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à sommet au point sous-nasal est mauvais, c'est un préjugé d'école : débarrassons-nous-en. Il faut que la craniométrie, un jour, se réduise à un très-petit nombre de données certaines et démonstratives.

Les autres angles faciaux confondus sous le nom de Camper doivent-ils succomber sous le même verdict? Non, pas tous. L'angle des naturalistes, ayant son sommet à l'extrémité du museau, reste un angle fort précieux, mais appliqué aux animaux et en ne perdant pas de vue les fausses interprétations auxquelles il peut donner lieu et qu'a signalées Cuvier. Il est à remarquer cependant que l'illustre naturaliste n'en parle plus dans sa classification du règne animal. L'angle ayant son sommet au bord alvéolaire a une valeur semblable chez les animaux, mais il ne convient pas davantage à l'homme.

Tous deux expriment essentiellement le prognathisme, dont le degré chez l'homme est relativement faible et dont les variations viennent se fondre avec celles que déterminent pour une part égale le déplacement du trou auditif et le développement des sinus frontaux.

Le parti qu'on peut tirer de la comparaison des trois angles à sommet au point sous-nasal, au bord alvéolaire et au bord des incisives mérite aussi d'être signalé. Les deux autres points du triangle facial, la glabelle et le trou auditif, demeurant fixes, les différences constatées entre ces angles expriment bien le degré de prognathisme de la portion intermédiaire et ne peuvent être influencées que par lui. C'est là assurément le meilleur emploi, et à l'abri de toute objection, que l'on puisse faire du goniomètre Jacquart. Mais le prognathisme ne s'apprécie ainsi que relativement, il ne peut se mesurer d'une façon absolue qu'en rapportant l'inclinaison de la ligne qui le représente tout à la fois à l'horizontale vraie ou condylo-alvéolaire du crâne et à la verticale vraie abaissée du point le plus en arrière sur cette horizontale (1).

Il ne nous reste plus qu'à dire deux mots de l'angle véritable de Camper, dont le sommet, on se le rappelle, est non pas forcément à la face antérieure du maxillaire et à son contact, mais le plus souvent en avant de lui, à l'endroit quelconque où l'horizontale auriculosous-nasale coupe la ligne faciale glabello-dentaire,

Essentiellement destiné aux artistes, il ne m'appartient pas de juger s'il peut leur rendre des services dans leur domaine et si l'approximation dont ils se contentent leur suffit. Mais appliqué au crâne

(1) Voyez Des diverses espèces de prognathisme, par Paul Topinard, Revue d'anthropologie, t. III, p. 464 et 628; t. II, p. 71 et 251.

humain avec la rigueur qu'exige la science, je puis assurer, sans 219 m'être livré à des recherches spéciales à cet égard, que son destin est étroitement lié à celui de son congénère, l'angle de Jacquart, et que tous deux doivent subir le même sort.

Sur les races blanches, dans beaucoup de cas, les deux angles n'en forment qu'un, c'est-à-dire que la tangente aux deux points les plus saillants de la face, dents et glabelle, rencontre le point sous-nasal, à 1 à 2 millimètres près, et par conséquent se confond avec la ligne faciale glabello-sous-nasale de Jacquart. Dans la généralité des cas, dans les races nègres et jaunes, la même tangente passe au contraire à 6 à 10 millimètres du point sous-nasal, et d'autant plus en avant que le sujet est plus prognathe. Il s'ensuit que plus on s'abaisse dans l'échelle des races et plus l'acuïté de l'angle vrai de Camper augmente relativement à l'angle de Jacquart. Il s'ensuit encore que la distance qui sépare le nègre du blanc est bien plus grande par le système de Camper que par celui de Jacquart, et par conséquent que Pierre Camper était plus fondé que nous ne le sommes par notre procédé à dire que l'angle facial du nègre est considérablement plus petit que celui du blanc. Un autre résultat de sa méthode rigoureusement appliquée, c'est que la ligne faciale, qui dans la nôtre rencontre, comme point le plus saillant du front, la glabelle 199 fois sur 200 environ, avons-nous dit, se trouvant rejetée en avant par en bas, rencontre plus souvent une partie plus élevée, comme les bosses frontales; c'est en effet ce qui a souvent lieu sur les figures de Camper.

