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et en particulier le long-dorsal, placés du côté de la convexité, agissent sur la partie supérieure du rachis et l'incurvent en sens inverse. Grâce aux changements ultérieurs que subissent les pièces osseuses et les ligaments qui composent la colonne, cette courbure dorsale, d'abord temporaire, devient à son tour permanente. »>

Aux réflexions qui précèdent et que nous avons empruntées à Shaw, nous pouvons ajouter cet autre détail de physiologie musculaire, découvert par Duchenne (de Boulogne), à savoir que le muscle sacro-lombaire, joint à la portion lombaire du long-dorsal, se contracte, sous l'influence du courant électrique et de la volonté, isolément et d'une façon indépendante de la portion dorsale du long-dorsal et du muscle cervical descendant. On conçoit d'après cela que, d'un côté, la portion lombaire des muscles spinaux postérieurs puisse se contracter, alors que, de l'autre, la portion dorsale des mêmes muscles agit seule. Par suite, on constate que les muscles prédominants sont précisément ceux qui correspondent à la concavité, et les plus faibles, ceux qui occupent la convexité de la courbure latérale du rachis. Ce fait mérite qu'on s'en souvienne toutes les fois qu'il s'agit d'employer, dans le traitement des scolioses, les courants électriques ou tout autre moyen, tel que la gymnastique, en vue de renforcer les muscles devenus faibles.

Tel serait le mécanisme des diverses courbures dites physiologiques du rachis. Quoi qu'il en soit, celles-ci, généralement peu accusées chez les individus forts, s'accentuent, avons-nous dit, de plus en plus à mesure que les systèmes musculaire et ligamenteux perdent de leur force. C'est ainsi qu'on voit se constituer, par degrés insensibles, de véritables difformités vertébrales connues sous le nom de courbures pathologiques du rachis et dont nous allons nous occuper actuellement.

Division. - Les courbures pathologiques du rachis se divisent en idiopathiques et en symptomatiques, suivant qu'elles constituent toute la maladie ou qu'elles ne sont que la conséquence d'une altération, telle que frac ture, déplacement, inflammation ou carie d'une ou de plusieurs des pièces osseuses ou ligamenteuses qui constituent le rachis.

Les premières seules vont nous occuper ici: nous renverrons, pour les autres, aux articles FRACTURES, LUXATIONS, OS (ostéite), RACHITISME, etc., de ce Dictionnaire.

Des courbures idiopathiques du rachis. - Classification. Ces courbures peuvent se faire en différents sens en avant, en arrière ou sur le côté; de là les noms de cyphose, de lordose et de scoliose, qui leur ont été imposés respectivement dès la plus haute antiquité. Comme la scoliose est de beaucoup la plus fréquente et la plus importante de ces difformités, c'est par sa description que nous commencerons.

I. DE LA SCOLIOSE. - Sous le nom de scoliose, de axis, sinueux, tortu, on comprend les déviations latérales pathologiques du rachis.

Nous avons vu précédemment que la colonne vertébrale présentait, à l'état normal, des inflexions latérales et nous avons cherché à en préciser le mode de production. Il convient d'ajouter ici que c'est à l'exagération

de ces courbures qu'est dù le développement de la plupart des scolioses pathologiques, et non au rachitisme, ainsi qu'on l'a répété trop longtemps. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler que le rachitisme est une maladie du premier àge, qui ne se prolonge guère au delà des deux premières années, tandis que la scoliose ne se montre d'ordinaire qu'entre sept et dix ans. Sans doute, on observe çà et là quelques cas de scoliose dépendant du rachitisme ou de l'ostéomalacie, de même qu'on voit des inflexions latérales du rachis naître à la suite d'un épanchement pleurétique abondant en voie de résorption; mais ces cas, comparés aux autres, constituent une exception, et peuvent être rangés dans une classe à part, celle des scolioses dites symptomatiques ou consécutives. Disons, en terminant, qu'il existe également une variété rare de scoliose congenitale. Ce qui va suivre s'applique principalement à la scoliose proprement dite ou idiopathique, dont nous allons retracer les caractères.

La scoliose est ordinairement composée de deux courbures latérales, l'une supérieure ou dorsale, et l'autre inférieure ou lombaire. La première siége à la partie supérieure ou moyenne du dos et a d'habitude sa concavité tournée à gauche; c'est le contraire qui a lieu pour la courbure lombaire dont la concavité est tournée à droite. Ceci est surtout vrai pour les scolioses développées après l'âge de sept ans, tandis que pour celles, en petit nombre, qui se montrent avant cet age et qui sont liées au rachitisme, il y a, d'après la remarque de Bouvier, autant de courbures dorsales gauches. que de droites. Il va sans dire que, dans la scoliose dépendant de la pleurésie, le sens de la courbure dorsale est en rapport avec le côté atteint du thorax, et échappe dès lors à la loi générale formulée plus haut.

