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dus; secondés dans leur entreprise par la facilité avec laquelle l'énergie électrique se prête aux transformations les plus diverses, ce n'est pas seulement la lumière qu'ils distribueront, mais la chaleur, la force motrice et jusqu'à l'agent électro-chimique nécessaire à certaines industries. Peut-être n'était-il pas cependant dans l'intention des municipalités d'ouvrir un champ si vaste à leur industrie.

Sans doute, les municipalités prendront des précautions, elles détermineront notamment l'objet en vue duquel la permission est octroyée. Elles inséreront encore d'autres restrictions que leur suggérera leur prudence. Mais comment supposer que les permissionnaires accepteront toutes ces restrictions sans compensation? Il faudra donc entourer la permission de voirie de clauses ayant pour effet d'établir à l'égard de chaque partie des droits et des obligations, on lui fixera même une durée déterminée. En réalité, les permissions de voirie, octroyées dans ces conditions, ne seront que des concessions déguisées.

Participant de la nature des contrats à titre onéreux et, notamment, de celle de la vente et de l'échange, la concession d'éclairage présente les avantages de ces contrats qui constituent les formes les plus parfaites et, pour ainsi dire, naturelles des transactions humaines, parce que, mieux que tous autres, ils savent ménager les intérêts réciproques, mobiles de ces transactions. Il vaut donc mieux entreprendre de corriger les inconvénients de la concession d'éclairage au moyen de traités conçus avec prévoyance que de songer à ne plus y avoir

recours.

APPENDICE

Circulaire des Ministres de l'Intérieur et des Travaux publics aux Préfets.

Paris, le 15 août 1893.

Monsieur le Préfet,

L'Administration des travaux publics a été saisie récemment de diverses réclamations soulevées par une circulaire du Ministre des travaux publics en date du 22 juin 1882 et par la jurisprudence suivie depuis quelques années, en exécution de cette circulaire, à l'égard des demandes de permission de grande voirie relatives aux conduites d'eau, de gaz et d'électricité.

Nous croyons devoir, Monsieur le Préfet, vous rappeler les faits qui ont motivé la circulaire de 1882.

Des industriels avaient demandé, en 1882, aux préfets d'un certain nombre de départements l'autorisation de poser des conduites de distribution de gaz dans les traverses des routes nationales et départementales des villes. Ces demandes se fondaient sur ce que lesdites routes, ne faisant pas partie du domaine municipal, paraissaient se trouver en dehors des concessions d'éclairage consenties par les municipalités. Quelques préfets crurent pouvoir donner les autorisations qui leur étaient demandées. C'est ainsi que les industriels en question obtinrent l'autorisation d'établir une canalisation de gaz sur les routes nationales et départementales d'une de nos grandes villes, autorisation qu'ils abandonnèrent d'ailleurs, quelques semaines après, à la Compagnie concessionnaire de l'éclairage municipal, moyennant une forte indemnité.

Informé de ces faits, le Ministre des travaux publics rappela aux préfets, par une circulaire du 22 juin 1882, que « l'Administration ne doit pas pa«raître se prêter à ce que des tiers, sur lesquels ne pèse aucune des charges « imposées aux sociétés concessionnaires des distributions municipales d'eau « et de gaz, puissent compromettre l'économie des conventions passées entre « elles et les villes; que d'ailleurs les permissions de poser des conduites « d'eau ou de gaz sortent de la catégorie des permissions ordinaires de grande voirie concernant les riverains des routes, ces dernières permissions « n'ayant pour objet que des intérêts absolument privés, tandis que les pre«mières affectent des intérêts généraux et peuvent apporter des entraves à « la circulation, en raison de la fréquence des remaniements de chaussée « qu'entraîne nécessairement la multiplicité des canalisations ». M. Varroy invitait en conséquence les préfets à prendre dorénavant, sur chaque cas

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CONCESS. D'ÉCLAIR.

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d'espèce, les instructions de l'Administration centrale, avant de donner l'autorisation de poser les conduites.

L'Administration centrale des travaux publics n'eut pas souvent l'occasion de se prononcer sur des demandes de canalisation de gaz depuis 1882, car les entrepreneurs, dont les pétitions multiples avaient provoqué la circulaire de M. Varroy, renoncèrent à ce genre d'opérations.

Mais la question se présenta bientôt sous une autre forme lorsque l'éclairage par l'électricité commença à prendre une grande importance. Pour éviter de créer au bénéfice des riverains de la grande voirie un régime spécial différent de celui de la voirie urbaine, et de contrecarrer ainsi l'action des autorités municipales, le Ministre des travaux publics adopta, en 1889, une jurisprudence qui a été suivie jusqu'à ce jour : le préfet ne doit délivrer dans chaque commune qu'à la municipalité elle-même ou à ses concessionnaires ou permissionnaires l'autorisation d'établir sur la grande voirie une distribution de lumière par l'électricité.

