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Londres et les Anglais, par J.-L. Ferry de Saint-Constant. Paris, an XII (1804), 4 vol. in-8°.

ET ouvrage qui est rare aujourd'hui, nous a passé dernièrement sous les yeux. Comme il est intéressant et assez bien écrit, nous avons pensé qu'on ne nous saurait pas mauvais gré d'en reproduire ici quelques passages. L'auteur avait déjà publié quelques ouvrages littéraires; de 1807 à 1811, il fut nommé proviseur du lycée d'Angers. A cette époque, le ministère l'envoya à Rome pour y organiser l'instruction publique. A partir de ce moment, il se fixa en Italie et publia plusieurs ouvrages en langue italienne, notamment, le Spettatore italiano, Milano, 1822, in-8°; ouvrage estimé.

Extraits de Londres et les Anglais.

Tome 1er, pages 376-378. - Parmi les anecdotes arrivées à Gretna-Green nous rapporterons les suivantes dont l'authenticité n'est pas contestée. - Deux amants que leurs pères refusaient d'unir, s'enfuient de la maison paternelle; la position du lieu de leur demeure ne permettant pas de douter qu'ils n'eussent pris le chemin des frontières de l'Écosse, aussitôt les deux pères prennent la poste pour se mettre à la poursuite, l'un de son fils, l'autre de sa fille. Arrivés en même temps à un relais, à plusieurs milles de distance, ils eurent malgré eux une entrevue; irrités de leur aventure, ils se firent de sanglants reproches, s'accusèrent réciproquement de manquer de vigilance, et de n'avoir prévenu la démarche imprudente de leurs enfants. Ils étaient également pressés de continuer leur route, et demandent une voiture à l'aubergiste, qui leur déclara qu'il n'en avait qu'une seule à leur service. Comme le temps pressait, ils consentirent à partager la même voiture et continuèrent le voyage en se faisant toujours des reproches mutuels. Arrivés enfin à Longtown, la dernière poste avant Gretna-Green, ils n'y trouvèrent ni voitures, ni chevaux. Les amants fugitifs avaient loué deux heures auparavant la seule voiture qui se trouvât dans le village et devaient s'en servir pour le retour. Les chevaux qui avaient conduit jusques là les deux pères ayant redoublé plusieurs postes, ne pouvaient plus marcher les deux voyageurs euxmêmes n'étaient guères moins fatigués. Forcés de s'arrêter, ils employèrent leur temps à réparer leurs

forces à table. Ils sentirent alors qu'il leur était impossible d'atteindre ces jeunes gens, et que s'ils allaient jusqu'à Gretna-Green, ils les trouveraient déjà mariés. Les verres de vin qu'ils burent coup sur coup, dissipèrent le ressentiment et la mauvaise humeur; ils reconnurent alors que le mariage de leurs enfants était bien assorti, et que, s'ils n'eussent pas eux-mêmes été brouillés, ils ne s'y seraient jamais opposés. Ils finirent par se toucher la main, et résolurent d'attendre l'heureux couple pour leur donner leur bénédiction.

Autre anecdote.

Un jeune commis ayant engagé la fille d'un riche marchand à le suivre à Gretna-Green, ils s'y rendirent en poste et furent mariés sur-le-champ. Après la cérémonie le forgeron ministre leur demanda cinq guinées. « Cinq guinées! s'écria le nouveau marié, un gentleman que vous mariâtes hier au soir m'a dit que vous ne lui aviez pris qu'une guinée. C'est vrai, répondit le forgeron; mais le gentleman est un irlandais que j'ai déjà marié six fois; je le regarde comme une pratique, tandis que vous, peut-être ne vous reverrai-je plus. >>

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A Paris les femmes

Tome I, page 390-391. étourdissent, a dit un voyageur. A Londres elles font bâiller. Lorsque je me trouve dans une compagnie d'anglaises, il me semble que je suis dans un appartement rempli de tableaux qui représentent de belles femmes, à chacune desquelles le peintre a donné une

attitude différente, et auxquelles il ne manque que la parole.

Il ne faut pas s'imaginer, cependant, que les Anglaises soient muettes; elles sont femmes, et à certains égards, peut-être, plus femmes que les autres. Si elles sont taciturnes dans quelques cas, elles sont bruyantes dans d'autres. Elles sont intarissables, par exemple, sur la parure. Il leur faut des pompons et des colifichets pour les faire parler; l'examen d'un ajustement leur fournit matière à l'entretien de plusieurs jours. Les Anglaises parlent encore beaucoup, quand il s'agit de rendre suspecte la conduite de quelques femmes. On sait qu'à cet égard les prudes sont toujours les plus éloquentes.

Mais, le grand jour des paroles est le dimanche, au sortir de ce qu'on appelle le salut. Il faut que le salut fasse un grand effet sur elles, car il les change entièrement; à peine en sont-elles sorties qu'elles deviennent très-fécondes en paroles. Elles passent en revue les personnes qu'elles y ont vues, leur maintien, leur habit, et n'oublient pas le moindre ruban. Une Anglaise, dans les occasions, parle plus que trois Françaises.

Tome I, page 348. Partout le beau sexe se distingue par la recherche de la propreté. Chez les Anglaises elle fait le plus bel ornement de leur parure. On prétend cependant, que ce n'est pas sans raison que l'ambassadeur Caraccioli disait que si les femmes en Angleterre étaient plus propres devant les hommes, elles l'étaient davantage en France, devant Dieu. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on ne fait que d'introduire en Angleterre un meuble qu'on regarde

en France, non comme tenant aux affectations du luxe et de la mollesse, mais comme nécessaire à la propreté. Un noble émigré, pour se procurer des ressources, imagina de se faire fabricant de ce meuble, qui de longtemps n'aura de nom en Angleterre. Il lui donna la forme de boîte, comme à ceux qu'on destine pour le voyage. Cette précaution en facilita le débit. Il avait pris pour devise ces mots du Spectateur : « La propreté est la mère nourrice de

l'amour. >>>

Tome II, page 192. - Malgré tout ce qu'on a déjà écrit sur Shakespeare, il paraît encore souvent des essais de son génie et de ses ouvrages. Un ecclésiastique, s'étant avisé de faire des notes, en porta un échantillon à Shéridan, et lui en demanda son avis. « Je suis surpris, répondit cet homme célèbre, de ce que chacun ne se mêle pas uniquement de ses affaires; gâtez votre bible si vous le voulez, mais au moins laissez-nous la nôtre. >>

Tome II, pages 108-111. Des Anglaises de bonne foi sont convenues qu'il ne leur était guère arrivé de jeter les yeux sur une gazette sans un secret désir de voir si elles ne seraient point devenues la divinité de quelqu'aimable inconnu, tel que celui qui fit insérer dans le London Chronicle l'annonce suivante :

<< Le jeune homme, qui fut remarqué le 5 de ce mois à l'Oratorio par une demoiselle, n'est point marié, et ses vœux seraient comblés, si cette aimable personne daignait lui faire savoir par un mot

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