Ne voulant pas abandonner le sujet sans donner un aperçu des différences que présentent les deux angles, celui de Camper et celui de Jacquart, je me suis servi des dessins stéréographiques que j'avais sous la main, les uns faits par moi, les autres faisant partie des albums du laboratoire de M. Broca, et j'ai relevé sur eux les deux angles. Voici ce que j'ai obtenu.

Dans une première série figurent les crânes qui avaient leurs dents et sur lesquels je suis resté rigoureusement dans les intentions de Camper. Dans une seconde série, les dents étant absentes; j'ai fait passer la ligne faciale par ce qui se trouvait être le point le plus saillant, le bord alvéolaire; à vrai dire, la saillie des dents n'exhausse guère le point de tangence de la ligne, ce que pensait aussi Camper, à en juger par ses figures. J'ai ajouté à la première un gorille; son angle de Cuvier était de 38°,5.

Plusieurs fois, dans les cas individuels de ce tableau, la différence

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entre les deux angles s'est élevée à 6o,5, à 7 degrés et 7o,5; ce qui prouve surabondamment, comme tout le tableau, que les deux angles doivent dorénavant être distingués, à moins qu'on ne renonce définitivement à tous deux, ce qui vaudrait encore mieux.

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1° L'angle de Camper, ou FAH sur la figure, essentiellement créé pour les artistes, est déterminé sur le crâne par deux lignes : l'une, horizontale, ou HH', passe par le centre du trou auditif et le bord inférieur des narines et se prolonge au delà; l'autre, ligne faciale, ou FF', est tangente aux deux points les plus saillants de la face. Son sommet est à leur intersection, tantôt à l'épine nasale, tantôt à 1 à 10 millimètres en avant, c'est-à-dire en A;

2o L'angle à sommet au tranchant des incisives, ou FBK, a été imaginé par les naturalistes comme l'équivalent de l'angle de Camper. En réalité il n'en subsiste que la ligne faciale; l'horizontale, en s'inclinant en bas et en avant, a cessé d'être une horizontale;

3o L'angle à sommet au bord alvéolaire, ou LCM, a été proposé par Jules Cloquet; il était regardé aussi comme l'angle même de Camper; 4° L'angle à sommet à l'épine nasale ou, faute de mieux, au point sous-nasal, soit ODH, est déterminé par deux lignes : l'une horizontale comme celle de Camper, l'autre se rendant du point sous-nasal à la glabelle et tout autre que la ligne faciale de cet auteur. On l'employait

particulièrement chez l'homme, tandis que les deux précédents s'employaient surtout chez les animaux. Mais souvent et dans une même liste les résultats obtenus avec les trois sortes d'angles étaient confondus. Le dernier est devenu classique depuis 1855 environ;

5o Les variations de celui-ci dépendent de la hauteur des trous

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FBK, angle de Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier, à sommet « au tranchant des

incisives ».

LCM, angle de J. Cloquet, à sommet au bord alvéolaire.

ODH, angle de Jacquart, etc., à sommet au point sous-nasal.

OD, ligne faciale de Jacquart.

auriculaires, de la saillie des arcades sourcilières, du prognathisme de la mâchoire et du développement de la partie antérieure du crâne. Cet angle n'exprime que très-accessoirement ce qu'on veut lui faire dire le rapport du développement de la face au développement du crâne;

6° Ses moyennes dans les races humaines sont comprises dans un intervalle de 6 degrés, en prenant les séries les plus favorables, les Auvergnats et les Néo-Calédoniens. Mais entre les races jaunes et les races noires il n'y a pas de différence, et entre elles et les races blanches prises en masse la différence n'est que de 2 degrés ;

7° Les écarts individuels où provenant de l'impossibilité de prendre le centre des trous auriculaires et la ligne médiane du bord inférieur des narines, dans des conditions rigoureusement identiques sur tous les crânes, peuvent atteindre ce même chiffre de 2 degrés ;

8° Cet angle à sommet au point sous-nasal est donc sans valeur en craniométrie, qu'il surcharge inutilement; et à plus forte raison sur le vivant;

9o Le véritable angle de Camper mesuré méthodiquement sur le crâne, non d'après la façon de faire, mais d'après les principes de l'auteur mieux appliqués, donne des maxima et des minima dans les races humaines plus grands qu'avec l'angle précédent. Sous tous les autres rapports il est passible des mêmes objections. Il faut donc également y renoncer.

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