Cette jurisprudence a soulevé les protestations de la plupart des compagnies d'électricité, en raison de ce qu'un grand nombre de traités de concession d'éclairage par le gaz contiennent des clauses qui empêchent les municipalités d'autoriser sur la voirie urbaine des distributions d'électricité faisant concurrence au concessionnaire de gaz, ou même de favoriser de telles distributions sur la grande voirie dans le territoire de la commune. Ces protestations ont été appuyées par quelques conseils généraux et par quelques municipalités. Les réclamants demandent que le Ministre renonce à la jurisprudence de 1889, qu'il rapporte la circulaire du 22 juin 1882, et qu'il laisse les préfets statuer directement en matière de permissions de grande voirie pour distribution d'eau ou de lumière, suivant leur appréciation personnelle des conditions diverses qui peuvent motiver, dans chaque cas spécial, soit l'admission, soit le rejet des pétitions.

Pour résoudre définitivement ces difficultés, les Ministres de l'intérieur et des travaux publics ont institué une Commission spéciale composée de conseillers d'État et de délégués des deux ministères.

Cette Commission, après avoir étudié les précédents et entendu les représentants des divers intérêts en jeu, a formulé son avis de la manière suivante :

Les désaccords prolongés qu'a soulevés cette question proviennent de ce qu'il s'est produit, dans l'esprit des administrations locales et des demandeurs en concession, une confusion entre deux choses de nature bien distincte le droit d'accorder les concessions de distributions d'eau ou d'éciairage, et celui de délivrer les permissions de voirie nécessaires à leur exécution. Aussi, est-il tout d'abord indispensable de dégager nettement les principes qui doivent diriger l'Administration en cette matière.

Il convient de rappeler en premier lieu que les voies publiques de toutes catégories étant essentiellement destinées à la circulation, c'est à raison de cette destination qu'elles sont classées dans le domaine public national, départemental ou communal, et réparties, suivant les caractères spéciaux

de la circulation qu'elles desservent, entre la grande et la petite voirie, cette dernière subdivisée en voirie urbaine, voirie vicinale (grande et petite) et voirie rurale. C'est pour assurer leur conservation et leur bon entretien en vue de cette destination qu'elles sont administrées, les unes par le préfet au nom de l'État, du département ou des groupes de conmunes intéressées les autres par le maire au nom de la commune. Mais les attributions qui sont conférées à ces fonctionnaires dans l'intérêt exclusif de la circulation ne sauraient être exercées par eux, en vue d'un autre objet, sans un véritable détournement de pouvoir.

La distinction des diverses voies entre la grande et la petite voirie n'existe plus pour tout ce qui touche à la sécurité ou à la salubrité publiques et les pouvoirs municipaux s'exercent, en ces matières, sur les voies de l'une et de l'autre catégorie. Cette distinction n'existe pas davantage en ce qui concerne d'autres intérêts dont la sauvegarde est confiée à l'État (par exemple, les servitudes militaires).

Le service de l'éclairage public intéresse au plus haut point le bon ordre, la commodité de la circulation et la sécurité des citoyens dans les agglomérations communales; il est placé, à ce titre, dans les attributions municipales pour toutes les voies publiques de la commune, sans aucune distinction. Ce point n'a jamais été contesté ni en fait ni en droit. C'est ainsi que les municipalités se sont toujours considérées comme chargées d'assurer l'éclairage public, dans la mesure où il était reconnu nécessaire, sur toute l'étendue de leur territoire, et qu'elles ont très valablement passé, dans ce but, des contrats de concession s'étendant aussi bien à la grande qu'à la petite voirie.

L'éclairage privé est entièrement libre, pourvu qu'il n'emprunte pas les voies publiques; mais s'il ne peut être assuré qu'au moyen de canalisations ou de conducteurs établis sur ces voies, il est assujetti à des autorisations dont il convient de préciser le caractère, suivant les cas qui peuvent se pré

senter.

Il peut arriver qu'un particulier (par exemple, dans le cas où sa propriété est coupée en deux par une voie publique) demande à établir sur cette voie, pour son propre usage, une canalisation de gaz ou un conducteur électrique; rien ne s'oppose à ce que cette autorisation lui soit accordée à titre de permission de voirie précaire et révocable, pourvu qu'il n'en résulte aucun inconvénient pour la circulation.

Mais, lorsqu'un particulier demande à établir sur une voie publique, quelle qu'elle soit, de grande ou de petite voirie, des ouvrages permanents, destinés à un usage collectif, pour faire commerce de leur exploitation, l'autorité compétente n'a plus seulement à examiner la question de savoir si l'existence de ces ouvrages est compatible avec l'utilisation normale du domaine public; elle doit examiner, en outre, si l'installation demandée n'est pas de nature à créer à son auteur une situation privilégiée, en laissant le public sans garanties contre ses exigences. Dans l'affirmative, elle doit prendre les précautions nécessaires pour que les avantages offerts par

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