dont descendraient les Maces d'Hérodote, les Maziques de Ptolémée et les Amazigs (Touaregs) d'aujourd'hui, des Kchaks, etc., et étaient désignés sous le nom général de Tamahou. Plus intelligents que les autochthones, ils les auraient subjugués et en retour leur auraient apporté l'art de construire les monuments mégalithiques. La présence actuelle de ces monuments en quantités innombrables des côtes du Maroc jusqu'à la Tunisie et d'individus blonds dans cette même étendue et jusque dans les îles Canaries, établit en quelque sorte les frontières de leur domination d'alors. C'était l'époque de la pierre polie en Algérie et plus tard celle des métaux; la première paraît y avoir été fort courte.

De la fondation de Carthage jusque vers l'invasion romaine, la chaîne de l'Atlas, du Djebel-Amour et de l'Aurès et ses deux versants, allant d'une part à la Méditerranée et de l'autre au Sabara, étaient donc occupés par un peuple formé de deux éléments ethniques déjà, et même de trois en y ajoutant l'élément nègre qui, incontestablement, existait. Ce peuple n'avait aucune unité nationale, à en juger par la variété de noms sous lesquels les auteurs en parlent: les Numides, les Gétules, les Gamarantes, les Augils, les Atlantes ou tribus de l'Atlas, les Troglodytes, etc. Deux de leurs groupes méritent surtout d'être remarqués : les MélanoGétules, dans lesquels l'élément nègre devait prédominer, et les Leucæ-Ethiopiens, dans lesquels les blonds, au contraire, devaient être plus nombreux. Parmi ces

tribus, la majorité était nomade, mais certaines, particulièrement dans la région de la Kabylie actuelle, étaient sédentaires. La plupart des inscriptions en langue berbère retrouvées sur des rochers ou des dalles sont de cette époque (1).

On sait les soulèvements continus dans les montagnes de la Kabylie qu'eurent à réprimer les Romains et le nombre de postes militaires qu'il leur fallut entretenir sur les confins du Beledjerid pour contenir l'esprit belliqueux et indépendant des indigènes. Plus tard même, une fraction importante de ce peuple refusa de plier devant l'invasion musulmane et émigra en masse dans le désert; ce furent les Touaregs. A ce moment remonte, selon toute probabilité, le nom générique de Berbers, qui appartient à la langue arabe. Désormais toutes les désignations de leurs groupes secondaires ne nous sont plus transmises que sous des noms de même origine. D'après Léon l'Africain, ils se ralliaient en cinq confédérations principales les Sanhogia, les Musmuda, les Zénéta, les Haoara et les Gumera. D'après Marmol, leur langue avait trois noms : le chilha, le tamazegt et le zénéta (ce sont le schella ou chaouia, le tamacheq et le zénata d'aujourd'hui).

L'ouvrage à consulter le plus remarquable sur les péripéties qu'ont subies ces grandes tribus d'alors et sur les endroits de l'Algérie où s'en retrouvent les débris est certes celui de M. Jules Carette Sur les origines et les migrations des principales tribus de l'Afrique septentrionale et en particulier de l'Algérie. Paris, 1853. On le comparera avec l'Histoire des Berbères, d'Ibn Khaldoun, traduction de l'arabe par le baron de Slane. Alger, 1852, avec le Kitab el Adouani ou le Sahara de Constantine et de Tunis, traduction de l'arabe par L. Féraud. Constantine, 1866, etc. Arrivant à l'époque actuelle et écartant de la population indigène véritable tous les éléments conquérants et accidentels, nous restons donc en présence d'une masse essentiellement composée de bruns par les cheveux, les yeux et même la peau, mais parsemés çà et là d'individus tirant plus ou moins sur le blond et ayant parfois les yeux bleus ou la peau d'une complexion blanc-mat ou rouge-brique marquée d'éphélides comme il s'en rencontre dans les pays du Nord. Evidemment les premiers, les bruns, sont les représentants de la race la plus ancienne, numériquement plus forte et appropriée au sol qui la vit se constituer, tandis que les seconds, les blonds, sont les restes d'une autre race, née sous d'autres climats et venue postérieurement se fondre dans la précédente. Les premiers sont les Lebous, les plus purs des seconds sont les Tamahou, dont le type est figuré sur les monuments égyptiens.

