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perfection, appellons du nom de Gymnaftique l'art qui conduit à ce but. Clinias. Fort bien. L'Athén. Je difois donc, & je le répete, que nous avons traité fuffifamment de cette moitié de la Chorée, qu'on nomme Mufique. Pour ce qui eft de l'autre moitié, en parlerons-nous ? Voyez ce que nous avons à faire. Clinias. Que croyez-vous, Etranger, que doivent répondre à une pareille demande des Crétois & des Lacédémoniens, lorfqu'après les avoir entretenus longtems fur la Mufique, on ne leur a point encore parlé de la Gymnaftique? L'Athén. Vous m'avez répondu clairement, en m'interrogeant de la forte; & je vois que cette interrogation eft non-feulement une réponse à ma question, mais encore une invitation très-preffante à parler de la Gymnastique. Clinias. Vous êtes parfaitement entré dans mes intentions, & je vous prie d'y avoir égard. L'Athén. Je le ferai d'autant plus volontiers, qu'ayant à traiter une matiere qui vous eft connue ainfi qu'à moi, il me fera moins difficile de me faire entendre: car vous avez l'un & l'autre beaucoup plus d'expérience de la Gymnastique que de la

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Mufique. Clinias. Vous dites vrai. L'ATHÉN. Ce divertiffement a pris fon origine dans la nature, qui apprend à tout animal à fauter, lorfqu'il eft jeune. L'homme feul entre tous les animaux ayant, comme nous avons dit, une idée de la mesure, il s'en eft fervi pour inventer & former la danfe. Enfuite la mélodie réveillant en lui le fouvenir & le fentiment de la mefure; de leur union s'eft formée la Chorée & tous les jeux de cette nature. Clinias. Vous avez raifon. L'Athén. Nous avons déja expliqué une de ces deux chofes; nous tâcherons dans la fuite d'expliquer l'autre. Clinias. Oui. L'Athén. Mais avant que de paffer plus outre, faifons, fi vous le trouvez bon, un dernier réglement fur l'ufage des banquets. Clinias. Quel réglement, je vous prie ? L'Athén. Dans tout Etat, où regardant l'ufage des banquets comme d'une grande importance, on s'y comportera felon les loix & les régles que nous avons prefcrites; où l'on en fera un exercice & un apprentiffage de la tempérance; où l'on fe permettra de la même maniere & en gardant les mêmes bornes, l'ufage des autres plaifirs, dans le deffein de

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s'exercer à les vaincre une pareille prati que ne fçauroit être trop autorifée. Mais fi l'on n'en ufe que comme d'un divertiffement, s'il eft permis à chacun de boire quand il voudra, avec ceux qu'il voudra, fans garder d'autre régle que celle qui lui plaira; jamais je n'autoriferai par mon fuffrage l'ufage des banquets à l'égard de tout particulier & de tout Etat qui fera dans ces difpofitions: Au contraire je préférerois en ce cas à ce qui fe pratique en Crete & à Lacédémone, la loi établie chez les Carthaginois, qui interdit le vin à tous ceux qui portent les armes, & les oblige à ne boire que de l'eau pendant tout le tems que dure la guerre, qui dans l'enceinte des murs enjoint la même chofe aux efclaves de l'un & de l'autre fexe, aux Magiftrats pendant l'année qu'ils font en charge, aux Pilotes & aux Juges dans l'exercice de leurs fonctions, & à tous ceux qui doivent affifter à une af femblée pour y délibérer fur quelque objet important; faifant en outre la même défenfe à tous d'en boire pendant le jour, fi ce n'est à raifon de maladie, ou pour réparer fes forces, & pendant la nuit aux perfonnes

mariées, lorfqu'elles auront deffein d'ufer du mariage. On pourroit encore affigner mille autres circonftances, où le bon fens & les loix doivent interdire l'ufage du vin. Sur ce pied-là, il faudroit très-peu de vignobles à une Cité, quelque grande qu'on la fuppofe; & dans la diftribution des terres pour la culture des autres denrées, & de tout ce qui fert aux befoins de la vie, la plus petite portion feroit celle qu'on deftineroit aux vignes. Tel eft le réglement par lequel je voulois terminer nôtre entretien fur cette matiere. Clinias. Il est très-beau, & nous y donnons les mains.

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L'ATHÉN. En voilà donc affez fur ce fujet. A présent par où dirons-nous qu'a commencé la Société civile? La voye la plus facile & la plus fure pour en découvrir l'ori-gine, n'eft-ce pas celle-ci ? Clinias. Laquelle? L'Athén. Celle qu'il faut prendre, quand on veut envisager les divers changemens furvenus dans les Etats, foit en bien, soit en mal. Clinias. Dites-nous quelle est cette voye. L'Athén. C'est, je pense, de porter fes regards fur l'efpace prefque infini des tems qui fe font écoulés, & fur les révolutions arrivées dans cet intervalle. Clinias. Com ment entendez-vous ceci? L'Athén. Ditesmoi : pourriez-vous faifir par la pensée combien de tems il y a que les premiers Etats ont été fondés, & que les hommes vivent fous des loix? Clinias. Cela n'eft nullement aifé. L'Athén. L'Epoque en est fans doute très-reculée, & va fe perdre dans l'infini, Clinias. Sans contredit. L'Athén. A compter depuis cette époque, ne s'eft -il pas formé

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