Les types variés qui existent aujourd'hui sont le produit de la lutte pour l'existence et de la sélection naturelle. La lutte pour l'existence est l'effort fait par tout être vivant pour prendre et pour garder sa place au soleil, en luttant contre les autres et contre le milieu inorganique. Ce combat incessant fait disparaître les faibles au profit des forts; il assure la survivance à ceux qui sont les mieux doués pour la résistance et pour le perfectionnement du type. C'est ainsi que s'opère la sélection naturelle. Elle s'empare d'une variation utile apparue spontanément ou par accıdent, la rend définitive, la transmet à la descendance et lui donne un élément de supériorité de plus. Darwin fait ainsi rentrer le phénomène de la production des espèces dans la sphère d'action des forces naturelles agissant dans le monde inorganique. C'est, dit Quatrefages, une conception entièrement nouvelle et qui a contribué plus que tout autre au succès considérable de la doctrine formulée par le savant anglais. Ces doctrines brillantes, ingénieuses, sont de nature à séduire et à passionner les esprits. Elles ont eu, dans le monde savant, un retentissement légitime et l'intérêt qui s'y rattache ne nous permettait pas de les passer complètement sous silence; mais elle sont du ressort de l'histoire naturelle ou plutôt de l'anthropologie. Cette science née d'hier, mais déjà riche de faits et de découvertes, a pour collaborateurs tous les savants qui, à un titre quelconque s'occupent de l'homme et par conséquent la presque totalité des hommes de science. L'hygiène a des attributions plus bornées, elle vit de résultats pratiques et se désintéresse des problèmes qui ne sont pas susceptibles d'applications. Ceux qui se rattachent à l'origine de l'humanité sont dans ce cas. Si l'espèce humaine est le dernier terme d'une série de transformations, elles ont depuis si longtemps cessé qu'on n'en trouve plus de vestiges. Depuis les temps les plus reculés auxquels l'observation puisse remonter, les espèces animales nous offrent les mêmes caractères et l'homme reste bien nettement distinct de la création. Les types les plus inférieurs de l'espèce humaine ont encore une supériorité marquée sur les représentants les plus élevés des espèces animales qui s'en rapprochent. Ces idées ont été soutenues par Virchow avec une grande vigueur de conviction à l'ouverture du Congrès d'anthropologie et d'archéologie préhistorique, laquelle a eu lieu à Moscou le 23 août 1892. L'espèce humaine est beaucoup plus ancienne qu'on ne le croyait autrefois. Cuvier ne faisait pas remonter son existence au-delà de la période géologique actuelle et ne lui donnait pas plus de six mille ans. Il ne croyait pas à l'homme fossile. On avait pourtant trouvé dans des grottes, dans des cavernes, des ossements humains qui semblaient appartenir à l'époque antédiluvienne; mais on n'admettait pas qu'ils fussent contemporains des terrains dans lesquels on les avait trouvés; on préférait croire qu'ils y avaient été entraînés par les eaux ou qu'ils étaient tombés au fond d'une brèche par quelque dislocation du sol. Les découvertes modernes ont fait justice de cette erreur. Les savants scandinaves Forchammer, Steenstrup et Worsaae ont d'abord suivi les traces de l'homme bien au-delà des bornes de l'histoire, au-delà des plus obscurs souvenirs légendaires ou mythologiques; puis enfin sa présence au sein des terrains quaternaires a été incontestablement prouvée. Cette démonstration est due à la persévérance de notre compatriote Boucher-de-Perthes. Au lieu de rechercher les débris de l'homme fossile dans les cavernes à ossements, il est parvenu à les trouver dans les couches profondes d'un terrain continu, stratifié, horizontal, dans le gravier déposé au fond de la vallée de la Somme, pendant l'époque quaternaire. Il lui a fallu près de vingt ans de travaux et de fouilles pour convaincre ses adversaires; mais en 1858, il eut la joie de voir l'authenticité de ses découvertes proclamée par Falconer, plus tard par Evans et Flower, par Gaudry, par Georges Pouchet; enfin par la Société d'anthropologie de Paris et par Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire. Ces savants vinrent, à différentes époques, sur les lieux, extraire de leurs propres mains, des ossements humains parmi des silex et des outils façonnés. La découverte de la mâchoire dite du Moulin-Quignon, faite en 1863, au milieu de débris fossiles du renne, du rhinocéros et du mammouth convainquit les plus incrédules. L'année suivante, Boucher-de-Perthes trouva encore une mâchoire inférieure et un crâne dans les mêmes conditions. Il est reconnu depuis lors, que l'homme a vécu en France à côté des