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mort par une simple fiction, utile mais sans aucune valeur juridique. Le père est tout naturellement appelé à régler les derniers honneurs à rendre à son fils, mais nous lui contestons absolument, au risque d'être accusé d'innovation imprudente, le droit d'imposer sa volonté quant au caractère religieux ou irréligieux de la cérémonie.

Là-dessus, il n'y a qu'une règle, il n'y a qu'un maître, la volonté du défunt. Cette volonté, si elle s'est manifestée (et elle pourra résulter de toute espèce de preuve), devra toujours être suivie; il est superflu, lorsqu'il s'agit d'un mineur, de distinguer s'il avait atteint ou non l'âge de seize ans, sous prétexte que, plus jeune, il aurait été incapable de donner un caractère obligatoire à ses dernières volontés (art. 903 C. p.). Il ne s'agit point ici de disposer de sa fortune par testament; ce qui est intéressé, c'est la liberté de conscience, garantie sans doute à tout le monde, sans distinction d'âge ou de degré d'intelligence.

Mais si l'enfant est mort en bas âge, s'il était incapable non-seulement de manifester sa volonté, mais d'en avoir une, que décider? Pas plus dans ce cas que dans le précédent, nous ne reconnaîtrons l'omnipotence du père. La volonté de l'enfant, qui n'a pu se faire jour, sera présumée d'après les actes religieux dont il aura été l'objet. Lorsque, par exemple, un enfant, issu d'un mariage bénit par l'Église, a été ostensiblement baptisé, on a pris pour lui, avec l'assentiment de son père, un engagement qui l'obligeait à se comporter en chrétien; cet enfant était chrétien, il a vécu, il est mort chrétien, il doit être inhumé chrétiennement. Cette idée se trouve en germe dans une ordonnance de référé de Douai, du 6 avril 1875, à laquelle nous adhérons pleinement. Notre solution est beaucoup plus radicale que celle

adoptée, relativement aux mêmes difficultés, par un écrivain qui vient de publier sur le droit en matière de sépulture un livre dans lequel la science du jurisconsulte gagne au contact de l'idée religieuse une grande force de conviction (1).

Au reste, sur ces questions de funérailles, la loi est muette et les agitations de notre temps, envahissant jusqu'au champ de l'éternel repos, la forceront à parler. Tout est à faire dans cette partie de la législation. Les principes ne sont pas plus arrêtés que les règles du recours judiciaire. L'objet du droit, le cadavre, échappe à toute classification, ce n'est ni une personne ni une chose. Le tribunal des référés n'est saisi dans la pratique que par suite de la nécessité d'obtenir une décision prompte; mais aucun texte ne se prononce sur la compétence.

(1) Le Droit en matière de sépulture, par Léon Roux.

CHAPITRE IX

D'UN NOUVEAU CAS DE SÉPARATION DE CORPS.

49. La procréation des enfants n'est pas le but unique du mariage, elle en est cependant la fin principale. Portalis définissait le mariage : « La société de l'homme et de la femme qui s'unissent pour perpétuer leur espèce... » En réglant les devoirs des époux, le législateur a attaché autant d'importance aux obligations qu'ils ont envers les enfants communs, qu'à celles qu'ils ont l'un envers l'autre. Les sanctions sont cependant fort inégales. Si l'un des conjoints a gravement manqué à ce qu'il devait à l'autre, ce dernier trouvera une suprême ressource dans la séparation de corps, qui aura pour effet de relâcher les liens de la puissance maritale dont le mari, s'il était défendeur, aura été convaincu d'avoir abusé. Tandis qu'il peut, en tant que père, se livrer à tous les excès, maltraiter ses enfants d'une manière odieuse, les laisser croupir dans l'ignorance, les priver systématiquement de toute instruction religieuse, leur donner les exemples les plus funestes; il n'y aura aucun moyen de restreindre ou de déplacer son autorité paternelle.

Tant que dure l'association conjugale, la femme est pour ses enfants comme un subrogé-tuteur naturel. Or, il appartient au subrogé tuteur de poursuivre la destitution du tuteur qui remplit mal ses devoirs. Pourquoi ne pas compléter cette assimilation nécessaire et dire que la mère pourra provoquer la déchéance de son mari des droits de la puissance paternelle?

Cette puissance passerait alors à la mère, mais il

serait contradictoire que celle-ci détînt la puissance paternelle en restant soumise à la puissance maritale; il serait peu digne que le mari ne fût pas dans la maison commune le seul et souverain maître. Ces objections disparaissent si la femme peut, en se fondant sur des griefs relatifs à ses enfants, obtenir la séparation de corps; la garde des enfants lui sera confiée en vertu du droit commun (Art. 301 C. c.).

La jurisprudence, se rapproche autant que le lui permettent les textes, de la réforme que nous proposons. M. le professeur Bressolles a cité à l'Académie de législation un jugement du tribunal de Lyon, prononçant la séparation contre un mari qui avait refusé de faire baptiser son enfant (1). Cette espèce était très-favorable, parce que les juges y pouvaient voir et y ont vu en effet une injure grave pour la mère qui avait reçu la bénédiction nuptiale et qui était fondée à interpréter ce fait comme une promesse tacite de son mari de faire élever les enfants communs dans la religion catholique.

Ajoutons, pour justifier notre projet, que les mauvais traitements exercés par le père sur ses enfants rendraient généralement la vie commune insupportable à la mère et que la possibilité de la séparation serait dès lors en harmonie avec l'esprit général de la législation sur le mariage.

Mais il serait indispensable de décider que la sépara

(1) Recueil de l'Académie de législation de Toulouse, 1873, p. 138; ce jugement a été depuis confirmé par arrêt en date du 27 mars, dont voici le principal considérant : « C'est avec raison que les premiers juges ont vu dans le refus exprimé dans de telles circonstances non pas seulement un déplorable abus de l'autorité paternelle, mais une violence morale envers la mère et l'oubli d'une promesse tacite, mais virtuelle, qui ont dû blesser la conscience d'une femme chrétienne dans ses sentiments les plus intimes et les plus respectables. >>

tion de corps, prononcée dans ces conditions, ne prendrait pas fin par la simple réconciliation des époux ; 'il faudrait une décision du tribunal provoquée par un avis du conseil de famille réuni ad hoc.

En retouchant sur ce point le titre de la séparation de corps, le législateur devrait poser en principe que le mari contre lequel elle aura été prononcée, perdra l'usufruit légal des biens de ses enfants. Cette disposition existait en matière de divorce et, si elle n'est

pas étendue par la jurisprudence à la séparation de corps, c'est uniquement parce qu'elle avait un caractère pénal.

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