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Souvent, en dehors du péage susindiqué, le concessionnaire a droit à une subvention supplémentaire que l'administration s'engage à lui payer. Mais, bien entendu, il faut, pour cela, que la subvention en question ait été mentionnée dans le contrat de concession, sans quoi le concessionnaire ne saurait y prétendre en aucune façon.

Quelquefois, l'administration s'oblige à garantir au concessionnaire l'intérêt, à un taux déterminé dans le contrat, du capital engagé dans l'entreprise. C'est ce qu'on appelle la garantie d'intérêt, clause assez fréquemment insérée dans les contrats de concession d'éclairage.

La clause de garantie d'intérêt doit être considérée comme une assurance donnée par la commune à son concessionnaire que, quel que soit le sort de l'entreprise, le capital engagé ne sera pas improductif, qu'il rapportera tout au moins un minimum de revenu fixé dans le contrat. En l'absence totale de bénéfices, la commune serait donc obligée de payer ce chiffre de revenu minimum en totalité; mais, dans le cas où il y aurait seulement insuffisance de bénéfices, la commune ne serait obligée que de combler la différence entre le chiffre des bénéfices réalisés et le chiffre du revenu minimum qu'elle avait assuré à la compagnie.

C'est ainsi que le Conseil d'État a interprété la clause de garantie dans un arrêt du 24 décembre 1891 (Société Ferdinand Mertz par Estella, liquidateur judiciaire, c. la commune de Sainte-Maxime). Cet arrêt est ainsi conçu: « En ce qui concerne l'interprétation de l'article 21 du traité de concession: considérant qu'il résulte de la note susvisée, sans date, mais visiblement antérieure au traité de concession et dont la sincérité n'est pas contestée, que l'intention des parties était, au moment où les pourparlers se sont engagés, que l'intérêt de 4 1/2 p. 100 devait constituer un chiffre minimum de rapport du capital employé dans l'entreprise, chiffre que la commune paierait ou compléterait en cas d'absence ou en cas d'insuffisance de bénéfices; que rien dans l'article 27 ni dans aucun autre de la concession n'indique que l'intention des parties ait été différente au moment du traité; qu'au contraire les termes du premier alinéa de l'article 26 : « La ville garantit un intérêt de 4 1/2 p. 100 » montrent plutôt qu'il ne s'agit pas d'une promesse ferme de paiement d'intérêts, mais simplement d'une assurance donnée par la commune que, quel que fût le sort de

1. V. Aucoc, loc. cit., p. 429.

l'entreprise, le capital y engagé ne serait pas improductif; que tel est d'ailleurs généralement le sens du mot garantie dans les traités de

cette nature.....

« L'article 26 du traité de concession est interprété dans ce sens que la commune doit payer au concessionnaire, dans le cas où les bénéfices de l'entreprise n'atteindraient pas un chiffre équivalent au montant de l'intérêt à 4 1/2 p. 100 du capital engagé, soit cet intérêt entier, si les bénéfices étaient nuls, soit la différence entre le chiffre des bénéfices et le montant des intérêts. »

C) Obligations de l'administration.

En étudiant les droits des concessionnaires, nous avons examiné un certain nombre des obligations de l'administration envers eux.

D'une façon générale, on peut dire que l'administration est obligée de respecter le monopole qu'elle a concédé, dans son étendue1 et dans sa durée.

Toutefois, il convient d'observer que le droit de gestion du domaine public, en vertu duquel les communes concèdent les monopoles des services publics, étant frappé d'un caractère d'inaliénabilité, les obligations de l'administration ne pourront jamais se résoudre, dans le cas où elle refuserait de les accomplir, qu'en dommages-intérêts. Cette règle doit être observée en matière de concessions d'éclairage.

De même, il faut remarquer que les communes ne sont pas entièrement libres de contracter toutes les obligations qui leur conviennent. Nous avons vu que, d'après la circulaire du 15 août 1893, le corps municipal est compétent pour faire les concessions d'éclairage, mais qu'il doit se conformer aux conditions déterminées par les articles 115 et 145 de la loi du 5 avril 1884, c'est-à-dire que les traités de concession doivent être soumis à l'approbation du préfet ou du Préșident de la République, suivant que la concession émane de villes ayant un revenu inférieur ou supérieur à 3 millions de francs.

Or, cette approbation supérieure, à laquelle les traités de concession sont soumis, n'est donnée que dans les cas où les clauses du traité paraissent satisfaisantes à l'autorité chargée de les approuver.

1. Voir à ce sujet ce que nous avons dit plus haut sur la concurrence résultant d'un mode d'éclairage autre que celui employé par le concessionnaire.

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C'est ainsi qu'une note-avis du Conseil d'État du 4 août 1886, ville de Lille, a décidé que : « Dans les traités ayant pour objet l'éclairage par le gaz, il n'y a pas lieu d'approuver une clause qui dispenserait la compagnie concessionnaire, en cas de découverte d'un autre mode d'éclairage, de fournir cet éclairage, à la condition de réduire le prix du gaz de façon à procurer à la ville et aux particuliers une économie équivalente à celle qui résulterait du nouveau mode d'éclairage.

« Il convient, au contraire, disait cet avis, de réserver à la ville la faculté d'imposer à la compagnie l'emploi des nouveaux modes d'éclairage qui seraient ultérieurement découverts. »>

Il a toutefois été admis que cette obligation ne serait pas imposée à la compagnie dans les dernières années de sa concession, à la condition qu'elle réduisit le prix du gaz, de façon à procurer à la ville et aux particuliers une économie équivalente à celle qui résulterait du nouveau mode d'éclairage. (Projet de décret (A. G.) 24 novembre 1886, ville de Lille.)

