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complète, ils s'aiment et les deux familles s'entendent à merveille pour faire le bonheur du ménage futur. Tout cela s'écroule, tout à coup et irrémédiablement

et pourquoi ? Parce que le père de la jeune fille a épousé une divorcée, parce que la fiancée est la fille de deux époux, qui, l'Eglise s'y opposant, n'ont pu faire sanctifier leur union par un prêtre et que la mère du jeune homme ne veut pas de mésalliance! M. Milleret a beau faire valoir des raisons qui semblent péremptoires que sa femme, épouse d'un premier mari qui par son inconduite et ses mauvais traitements l'avait acculée au divorce, n'a jamais cessé, comme lui-même, d'accomplir les obligations morales voulues par la religion et la bonne société, rien n'y fait. Et lorsque le fils, qui aime sa fiancée, tente de fléchir sa mère, il se heurte à une obstination qu'elle explique par les arguments qu'on va lire :

Vous vous ingéniez à me mettre en présence d'une jeune fille, dit Jacques, dont vous me vantez les qualités et les vertus; il se trouve que cette jeune fille me plait infiniment et. lorsque je l'aime et que déjà je la considère comme ma femme, vous venez me dire: tu ne l'épouseras pas ! J'avoue que je ne comprends plus.

-

La chose est cependant claire, prononça madame d'Ardemont. Personne ne pouvait supposer que ces gens se moquaient du monde, avec leur simulacre de ménage. On leur accordait une considération sans limites, parce qu'ils parvenaient, à force de ruse, à nous dérouter tous. J'ai moi-même péché par imprudence et je n'aurais pas dù me fier aux dehors honnêtes de ces étrangers. Si ma sollicitude maternelle avait été plus inquiète, je n'aurais pas encouragé tes entrevues avec Germaine et je t'aurais épargné des déboires cruels. Aujourd'hui je connais les Milleret ; je sais ce qu'ils valent. Je te le répète, mon enfant, la mère est divorcée, tu entends, divorcée ; c'est-à-dire qu'elle a, quelque part, un mari dont elle portait le nom, et qui vit, et qui ne cesse pas d'être son mari. Germaine est la fille de cette divorcée; elle est née d'un adultère et c'est pour cela que je n'admets pas qu'elle soit un jour ta femme.

Je l'aimais déjà comme si elle eut été ma fille. Hélas! elle subit les conséquences d'une faute dont elle n'est pas responsable; elle porte une tare dont on ne la débarrassera peut-être jamais. Que veux-tu, mon Jacques? tu auras beau protester, je considère le second mariage des Milleret comme inexistant à mes yeux Germaine est une bâtarde, et je ne donnerai pas mon fils à une batarde.

- Une bâtarde! cria Jacques, mais vous n'y pensez pas ! L'obscurantisme des prêtres vous aveugle, et la folie religieuse, ma parole, s'est emparée de vous! Prétendre que Germaine est une båtarde! Et le mariage civil, encore une fois, le comptez-vous pour rien? Mais allez donc demander, dans une mairie, l'acte de naissance de Germaine

et le mien et trouvez-y quelque indice qui vous permette de proclamer ma légitimité aux dépens de la sienne!

C'est vrai, murmura douloureusement la mère affligée de ces paroles, c'est vrai; des papiers légaux attestent ces supercheries. Les mauvais l'ont emporté sur les bons: ils ont, à l'aide de leur loi du mal, nivelé l'erreur et faussé les mœurs. Non, mon ami, ce n'est pas l'obscurantisme qui m'aveugle et je ne suis pas folle. Ma foi répugne à ces compromis; elle s'insurge contre les entreprises de la librepensée. Elle garde intact le fond de morale que j'ai reçu de mes parents; et c'est la morale catholique, dont on ne détruira ni l'ampleur ni la noblesse. Sur les débris du paganisme pourri, elle a édifié des sociétés qui ont étonné la terre, et, gråce a elle, notre France fut jadis la première des nations du monde. Tout ce qui va contre cette morale est pour moi une difformité. Et voilà pourquoi les Milleret n'auront plus mon estime. Comment estimerais-je des gens qui ne voient dans la religion qu'un moyen de parvenir et qui s'aident de leur hypocrisie pour se poser dans un pays? Je serais coupable d'agréer leur fille, car je reconnaitrais publiquement qu'ils ont droit à nos égards. Je consacrerais leur fraude et ma conscience s'y refusera toujours

Ainsi, demanda Jacques, vous vous opposez à ce que j'épouse Mile Milleret?

- Oui, répondit Mme d'Ardemont, je m'y oppose en mon nom et au nom de ton père, qui te tiendrait ce langage s'il vivait. Il ne souffrirait pas qu'un d'Ardemont ait même eu la pensée d'entrer dans une fausse famille de s'allier à de faux chrétiens. Ceux dont tu descends, mon ami, ont fait leur vie droite, en respectant l'ordre établi par Dieu icibas. C'est la tradition de leur foyer qu'ils te transmettent et ton devoir est de la continuer. Car on ne se marie pas pour soi, mais pour perpétuer une race, pour joindre le passé à l'avenir, pour conserver dans une maison les idées. les usages et les croyances qui ont constitué sa force et son honneur.

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Il est utile de dire que l'auteur semble partager cette manière de voir, d'autant plus utile qu'il n'est pas un écrivain de pauvre style comme la plupart des catholiques qui souffrent du prurit littéraire, et que son talent n'est point discutable. Ainsi ce genre de roman n'est pas complètement démodé! Ainsi il existe encore en France des individus à ce point rétifs aux idées neuves et cramponnés à leurs traditions? Ce livre aura des lecteurs qui l'approuveront et qui le comprendront!