Grace aux deux courbures superposées et qui alternent, le rachis revêt une forme serpentine, appelée déviation sigmoïde ou en S (fig. 42). Lorsque la déviation est très-avancée, il s'y joint d'habitude une troisième courbure cervico-dorsale, avec inclinaison prononcée des vertèbres du cou en avant ou en arrière. C'est là une véritable courbure de compensation, dépendant des inclinaisons en sens inverse du tronc par suite de la scoliose dorsolombaire.

Dans toute scoliose pathologique, et c'est là un caractère fondamental, aux inclinaisons et aux courbures latérales s'ajoute une torsion permanente de la colonne vertébrale sur son axe. Cette torsion spiroïde du rachis se reproduit en sens inverse autant de fois qu'il y a de courbures latérales, et c'est au milieu de chacune d'elles que se produit le maximum de la torsion. Plus les inflexions latérales sont considérables et plus la rotation des vertèbres s'accentue. Par suite de cette rotation, les corps vertébraux principalement tournent autour de leur axe vertical de façon à se diriger du côté de la convexité de la courbure. C'est ainsi, par exemple, qu'au dos on voit la face latérale gauche des vertèbres les plus déviées, regarder presque directement en avant, tandis que leur face latérale droite se porte en arrière et arrive parfois à toucher le plan des côtes correspondantes. Chose digne de remarque, les apophyses épineuses et l'arc vertébral ne suivent qu'incomplétement ce mouvement de torsion de la

vertèbre, de sorte qu'il se produit, entre le corps de celle-ci et son arc, un angle rentrant du côté correspondant à la convexité de la courbure et un angle plus ou moins ouvert du côté de la concavité. Grâce à cela, la ligne

Fig. 42.

B

Courbure du rachis. FIG. 43 (*). (*) La ligne extérieure incurvée, tracée hardiment, a pour but de montrer la suite du corps des vertèbres, et la ligne

faiblement ponctuée ce le des sommets des apophyses épineuses. On verra que l'effet combiné des doubles incurvations et inflexions des régions dorsale et lombaire est de faire que les extrémités des apophyses épineuses supérieures et inférieures se disposent en une ligne presque droite. La perpendiculaire A B s'écarte en C et en B beaucoup moins des apophyses épineuses que des corps des vertèbres.

des apophyses épineuses s'écarte du plan médian bien moins que ne le font les corps vertébraux, et ainsi s'explique cette particularité clinique importante, que la ligne spiroïde tracée sur la peau en suivant le sommet des apophyses épineuses ne saurait donner la mesure exacte de la déviation hélicoïde éprouvée par les corps vertébraux correspondants, celle-ci étant toujours supérieure à celle-là (fig. 43).

On conçoit même que, dans la scoliose légère, la ligne épineuse puisse rester assez exactement verticale pour induire en erreur et faire croire à tort à la non-existence de la torsion, qui pourtant ne fait jamais défaut.

D'autres conséquences importantes dérivent de cette torsion inégale des deux moitiés antérieure et postérieure de l'anneau vertébral. C'est ainsi que les corps des vertèbres dorsales, par suite de leur forte rotation dans le sens de la convexité scoliotique, habituellement à droite, rétrécissent de ce côté, jusqu'à l'effacer parfois, la gouttière costo-vertébrale dans laquelle se loge le bord du poumon correspondant; de là diminution de la capacité thoracique et matité à la percussion au niveau de la bosse, tandis que le contraire arrive du côté opposé.

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Comme les apophyses épineuses des mêmes vertèbres tournent relativement peu et qu'en même temps l'angle postérieur des côtes correspondantes s'exagère, il en résulte du côté gibbeux de la colonne un rétrécissement de la gouttière vertébrale correspondante, caractérisé, sur le vivant, par la présence en arrière d'une saillie musculaire due à la masse charnue du sacro-spinal, qui se trouve comme délogée de sa gouttière de réception, devenue désormais trop étroite pour la contenir.

Ce que nous venons de dire de la région dorsale se reproduit également pour la région lombaire de la colonne, mais en sens inverse. La présence de ces deux saillies musculaires alternes n'est pas un des moindres signes qui caractérisent la vraie scoliose. On peut ajouter que, dans les cas légers et tout à fait au début de la scoliose, ce signe révèle, à première vue et mieux que tout autre, la présence d'un certain degré de torsion de la colonne sur son axe. Il suffit pour cela de la moindre attention, et on ne laissera pas passer inaperçu le signe pathognomonique en question.

La torsion permanente du rachis se lie si intimement au développement des courbures latérales, qu'elle doit être envisagée très-certainement comme une conséquence directe de ces courbures; il nous reste à déterminer maintenant quel en est, en réalité, le mécanisme.