Les dispositions des articles 115 et 145 de la loi du 5 avril 1884 renferment, comme on le voit, une garantie tutélaire, qu'on a souvent trouvée gênante, mais dont l'utilité se révèle en matière de concession d'éclairage, où elle a pour effet d'empêcher les villes de se lier trop étroitement envers les compagnies et de compromettre ainsi, souvent pour une très longue durée, leurs intérêts et ceux de leurs administrés. L'administration a encore l'obligation de payer au fournisseur de son éclairage public le prix stipulé au contrat1.

Quelquefois, la ville s'engage envers le concessionnaire, pour obtenir, par exemple, des prix plus avantageux, à consommer annuellement une quantité de lumière déterminée. Dans ce cas, si sa consommation réelle n'atteignait pas celle qui a été stipulée au contrat, nous croyons que l'administration ne pourrait faire subir aucune réduction au prix que la ville aurait dû au concessionnaire si elle avait consommé la quantité convenue.

Bien plus, en pareil cas, l'administration ne serait pas fondée à soutenir qu'elle doit, non le prix intégral de la lumière, mais seulement le bénéfice que le concessionnaire aurait pu réaliser sur la fourniture qui lui était assurée par son contrat.

1. Voir ce qui a été dit sur le prix de l'éclairage aux Obligations du concessionnaire.

Un arrêt du Conseil d'État du 17 décembre 1897 (ville de Castelsarrazin c. sieur Briqueville) autorise cette manière de voir. Voici cet arrêt :

« Sur les conclusions de la ville de Castelsarrazin :

« Considérant que, par sa décision en date du 20 avril 1894, le Conseil d'État a rejeté la requête présentée par la ville de Castelsarrazin contre un arrêté en date du 25 novembre 1890, par lequel le conseil de préfecture du département de Tarn-et-Garonne a décidé qu'elle est tenue par son contrat, envers le sieur de Briqueville, concessionnaire de l'éclairage par le gaz, de consommer annuellement 25,000 mètres cubes, sans en déduire les quantités de gaz qu'elle n'aurait pas consommées; que la ville n'est pas fondée à soutenir qu'en vertu de cette décision, elle doit, non le prix intégral du gaz, mais seulement le bénéfice que le sieur de Briqueville aurait pu réaliser sur la fourniture qui lui était assurée par son contrat. »

A qui incombent les frais d'établissement des canalisations ou conduites nouvelles? - En principe, c'est l'administration qui est obligée de supporter les frais de nouvel établissement. Elle ne saurait en effet aggraver arbitrairement les charges du concessionnaire. Pour qu'il en fùt autrement, il faudrait qu'il ait été formellement stipulé au contrat que les frais en question seraient mis à la charge du concessionnaire. Les canalisations doivent être considérées comme travaux de nouvel établissement.

Un arrêt du Conseil d'État du 11 mars 1898 (ville de Cosne) a dernièrement sanctionné ces principes. « Considérant, dit cet arrêt, que l'article 27 du cahier des charges de la concession, qui énumère les dépenses devant rester à la charge du concessionnaire, ne mentionne pas les frais d'établissement des canalisations nouvelles ; qu'au contraire l'article 33 dispose que les sommes dues au concessionnaire pour travaux d'établissement, de suppression et déplacement d'appareils, et pour tous autres travaux donnant lieu à présentation de mémoires autres que ceux de premier établissement prévus par l'article 19, lui seront payées dans le mois qui suivra le règlement desdits mémoires; que les travaux d'établissement prévus à l'article 33, et qui donnent lieu à présentation de mémoires, comprennent les travaux de canalisation; que c'est d'ailleurs en ce sens que le contrat a été appliqué par les deux parties de 1864 à 1892; que dans ces circonstances c'est avec

raison que le conseil de préfecture a condamné la ville de Cosne à rembourser à la Société du gaz de Cosne les frais de la canalisation;

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En dehors des obligations du concessionnaire et de l'administration que nous venons d'énumérer, il y en a bien d'autres, mais nous ne saurions, dans cette rapide étude, en faire un examen absolument complet. Nous nous sommes borné à citer celles qui servent le plus fréquemment de sources aux contestations.

II. Rapports des concessionnaires avec les abonnés
ou consommateurs.

En principe, les concessionnaires doivent se conformer, dans leurs rapports avec les abonnés, aux clauses du cahier des charges.

Les concessionnaires sont-ils libres, dans le silence du cahier des charges, d'imposer aux consommateurs des clauses arbitraires ? Même dans leurs rapports avec les abonnés qui n'ont pas été réglementés par le cahier des charges, les concessionnaires ne conservent pas une entière liberté d'action comme celle qu'ils pourraient avoir dans un contrat ordinaire. Cela tient à la nature de l'objet du contrat, qui a de l'analogie avec un service public et qui constitue, comme nous l'avons vu déjà, un monopole de fait, plaçant le concessionnaire dans une situation exceptionnelle en présence de laquelle il importe de sauvegarder les intérêts des particuliers, alors même que, par négligence ou oubli, le cahier des charges n'aurait pas pris soin de le faire.

Aussi, croyons-nous pouvoir dire que, dans les contrats de cette nature, il entre une sorte de condition tacite, destinée à suppléer aux insuffisances du cahier des charges et en vertu de laquelle les particuliers ne sauraient être lésés dans leurs intérêts essentiels par l'arbitraire des concessionnaires.

C'est de ces principes que semble s'être inspiré notamment un arrêt de la cour de Rouen en date du 5 mai 1846, intervenu au sujet d'une concession d'éclairage au gaz.

« Attendu, dit cet arrêt, qu'il résulte de la nature même de la concession, comme des articles 20 et 21 et de l'ensemble du cahier des

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