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2° Quand l'administration ne remplit pas les obligations qu'elle avait contractées envers le concessionnaire, la résiliation peut être également prononcée sur la demande du concessionnaire. C'est encore une application du principe posé par l'article 1184 du Code civil.

Les cas de résiliation de cette espèce sont rares. Cependant, il faut admettre que, comme en matière de travaux publics, le concessionnaire peut demander la résiliation lorsque l'administration a apporté en cours d'exécution des modifications considérables au projet, de telle sorte qu'elles ont eu pour effet, en réalité, de substituer à ce projet une entreprise absolument nouvelle. (C. Ét. 13 juin 1860, ville d'Auxonne, Leb. 1860, p. 467; C. Ét. 12 déc. 1890, ville de Marseille, D. 92, 5, 645; V. également D. Suppl. Rep., v° Trav. publ., no 1063.)

Toutefois, on devra décider que la résiliation ne peut être réclamée par l'entrepreneur lorsque le fait sur lequel il se fonde pour la demander doit être considéré comme un cas de force majeure. (Cons. d'Ét. 24 mars 1893, aff. Chavrier, D. 94, 3, 45; Dall., ibid., no 1069.) Lorsque la résiliation est prononcée au profit d'un entrepreneur, une indemnité est due à cet entrepreneur pour privation de bénéfices. (C. Ét. 12 déc. 1890, ville de Marseille, D. 92, 5, 645.)

3o Le contrat de concession peut finir également par le rachat exercé par l'administration. Le droit de rachat est ordinairement réservé dans le cahier des charges; l'administration peut alors déposséder les concessionnaires moyennant une indemnité stipulée d'avance au contrat.

En l'absence d'une clause de rachat stipulée au contrat, il faudrait une loi spéciale pour que le rachat fût possible '.

4° La concession d'éclairage cesse normalement par l'expiration du terme fixé dans le traitė.

5o Quant au décès du concessionnaire, il n'entraîne pas la fin de la concession, comme cela a lieu pour les entreprises de travaux publics et pour le louage d'ouvrage, en vertu de l'article 1795 du Code civil, auquel cas la résiliation se produit de plein droit au décès de l'entrepreneur sans que l'administration puisse réclamer d'indemnité.

Il n'en est pas ainsi en matière de concession en général, et en matière de concession d'éclairage notamment. La concession, en effet,

1. V. Aucoc, Confér. sur l'administration, t. II, p. 431.

2. Christophle et Auger, t. I, nos 1270-1271.

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ainsi que le fait observer M. Aucoc, « n'est pas un simple contrat de louage d'ouvrage : les droits et les obligations du concessionnaire sont plus étendus que ceux d'un entrepreneur. L'article 1795 du Code civil n'est pas applicable en pareil cas'. » Le Répertoire de Dalloz dit également : « Si la rémunération de l'adjudicataire consistait dans le droit pour lui de percevoir à son profit certaines redevances, son décès n'entraînerait pas de droit la résiliation du contrat. »

En effet, tandis que le décès d'un entrepreneur modifie un des éléments essentiels du contrat de louage d'ouvrage, dans lequel la considération de la personne chargée d'exécuter le travail joue un rôle prépondérant, le décès d'un concessionnaire, qui n'exécute lui-même aucun travail, n'empêche pas forcément le contrat de se réaliser. On conçoit très bien notamment que les héritiers de ce concessionnaire puissent lui être substitués sans inconvénient pour assurer, par leurs préposés, le service public qui fait l'objet de la concession d'éclairage.

1. Aucoc, Confér. sur l'administration, t. II, p. 432.

2. Suppl. au Rép., vo Trav. publics, no 1096; C. Ét. 5 juin 1845, Detrez, Lebon, p. 320.

CHAPITRE VII

COMPÉTENCE

Bien que les concessions d'éclairage présentent, par certains côtés, de l'analogie avec les marchés de fournitures, néanmoins c'est avec les marchés de travaux publics qu'elles ont le plus de ressemblance.

C'est ce que la jurisprudence a reconnu en déclarant qu'il fallait leur appliquer les règles de compétence qui régissent les marchés de travaux publics et notamment les dispositions de l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII. (C. Ét. 19 février 1868, Sirey, 1868, 2, 359 ; Trib. des conflits 16 décembre 1876, ville de Lyon, Sirey, 1879, 2, 27; Cass. 29 novembre 1881, Sirey, 1883, 1, 448; 8 août 1883, S. 1884, 1, 267; 2 mars 1891, S. 1891, 1, 168.)

D'une façon générale, on peut dire que la juridiction administrative et plus spécialement le conseil de préfecture est compétent pour toutes les contestations où l'administration (État, départements, communes) se trouve mise en cause et qui soulèvent une question d'interprétation de l'acte constitutif de la concession. Parmi ces difficultés, il faut nécessairement placer celles qui s'élèvent entre l'administration et le concessionnaire et qui sont relatives au sens ou à l'exécution du marché ou aux tarifs du service de l'éclairage concernant l'administration. Dans toutes ces difficultés, l'administration est, en effet, directement en cause comme partie aux débats. Mais il est d'autres difficultés où l'administration n'est plus partie aux débats et qui rentrent néanmoins dans la compétence administrative. Nous voulons faire allusion aux contestations qui s'élèvent, par exemple, au sujet des dommages éprouvés par les particuliers et ayant été occasionnés par l'exécution des travaux. La loi de l'an VIII en attribue formellement la connaissance au conseil de préfecture, alors même que lesdits dommages résulteraient du fait personnel du concessionnaire. Comment se justifie cette attribution, si ce n'est parce que les contestations de cette nature mettent indirectement en cause l'administration en sou

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levant une question d'interprétation des clauses de l'acte administratif qui est son œuvre ? 11 est, en effet, nécessaire, en pareil cas, d'interpréter le contrat de concession afin de déterminer si c'est bien véritablement en vertu de son exécution régulière que le dommage a été causé, et si ce n'est pas, au contraire, à la violation des prescriptions stipulées qu'il doit être attribué.