Comme il révèle clairement le degré de civilisation où s'est arrêtée une caste! Les événements et les concepts révolutionnaires ont passé près de ces gens là sans les atteindre, sans modifier leur mentalité qui stagne toujours dans le passé. Ils demeurent figés dans les coutumes héréditaires, ils ne se rendent pas compte de l'époque dans laquelle ils vivent.

Ce roman corrobore un mot qui, il y a un mois, fit rire la Presse et dont Paris s'étonna, le mot de la comtesse de Bourbon venant réclamer son mari dans un commissariat de police au moment des troubles suscités par l'inventaire des biens d'église : « Une Bourbon n'attend pas! ».

L'aristocratie a semblé se réveiller pour prêter main forte à la religion; mais de telles paroles et de telles idées sont son irrémédiable condamnation. Elle est bien prête pour la mort.

Et similitude des choses de la littérature et des choses de la société, qui prouve combien l'esprit généralisateur est nécessaire au critique on constate que les grandes phrases et les gestes héroïques ne sauvent ni les castes ni les livres qui s'obstinent à ignorer la vie.

ALBERT LANTOINE.

ANALYSES BIBLIOGRAPHIQUES

MATHÉMATIQUES. PHYSIQUE. CHIMIE.

EMM. POZZI-Escor. Mécanique chimique. In-18; 112 pp.; 1 fr. 50. Jules Rousset, éditeur, Paris, 1906.

Ce petit volume de la collection des Actualités Chimiques et Biologiques est le seul ouvrage qui, jusqu'ici, dégage la mécanique chimique des sombres calculs qui en défendaient l'accès aux profanes.

Tout le monde pourra connaitre maintenant les lois générales de l'action chimique et voir comment la science des réactions se dégage peu à peu de l'empirisme. Tout le monde pourra savoir ce qu'il faut entendre par la Cinématique chimique, la loi d'action de masse, les équilibres chimiques, la dissociation, la règle des phases, les phénomènes catalytiques.

Il est maintenant indispensable à tout esprit scientifique de connaitre les principes mathématiques de l'activité physico-chimique de la matière. Le petit livre de M Pozzi-Escot en est l'exposé très intéressant, aisément abordable et indispensable à toute étude plus complète.

EDMOND POTIER.

VILLEPONTOUX (L. F.) (ancien professeur d'école normale). — Cours d'Arithmétique à l'usage des écoles normales, des écoles primaires supérieures et professionnelles. In 16 carré, 335 pp. ; 4 fr. De Rudeval, éditeur, Paris, 1906.

Ce cours ne comprend pas, comme beaucoup d'ouvrages classiques, la théorie des progressions, logarithmes et intérêts composés qui sont plutôt à la vérité du domaine de l'algèbre.

Il s'arrête au système métrique et au calcul des nombres complexes, après l'étude des règles et questions financières usuelles.

Ces applications sont d'une netteté de division et d'une concision qu'on souhaiterait plus à la mode dans les cours d'arithmétique. Ces deux qualités dominent l'ouvrage de M. Villepontoux.

La notation littérale y est employée sans abus. Les fractions, les approximations, les racines comme tout le reste d'ailleurs nous paraissent ici d'une étude remarquablement aisée.

Le système métrique est complété par une note, généralement absente dans les cours, sur le monométallisme et le bimétallisme. Enfin des problèmes typiques sont proposés à la fin de chaque livre. EDMOND POTIER.

FOVEAU DE COURMELLES D').

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L'Année électrique, électrothérapique et radiographique. 6o Année 1903. In-12, 350 pp.; 3 fr. 50. Béranger, éditeur, 15, rue des Sts-Pères.

La quantité des faits nouveaux survenant chaque année en électricité est quasi indénombrable car toutes les parties de la science sont plus ou moins directement en rapport avec ce domaine.

Une classification, d'autant plus complexe que les effets de tous ordres de l'électricité sont loin d'être reliés par une théorie générale est donc indispensable. M. Foveau de Courmelles donne en fait un schéma complet de chaque découverte, théorie, ou application de quelque intérêt.

Notons d'intéressantes contributions à la théorie des ions et à la théorie des courants particulaires; de nombreuses applications à l'extraction des métaux, la galvanisation, la préparation électrolytique des corps.

Les applications industrielles ne se comptent plus: la traction, servie par la houille blanche voit éclore des machines de plus en plus puissantes. A signaler les progrès de la téléphonie sans fil de la télégraphie des images, et la télémécanique de Branly.

Peut-être trop de faits ou appareils déjà connus viennent-ils étendre la partie industrielle.

L'Electrothérapie, la Radiothérapie, la Photothérapie sont particulièrement développées, l'auteur en étant spécialiste comme chacun sait. Quelques notions de jurisprudence électrique accidents, distribution d'énergie, etc., terminent le volume. Le Dr Foveau de Courmelles est partisan de l'interdiction des rayons X aux non-médecins, ce qui est peut-être un peu excessif, puisque de simples physiciens ont su concourir sensiblement aux progrès de la technique radiographique elle-même, mère de la radiologie en général.

Telle qu'elle est l'Année électrique sera utile aux chercheurs de tous ordres; on pourrait y désirer quelques illustrations et la mise en relief de certains points importants.

EDMOND POTIER.

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