éléphants, du rhinocéros à fourrures et l'existence de l'homme quaternaire n'est plus contestée. On sait de plus, aujourd'hui, grâce aux recherches de Lund et de ses successesseurs, que cet homme a vécu dans les deux Amériques. On l'a retrouvé plus récemment en Asie, en Afrique et jusqu'au cap de Bonne-Espérance. L'existence de l'homme tertiaire n'est pas aussi universellement acceptée. Elle est encore niée par certains savants. De Quatrefages la considérait comme démontrée. « Il était déjà difficile, dit-il, de méconnaitre la main de l'homme dans les ossements de ⚫ Balénotus, recueillis par M. Capellini, sur les silex trouvés au PuyCourny, dans le Cantal, par M. Rames, mais tous les doutes ont été » levés par la découverte d'ossements appartenant à quatre squelettes humains, faite par M. Ragazzoni, dans un terrain franchement tertiaire, » à Castenedolo, près de Brescia». Cette découverte n'a pas porté la conviction dans tous les esprits, une réaction s'est produite après le Congrès de Lisbonne, et à celui de Moscou, Virchow a exprimé l'avis qu'il était impossible d'affirmer l'existence de l'homme tertiaire. Les débris de générations antérieures à notre époque géologique sont partout accompagnés par les produits de l'industrie humaine. Ces ouvrages sont bien primitifs, bien rudimentaires, mais ils présentent dans tous les pays des caractères identiques, et partout ils ont passé par les mêmes phases de perfectionnement. Ils ont permis, par la régularité de leur succession, d'établir des périodes dans l'existence préhistorique de notre espèce et de déterminer les åges de l'humanité. C'est d'abord la période paléolithique ou l'âge de la pierre taillée, pendant laquelle on trouve dans le sol, à côté des ossements humains, des morceaux de silex, grossièrement taillés en forme de hache ou de couteau. Puis, le travail se perfectionne, la hache grossière de la période précédente s'aiguise, se polit, s'emmanche. C'est la période néolithique ou de la pierre polie. En même temps, on voit apparaitre quelques rudiments d'industrie, des tentatives d'ornementation, de dessin. Les pierres, les parois des cavernes portent des figures à peine ébauchées, reconnaissables pourtant et dénotant des aspirations artistiques: on trouve aussi dans les grottes des poteries grossières; l'usage du feu se généralise; des essais d'agriculture sont tentés. La découverte des métaux signale une phase nouvelle dans l'évolution du genre humain. L'âge du cuirre et du bronze est contemporaine des habitations lacustres, des dolmens. L'homme, armé pour la résistance, devenu le maitre incontestable du sol, se réunit en groupements plus nombreux; les sociétés se forment; les langues se perfectionnent et l'écriture ébauche ses premiers essais. D L'âge de fer signale un progrès nouveau. C'est la plus décisive des étapes accomplies par l'humanité. Quand le fer fut entré dans les » usages de la vie, dit Littré, la force humaine fut immensément multipliée. Les Grecs devant Troie approchaient de l'âge de fer, de même » que les Gaulois y arrivaient lorsque César les conquit; il n'est pas » besoin de dire combien fut grande la révolution que le fer, comme » instrument et comme arme, produisit dans les affaires du monde ». L'évolution que nous venons de résumer en quelques mots, a partout suivi la même marche, mais ses phases ne se sont pas déroulées partout en même temps et n'ont pas eu partout la même durée. D La Chine était arrivée à un haut degré de civilisation depuis des siècles, lorsque l'Egypte élevait ces monuments impérissables qui font l'objet de notre admiration, et à cette époque l'Europe en était encore à l'âge de pierre. Cette étape première de l'évolution des peuples est encore représentée par les Esquimaux et par les habitants de quelques iles de l'Océanie. § III. PEUPLEMENT DU GLOBE. MIGRATIONS Quelque doctrine qu'on adopte au sujet de l'origine de l'espèce humaine, il est bien certain qu'elle n'est pas née sur tous les points de la terre à la fois, et que le globe s'est peuplé par des migrations successives. Personne ne le conteste. Qu'on admette un centre unique d'apparition comme les monogénistes, qu'on en admette plusieurs comme les polygenistes, il faut bien reconnaître qu'il y a eu expansion hors de ces foyers primitifs, que les hommes se sont répandus sur le globe de proche en proche, que les populations ont fait tache d'huile. Ce mouvement se continue encore et ne cessera vraisemblablement que lorsque, dans chaque pays, le nombre des habitants sera en rapport avec ses ressources. Les migrations des peuples ne sont pas sans intérêt pour l'hygiène. Elles se rattachent à la question des races et à celle des climats