Quant aux difficultés qui ne mettent pas en cause l'administration et qui ne soulèvent pas une question d'interprétation du traité, telles que celles résultant des dommages causés par l'exploitation de la concession, elles rentrent dans la compétence judiciaire.

Nous allons examiner rapidement ces deux ordres de compétences en citant un certain nombre de cas où elles ont respectivement à s'exercer.

Compétence administrative.

«Le conseil de préfecture, dit l'article 4 de la loi de l'an VIII, prononcera : sur les difficultés qui pourraient s'élever entre les entrepreneurs de travaux publics et l'administration concernant le sens ou l'exécution des clauses de leurs marchés. » Les difficultés prévues par cette disposition de la loi du 28 pluviôse an VIII sont toutes celles qui concernent l'accomplissement des obligations respectives de l'administration et du concessionnaire. Citons notamment :

a) Les difficultés relatives au maintien du concessionnaire dans la jouissance du monopole qui lui a été concédé par le traité.

Telles sont les difficultés de la nature de celles qu'a fait naître pendant ces dernières années la concurrence des compagnies électriques avec les compagnies gazières concessionnaires de l'éclairage des villes. Les questions relatives, par exemple, à l'étendue qu'il convient de donner au monopole concédé aux compagnies sont de la compétence administrative et doivent être soumises aux conseils de préfecture.

b) Les difficultés relatives à l'exécution des travaux.

Pour déterminer si le travail est exécuté dans les conditions voulues, il faut nécessairement interpréter l'acte de concession. Les difficultés relatives à l'exécution des travaux rentrent donc dans la catégorie des difficultés relatives à l'exécution des clauses du marché que la loi de l'an VIII attribue au conseil de préfecture. Il a été décidé notamment

que, lorsqu'un traité passé entre une ville et une compagnie pour l'éclairage au gaz obligeait cette dernière, comme condition nécessaire du marché, à faire sur la voie publique des travaux, sans lesquels l'éclairage de la ville ne pourrait être obtenu, et à réparer les dégradations pouvant résulter de ces travaux, le conseil de préfecture était compétent pour connaître des difficultés s'élevant sur le sens et l'exécution des clauses de ce marché. (C. Ét. 27 mars 1856, ville de Grenoble c. Compagnie lyonnaise.)

Est encore de la compétence du conseil de préfecture, comme soulevant une difficulté relative à l'exécution des travaux, la demande formée par une compagnie d'éclairage au gaz contre une ville à raison du préjudice que lui a causé cette ville en lui interdisant par arrêté municipal, contrairement aux clauses du traité, d'établir de nouvelles conduites pour l'éclairage des particuliers. Et l'on ne pourrait soutenir que le conseil de préfecture est incompétent parce qu'il s'agit pour lui de connaître d'un arrêté municipal rendu dans l'exercice des droits de police et de voirie. (C. Ét. 27 mars 1856, D. 56, 3, 521.)

c) Quid des difficultés entre l'administration et le concessionnaire relatives aux clauses du traité purement financières ?

Lorsqu'il s'agit, par exemple, d'interpréter les dispositions du cahier des charges qui déterminent les droits respectifs des parties contractantes relativement aux bénéfices de l'entreprise dont la ville s'est réservé une partie, le conseil de préfecture est-il compétent?

Primitivement, le Conseil d'État avait déclaré qu'en pareille matière la compétence administrative ne saurait exister (C. Ét. 20 mars 1862, D. 77, 3, 57). Dans le même sens, la Cour de cassation avait décidé,

1. Cet arrêt s'exprime ainsi : « Sur le grief tiré de ce que le conseil de préfecture aurait excédé les limites de sa compétence en appréciant un arrêté en date du 24 janvier 1852 par lequel le maire de Grenoble a refusé à la Compagnie lyonnaise l'autorisation d'établir de nouvelles conduites sous le sol de la voie publique Considérant que le conseil de préfecture s'est borné à statuer sur une demande en indemnité portée devant lui par la Compagnie lyonnaise, à raison du préjudice qui serait résulté pour elle de ce que, contrairement aux clauses de son marché, la ville lui aurait interdit le droit d'établir de nouvelles conduites pour l'éclairage des particuliers; qu'ainsi il s'agissait d'une contestation relative à l'exécution d'un marché de travaux publics et rentrant, dès lors, dans la compétence du conseil de préfecture... »

2. Nous extrayons de cet arrêt le considérant suivant : « Considérant que le premier chef des réclamations de la ville n'avait pour objet qu'une application d'un des articles des statuts de la compagnie, relatif à la composition de la commission dite de commandite, et que le second chef tendait à faire établir la

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