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gouvernement domestique. La laisserons - nous faire?

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Dès maintenant, à côté de l'émancipation intellectuelle, pédagogique, économique et sociale, dont nous nous sommes occupé dans nos premières études, les « femmes libres » inscrivent au cahier de leurs revendications l'émancipation électorale, civile, conjugale et maternelle; et c'est, conformément à notre plan général ('), l'ordre même que nous suivrons en ce livre. Dès maintenant, pour parler avec plus de clarté, le féminisme dénonce avec humeur: 1o l'inégalité électorale qui accorde tout au citoyen et rien à la citoyenne; 2o l'inégalité civile qui assujettit la capacité de la femme mariée à l'autorisation préalable du mari; 3° l'inégalité conjugale qui enchaîne dans les liens du mariage légal l'épouse à l'époux ; 4o l'inégalité maternelle qui soumet les enfants à la puissance du père plus étroitement qu'à celle de la mère. Dès maintenant, même, d'excellents esprits ne se font pas faute de déclarer que la condition de la femme dans la cité et dans la famille est susceptible, en plus d'un point, d'amélioration et de progrès. Devons-nous appuyer ou combattre ces nouveautés ?

(1) Voir nos premières études sur le féminisme: l'Émancipation individuelle et sociale de la femme, pp. 6 et suiv.

C'est sur quoi nous nous expliquerons, en cette seconde série d'études qui complète et achève la première, avec le souci persévérant de subordonner le préjugé à la justice et de séparer, d'un geste net et franc, la mauvaise herbe du bon grain.

Rennes, 6 juin 1901.

LIVRE I

ÉMANCIPATION ÉLECTORALE DE LA FEMME

CHAPITRE I

Pourquoi la femme serait-elle exclue des prérogatives de la puissance virile

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DROIT ANCIEN, DROIT NOUVEAU. EXTENSION DÉSIRABLE DE SA CAPACITÉ

IV. DROIT ACCORDÉ AUX COMMERÇANTES D'ÉLIRE LES JUGES DES TRIBU

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V.. DROIT REVENDIQUÉ PAR LES PATRONNES ET LES OUVRIÈRES DE parTICIPER A LA FORMATION DES CONSEILS DE PRUD'HOMMES. SCRUPULES

INADMISSIBLES.

C'est un fait d'expérience que l'émancipation économique entraîne tôt ou tard l'émancipation politique. Une fois en possession d'un rôle social plus libre et plus actif, la femme ne manquera point de réclamer sa part des prérogatives électorales. Déjà même le féminisme la revendique pour elle. A ses assises internationales de 1900, la Gauche féministe, excluant toute

mesure transitoire susceptible d'affaiblir la portée de sa manifestation, a voté, par acclamation unanime, la déclaration suivante: « Le Congrès émet le vœu que les droits civils, civiques et politiques soient égaux pour les deux sexes (1). »

Point de doute que cette motion catégorique ne rende plus d'un esprit perplexe. « Si vous rabaissez trop la condition des hommes, diront les uns, les hommes se marieront moins. » - « Si vous ne relevez pas la condition des femmes, répliqueront les autres, les femmes ne se marieront plus. » Qu'on se rassure: hommes et femmes se marieront toujours. Ce n'est pas l'accession des femmes au droit de suffrage qui empêchera le commerce des sexes d'être la douce attraction que l'on sait. La femme changée en homme par la politique, par l'instruction, par la liberté, est une métamorphose qu'il ne faut pas vouloir, sans doute, parce qu'elle serait monstrueuse, mais dont il serait peu sérieux de s'effrayer outre mesure, parce qu'elle n'éloignera jamais des fins suprêmes de la nature qu'une minorité imprudente et détraquée. Il suffit donc de combattre la chimère et l'outrance, pour empêcher qu'elles n'entament et ne pervertissent la masse des honnêtes femmes. C'est un devoir auquel nous ne manquerons point. De là notre constante préoccupation de séparer ce que nous tenons pour un droit, de ce qui nous en paraît l'excès ou l'abus. Cela fait, l'extension des droits civiques au sexe féminin n'attentera point gravement aux grâces souveraines de l'amour.

D'ailleurs, si l'inégalité est la loi de la vie, l'égalité est le rêve de l'humanité. Cet idéal est noble et bon, pourvu qu'il consiste, non pas à rabaisser ce qui est en haut, mais bien à élever ce qui est en bas; car il nous

(1) Congrès de la Condition et des Droits des Femmes: séance du samedi soir 8 septembre 1900.

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