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turel ait quelque intérêt à reconnaître son enfant; que favoriser les reconnaissances doit être le premier mobile du législateur.

A quoi nous répondrons que pour favoriser les reconnaissances, nous comptons sur deux choses, sur le sentiment paternel, d'abord, dont des erreurs de jeunesse n'étouffent pas le germe dans la plupart des cœurs, puis sur la recherche de la paternité, qui apparaîtra comme une menace à ceux qui seraient tentés de se soustraire à une obligation sacrée, et dont la mise en action aboutirait, s'il en était besoin, à une véritable reconnaissance judiciaire.

Ainsi, on devrait écarter les pères naturels de l'usufruit légal, conformément du reste à la doctrine dominante sur le droit actuel.

Il faudrait de même leur retirer le droit de correction, qui leur est formellement conféré par l'article 383. L'autorité publique ne peut avoir une confiance assez grande dans le père naturel pour lui prêter le secours de son bras. Elle a déjà assez à faire pour maintenir l'ordre dans les intérieurs réguliers, sans intervenir dans une famille qu'unissent uniquement les liens dérivés d'un concubinage.

Il faut accorder aux parents naturels, puisqu'on ne peut faire autrement, les droits de garde et d'éducation; mais le pouvoir réglementaire des tribunaux devrait être plus étendu encore qu'en ce qui touche les parents légitimes; ils statueraient sur la réquisition du ministère public, sans que l'intervention d'un conseil de famille fût nécessaire.

L'enfant naturel reconnu aurait besoin du consentement de ses parents pour se marier, pour entrer dans les ordres, pour contracter un engagement volontaire dans l'armée.

59. Qui exercera la puissance paternelle sur l'enfant naturel?

Si son père seul ou sa mère seule l'a reconnu, aucun doute n'est possible; s'ils l'ont reconnu l'un et l'autre, ce sera le père, en principe, puisque sa volonté doit l'emporter lorsqu'il s'agira du mariage de son enfant. Cette solution est d'ailleurs la plus conforme à nos mœurs et elle sera la seule praticable si le père et la mère vivent ensemble.

Mais les tribunaux auront toujours le droit d'en disposer autrement; on conçoit qu'il peut y avoir des motifs graves de convenance pour confier une fille naturelle à sa mère plutôt qu'à son père.

Tels sont les traits principaux de la réforme à opérer; il est impossible d'entrer dans les détails, parce qu'on ne pourrait alors échapper à l'inévitable enchaînement de toutes les questions relatives aux enfants naturels. Car la législation entière, et non pas seulement le titre de la puissance paternelle, demande à être révisée en ce qui les concerne.

60. Ce que nous venons de dire relativement à la puissance paternelle n'est nullement incompatible avec ce que nous avions avancé précédemmeut, la nécessité de donner aux enfants non reconnus par leurs pères un subrogé-tuteur : le premier soin de celui-ci sera d'engager la mère à reconnaître son enfant et l'administration de l'assistance publique ne devra accorder de secours qu'aux filles-mères qui auront fait cette reconnaissance.

CONCLUSION

Nous voici au bout de notre tâche, nous n'avons plus qu'à remercier le lecteur de sa patience. Les questions que nous avons abordées sont en apparence fort diverses, mais elles ont toutes un trait commun: partout nous avons examiné les rapports des pères et des enfants et nous avons signalé, soit en droit, soit en fait, les abus du pouvoir paternel susceptibles d'être prévenus ou réprimés par une législation plus prévoyante. Nous ne nous sommes pas cru tenu à suivre judaïquement les données du programme qui a été notre point de départ; nous avons toutefois fait nos efforts pour embrasser d'une manière complète le sujet principal et les sujets accessoires recommandés à notre attention.

Nous nous estimerions pleinement récompensé de nos efforts si nous avions réussi à montrer toute l'importance des points sur lesquels l'Académie de législation a la première appelé l'attention et à rendre sensible une lacune de notre législation à laquelle on ne paraît guère avoir pris garde jusqu'ici. L'essai que nous présentons aujourd'hui, non sans appréhension, au public, mériterait d'être repris par une de ces plumes magistrales qui honorent la génération actuelle des jurisconsultes français et qui obéissent aux inspirations d'un jugement sûr éclairé par une science consommée.

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