qui font partie de son domaine; nous allons donc dire quelques mots du peuplement de l'Europe et de celui de la France qui nous touchent de plus près. On s'accorde généralement à placer le berceau primitif de nos populations dans le massif central de l'Asie. Là se trouvent juxtaposés les trois types fondamentaux de l'espèce humaine et les trois formes du langage auxquelles se rattachent toutes les langues parlées. C'est également de là que viennent les animaux domestiques les plus anciennement soumis. Tout porte donc à penser que cette région a été, pendant le cours de la période géologique actuelle, le point de départ des migrations qui ont couvert l'Europe. Il est plus probable que le centre d'apparition de l'homme, à l'époque tertiaire, était situé plus au nord, vers la Sibérie, où vivaient alors le renne, le rhinocéros et le mammouth, où la température était, à cette époque, celle qu'on observe aujourd'hui en Californie. Il est vraisemblable qu'il a commencé à s'y nourrir de fruits et de racines, puis il s'est enhardi, en se développant; il a fabriqué des armes en silex et s'est attaqué aux grands mammifères de ces régions. Les peuples chasseurs, dit Quatrefages, ont besoin de grands espaces, et ce genre de vie surexcite les instincts migrateurs. Des familles aventureuses ont dû franchir les limites du centre d'apparition, et se répandre peu à peu en Asie. En descendant vers le Sud, elles ont rencontré des espèces animales moins farouches et dont quelques-unes se sont soumises à leur domination. Puis vinrent les froids glaciaires qui chassèrent les hommes de leurs territoires primitifs, en même temps que les animaux qui leur servaient de nourriture. Il est vraisemblable qu'ils émigrèrent en masse pour fuir ce froid implacable qui faisait périr les végétaux et chassait les animaux de leurs retraites. Affolés par cette étrange catas tropte, is klesar bevat eux. dans tous les sens. Un flot marcha vers Digest & 1 SLO Des manis mammifères sibériens; ces émigrants arriVI. 221 16S re les rhinocéros et les mammouths, et l'Europe OFSÓPIŁA TI 1 at en jusque là que de bien rares habitants se trouva sugeen pec. LA ALLIS Arceens, suivant toujours leur gibier habituel, conVSUSHI PES BEžiudes de peuples chasseurs; mais ceux qui firent rouse at Sud et penetrerent dans le cœur de l'Asie, y trouvèrent des ALMELI JCTS SOCacies. Ils apprivoisèrent d'abord le chacal et en firent le chien 5:grestige: puis ils s'assujettirent le boeuf, le mouton, la ebevre : is beccavirent les céréales et apprirent à les cultiver. Forts de ves tonguetes, is se mirent à leur tour en marche et envoyèrent dans 170s jes sens des essaims dont quelques-uns arrivèrent en Europe avec k sien et à peerre polie: d'autres migrations se succédèrent encore apportant, sur notre sol, les conquêtes nouvelles, comme le bronze et le fer, et farent suivies à leur tour par les invasions dont l'histoire a gardé HE SWITZER jegas Tepoque quaternaire jusqu'aux temps les plus rapprochés de nons, is choses se sont toujours passées de la même façon dans l'Europe accateque. Des flots humains divers d'origine et de race y sont arrivés ¿ ́age en åge et par intermittence comme autant de raz de marée. Quand jes nouveaux venus trouvaient la place prise, la guerre éclatait entr'eux et les premiers occupants. Puis la paix se faisait et les races se croisaient, si ben que dans les grottes de la Marne, explorées par M. de Baye, on a megve reunies aux hommes néolitiques toutes les races de l'époque quagenare, à l'exception d'une seule et les métis de toutes ces races (1). Les populations de l'Europe actuelle sont le produit de ces innombrables ervisements qui remontent aux temps quaternaires. la migration la plus importante dont le temps nous ait transmis le sogverir, celle qui nous intéresse au plus haut degré, est celle des Aryens, Sort le berceau parait avoir été la vallée supérieure de l'Oxus. Douée Fase force extraordinaire d'expansion, cette race, en possession d'une e flexible, d'une industrie déjà avancée, a irradié dans tous les ses, mais principalement vers l'ouest. Ad. Pictet (de Genève), en se dasant sur la linguistique, a tracé la carte des migrations de la race arvenne et les a resumées dans le schéma suivant qui figure à la fois la direction des principaux rameaux et le chemin qu'ils ont parcouru. Cette repartition n'est pas absolument d'accord avec les autres données Fanthropologie et notamment avec la cranioscopie. La linguistique eks même pourrait peut-être lui donner un démenti. L'origine asiatique. dos Celtes n'est pas absolument démontrée; mais ce qui n'est pas contes P. Da Qass, Introduction anthropologique (Encyclopédie d'hygiène et de |