Disons tout d'abord que la rétraction des muscles dorso-lombaires, et en particulier du transversaire épineux qui paraît être, à l'état physiologique, le muscle rotateur par excellence de la colonne, ne saurait être admise ici, et cela pour trois raisons. En premier lieu, l'existence de cette rétraction n'a été démontrée par aucun des faits recueillis jusqu'ici, soit sur le vivant, soit sur le cadavre. En second lieu, il faudrait supposer qu'au même moment le muscle transversaire épineux droit se contracturer au dos, et non dans sa portion lombaire, tandis que son congénère du côté opposé subirait le même sort, mais dans un sens diamétralement opposé : celui-ci, rétracté aux lombes, serait relàché au dos. Une pareille hypothèse nous paraît tout simplement inadmissible. Il est vrai que Duchenne (de Boulogne) dit être parvenu à faire contracter isolément, sous l'influence du courant galvanique, la portion lombaire du sacro-spinal d'un côté et la portion dorsale du même muscle du côté opposé il put ainsi, dit-il, simuler une scoliose, ce qui le conduisit à considérer les deux portions lombaire et dorsale des muscles sacro-spinaux comme deux muscles indépendants. I avoue toutefois lui-même n'être parvenu à rien de pareil en agissant sur les muscles véritablement rotateurs du rachis, les transversaires épineux.

Enfin, si ce dernier muscle était bien réellement l'agent de la torsion pathologique éprouvée par le rachis, il devrait exercer principalement son action déviatrice sur l'apophyse épineuse et sur les lames vertébrales, et accessoirement sur le corps de la vertèbre. Or, nous savons que c'est précisément l'inverse qui a lieu: tandis que les corps vertébraux tournent beaucoup, les apophyses épineuses se dévient relativement peu. Malgaigne (Traité d'anatomie chirurgicale, t. II, p. 91, 2o édit.) dit même avoir vu,

au musée anatomique des hôpitaux un squelette où la ligne des épines était tout à fait droite, tandis que les corps des vertèbres étaient déjetés à droite et à gauche alternativement.

Si la cause de la torsion spiroïde du rachis ne saurait être trouvée dans les muscles, il faut bien la rechercher dans les nouvelles conditions mécaniques que créent, pour la colonne, les courbures latérales de celle-ci devenues permanentes.

P. Pelletan, après Swayerman (médecin hollandais cité par A. Roy), a donné une explication toute mécanique, qui se résume en ceci : sous l'influence du poids des parties supérieures, les vertèbres du milieu de la courbure, lorsque celle-ci est forte, sont dans les mêmes conditions que si elles étaient poussées par une force directe et horizontale du côté de la concavité vers celui de la convexité. Les corps vertébraux étant libres subissent surtout l'effet de l'impulsion, tandis que les apophyses articulaires, imbriquées entre elles, et les apophyses transverses, unies solidement aux côtes, se prètent les unes et les autres beaucoup moins à tourner autour de l'axe de la vértèbre.

J. Guérin (Gazette médicale, 1836, p. 380) expose le mécanisme de la torsion d'une autre façon. En physique, dit-il, lorsqu'on fléchit une tige sur une arète, ou dans le sens de sa plus grande épaisseur et de sa plus grande résistance, la tige, fixée par ses deux extrémités, éprouve, dans les points diametralement opposés soumis à la force de flexion, un mouvement de torsion qui lui permet de présenter son côté ou sa face la moins épaisse et la moins résistante. Or la colonne vertébrale se trouve parfaitement dans les conditions de cette tige.

Bouvier envisage la torsion de la manière suivante : « L'inclinaison relativement exagérée des corps une fois produite, la force de pression verticale tombe obliquement sur leur plan supérieur; elle tend à faire glisser les corps des vertèbres horizontalement en dehors, à les chasser de plus en plus du côté convexe de la courbure. Cette impulsion étant plus faible aux ares, la vertèbre reste plus fixe en arrière, tandis que le corps se déplace effectivement dans le sens indiqué; il entraîne le reste de l'os dans un mouvement circulaire dont l'une des apophyses articulaires devient le pivot. C'est naturellement dans les vertèbres médianes, les plus affaissées, que ce mouvement a le plus d'étendue. Les vertèbres voisines y participent de moins en moins, à mesure qu'elles sont moins rapprochées des parties droites ou des courbures inverses. » Plus loin, Bouvier ajoute: « Non-seulement les ligaments, mais encore les os se tordent pour obéir au mouvement général du rachis, et l'on voit distinctement sur les corps vertébraux la trace de cette torsion osseuse, qui fait tourner leurs deux faces horizontalement en sens inverse. » (Bouvier, App. locom., p. 397.)

Le passage suivant, que nous empruntons à Shaw (loc. cit., t. V., p. 862 et 863) servira à bien faire saisir les effets rapidement nuisibles résultant de la torsion: « L'addition de la contorsion à l'incurvation latérale aggrave considérablement et très-rapidement la difformité du rachis. Nous avons vu que, par suite de la rotation du côté concave en avant, les apo

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