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Il y aurait lieu de constituer pour cette nature d'infractions un casier judiciaire spécial identique à celui qui existe dans les parquets de première instance pour l'ivresse.

Les enfants devraient suivre l'école de huit à douze ans ; à cet âge, s'ils voulaient cesser leurs études, ils seraient examinés par la réunion des délégués cantonaux qui aurait le droit de les retenir, pour insuffisance d'instruction, pendant une année de plus. Si cette année ne leur suffisait pas encore, ce serait malheureux pour eux, mais il serait illusoire de chercher à former quand même des intelligences rebelles à toute culture.

Les pères et mères sentant leur responsabilité personnelle engagée dans les soins à donner à l'éducation de leurs enfants, sauraient bien prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher la pratique de l'école buissonnière, et l'on verrait cesser ce spectacle écœurant d'enfants qui passent leur vie sur la voie publique où leur sécurité est menacée et où ils recueillent généralement des enseignements pernicieux.

Restent les enfants élevés à domicile ou, plus généralement, en dehors des écoles officiellement reconnues. Ils seraient pour ordre, portés aux listes d'élèves de l'école la plus voisine du domicile paternel. L'état de leurs connaissances serait constaté annuellement par un examen que leur ferait subir la réunion des délégués cantonaux. Si ceux-ci appréciaient que la vigilance du père doit être incriminée, il serait, après un rapport spécial, traduit directement devant le juge de paix.

S'il se trouvait des parents assez coupables pour négliger absolument de faire inscrire dans une école leur enfant âgé de plus de huit ans, les peines qui leur seraient applicables seraient d'emblée plus sévères. Un avertissement de l'inspecteur primaire les mettrait en demeure

de faire opérer cette inscription, faute de quoi ils seraient, eux aussi, déférés au juge de paix du canton qui prononcerait contre eux le maximum de l'amende et ordonnerait l'inscription d'office de l'enfant à l'école publique de sa commune.

Pour mettre les inspecteurs primaires en mesure de remplir exactement leurs fonctions, les maires devraient leur transmettre annuellement le recensement des enfants de sept à douze ans.

Nous avons insisté sur cette question de l'enseignement obligatoire, parce que l'avenir de la France y est intéressé et parce qu'elle nous a paru, au milieu des diverses données du concours, se recommander plus particulièrement à l'attention de l'Académie.

CHAPITRE VI

DE QUELQUES RÉFORMES DANS LE CODE PÉNAL.

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44. Nous avons, un peu plus haut, passé en revue les articles de nos lois pénales relatifs aux crimes et délits commis contre les enfants en bas âge par leurs parents ou par ceux qui leur en tiennent lieu. Cet examen doit être complété par un coup d'œil jeté sur d'autres dispositions qui frappent les parents à l'occasion de faits concernant leurs enfants, alors que ceux-ci ont quitté les langes des premières années. Il y a à rechercher si ces dispositions sont entièrement satisfaisantes, telles qu'elles existent, ou s'il ne conviendrait pas d'y apporter, en vue des résultats poursuivis, certains perfectionnements.

45.— Une mère prostituant sa fille, échangeant l'honneur de celle-ci contre un misérable salaire, un père dressant ses enfants à d'immondes débauches, n'est-ce pas le spectacle le plus navrant, le plus révoltant qui se puisse imaginer? A la seule idée d'un forfait semblable, le cœur se soulève, on se sent frémir, et il semble que la terre va s'entr'ouvrir pour engloutir de pareils monstres, que les éléments vont se liguer pour effacer dans les tourbillons de la tempête jusqu'au souvenir du crime.... Mais c'est alors qu'il faut demander à Jupiter ce qu'il fait de sa foudre, à la justice humaine ce qu'elle fait de son glaive, car non-seulement la terre ne s'entr'ouvre point, non-seulement les éléments ne se déchaînent point, mais la loi pénale reste muette.

Le fait en lui-même n'est pas punissable, l'excitation des mineurs à la débauche, même lorsqu'elle

est pratiquée par les parents, n'encourt de répression que si elle est habituelle. Cette impuissance de la loi, si choquante au premier abord, tient au point de vue qui dominait le législateur au moment de la rédaction des articles 334 et 335 du Code pénal. Il s'agissait principalement de frapper le proxénétisme et les termes employés ne font qu'en énumérer les conditions naturelles :

Quiconque aura attenté aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche de la jeunesse, etc... » Partant de cette donnée, on trouva équitable d'aggraver la peine quand le fait aurait été commis par les pères, mères ou tuteurs.

En réalité, il fallait distinguer ici deux délits, éminemment répréhensibles l'un et l'autre, mais tirant leur gravité de considérations bien différentes.

En réduisant le champ d'action du proxénétisme, le législateur arrête les progrès de l'immoralité générale ; plus que jamais, il devait intervenir pour protéger les mineurs contre des moyens de séduction dont la faiblesse de leur volonté, et les malsaines curiosités de leur âge décuplent la puissance. L'article 334 a pour .objet d'empêcher les mineurs de devenir les marchandises d'un honteux commerce. C'est à ce commerce que les auteurs du Code pénal ont voulu s'attaquer; leur intention ressort clairement des travaux préparatoires, quelque extension que la jurisprudence ait donnée la disposition adoptée.

Dans le fait d'un père, d'une mère, d'un tuteur, faisant commettre à leur enfant, à leur pupille, un acte de débauche, fût-il unique, il y a un crime tout autre, digne d'être expié plus durement encore, il y a un abus odieux, nous ne dirons pas, de la puissance paternelle, du pouvoir tutélaire, mais de l'autorité de fait qui accompagne le titre auguste de père ou de tuteur; la

crainte révérentielle, la confiance naturelle d'une fille envers sa mère, l'exemple donné et reçu, tous ces moyens d'action dont les parents devraient user pour la moralisation de leur enfant sont mis en œuvre pour le pervertir, et cet acte de lèse-paternité restera impuni! et le juge doit retenir sa sentence si le fait dénoncé n'est pas habituel! Notre droit moderne, plus humain que la législation romaine, ne permet pas aux parents de tuer leurs enfants ni de les vendre. Qu'il ne soit donc plus permis de tuer en eux ce qu'il y a de plus noble et de plus délicat, l'honneur, ni de vendre ce qu'ils ont de plus précieux, leur vertu.

Décider que l'excitation à la débauche pratiquée par les père et mère sur leurs enfants sera punie même comme fait isolé, c'est une des réformes qu'il est le plus urgent de réaliser dans le Code pénal. On avait pu espérer la voir admettre lors de la révision de ce Code en 1863; une proposition dans ce sens avait été déposée au Corps législatif. Mais la rédaction, vicieuse sur d'autres points, du nouvel article 334 le fit rejeter, et les choses restèrent où elles en sont encore.

Cette modification dans la loi aurait une grande portée pratique; car quiconque, comme magistrat ou avocat, a l'expérience des tribunaux correctionnels, sait que dans les affaires d'excitation à la débauche dont les juges d'instruction sont saisis, les inculpés sont très-souvent les père et mère des mineurs, et que rien, surtout dans cette hypothèse, n'est difficile à établir comme l'habitude. N'est-il pas douloureux que de si grands criminels ne soient pas châtiés et que le gouvernement de l'enfant qu'ils ont corrompu, livré à prix d'argent, reste entre leurs mains?

La déchéance de l'autorité paternelle n'est, en effet, encourue que comme peine accessoire résultant de l'ap

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