La fusion, toutefois, est aujourd'hui si intime, le type ethnique numériquement le plus fort a si bien repris le dessus en vertu de la grande loi anthropologique du retour aux ancêtres, qu'il y a lieu de regarder la race berbère actuelle comme une et de ne séparer ses caractères physiques en deux types que pour les besoins de la science et pour arriver à refaire l'histoire des deux races jadis en présence. Cette fusion s'opère graduellement depuis deux mille trois cents ans au minimum. Le retour au type lebou a dû être troublé par l'introduction continue de sang nègre depuis le même temps, mais l'effet ne saurait se comparer à ce qu'a pu produire l'intervention de l'élément arabe depuis mille ans.

Arabes et Berbers se haïssent encore actuellement; leurs croisements ont eu pour résultat surtout les Maures des villes; ils sont radicalement séparés par leurs in

(1) Voir la Collection complète des inscriptions numidiques (libyques) avec des aperçus ethnographiques sur les Numides, par le général Faidherbe. Paris, 1870

stincts, leurs goûts, leur humeur et leurs institutions. La religion les réunit à peine, ils ne la pratiquent pas avec la même ferveur; la foi musulmane répond encore moins à l'esprit de la race berbère que la foi sémite ne répond à celui de la race aryenne. Ce qui, bien plus, a été cause d'un rapprochement entre eux, c'est, d'une part, l'absence de toute écriture en langue berbère (du moins en Algérie, où les Arabes se sont appliqués à la faire disparaître), de sorte que le texte du Koran ne peut être lu par les Berbers qu'en arabe, et d'autre part l'adoption de la langue arabe dans plus de la moitié des tribus berbères de notre colonie.

Un court parallèle des principaux traits moraux des deux races fera de suite voir ce qu'elles ont d'incompatible et montrera en même temps toute l'individualité de celle que nous qualifions, presque à l'exclusion de l'autre, de race indigène de l'Algérie. Il est évident que nous aurons égard surtout aux types les mieux accusés de part et d'autre. Dans toute cette catégorie de tribus que l'on a appelées Berbers arabisants et Arabes berbérisants, l'opposition, il va sans dire, est moins nette.

L'Arabe, ou mieux, la tribu à laquelle il appartient, est nomade. Il campe sous la tente, change d'emplacement aussi souvent que l'exige la pâture de ses troupeaux et, dans la région des oasis en particulier, ne cultive pas la terre; ailleurs il se livre, à certaines époques, à la culture des céréales et dans ce cas n'est pas propriétaire du sol; chaque année la tribu lui distribue sa part, de sorte qu'il ne prend aucun intérêt à son champ et ne cherche ni à l'amender, ni à y planter des arbres fruitiers, etc.

Le Berber dans la Kabylie ou dans les oasis est au contraire sédentaire et essentiellement agriculteur; il loge dans une maison de pierre ou de chaume, est attaché à son jardin, à ses vergers et s'efforce, par tous les moyens possibles, de leur faire rapporter davantage.

L'Arabe est paresseux au suprême degré; celui des oasis, en dehors des soins qu'exigent son cheval et ses troupeaux, ne fait rien; celui du Tell fait volontiers cultiver son lot par d'autres. Il est imprévoyant, laisse ses bêtes au grand air et ne leur emmagasine pas de fourrages pour l'hiver. C'est pour ne pas se fatiguer et renouveler les pacages qu'il incendie les forêts. Il est sans ambition, sans but, et ne se confectionne guère que des objets d'harnachement.

Le Berber, inversement, est un modèle d'activité. Jamais il ne reste désœuvré. Il est industrieux et s'emploie à toutes choses. Il veut faire fortune, il s'enrôle pour un temps dans notre armée, descend dans la plaine pour cultiver les champs des Arabes, se rend dans les villes à la façon de nos Auvergnats et revient au pays après s'être amassé de quoi acheter une maisonnette, un jardin et prendre femme. Il fait valoir son argent, met à profit les moindres fentes de rochers, s'occupe de maçonnerie, de serrurerie, fabrique de l'huile, du savon, des armes, de la poudre, des instruments d'horticulture, exploite les mines et, avant notre occupation, faisait de la fausse monnaie. Dans les oasis, il est tenancier des Arabes et cultive les dattes surtout.

L'Arabe n'a qu'une dignité apparente; il est tour à tour humble et arrogant; dans la bastonnade, il ne voit que la douleur; dans un cas d'assassinat d'un des siens, il se contente de la dia, ou rachat du sang; en guerre, il procède làchement, par surprise et trahison.

Le Berber a, au contraire, le point d'honneur haut placé, c'est le mobile ordi

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