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nier cas, il faudrait réunir le peuple sur la place publique, et nous verrions revenir les beaux jours de l'antique forum. Mais alors ce ne sont pas seulement les lois ouvrières qu'il faudrait enseigner, mais toutes les lois, les « justes lois » et aussi, je suppose, les devoirs du citoyen. Cette proposition viendra peut-être, mais d'autres nous sont déjà connues, plus pratiques, et moins discutables.

La ville de Bordeaux recevait, en 1902, un congrès d'employés de commerce, où ceux-ci précisèrent leurs revendications. On sait qu'aujourd'hui, dans toutes les professions, les hommes se plaignent de leur sort. Ce ne sont pas seulement les mineurs, les tisseurs, les agriculteurs, mais les avocats, les médecins, les fonctionnaires. C'est là le << prolétariat intellectuel », plus militant que le << prolétariat manuel »; lui aussi a la prétention de s'organiser en « classe » distincte et de centraliser les revendications des malheureux «< intellectuels » 1, y compris les membres du petit clergé, victimes, paraît-il, des hauts prélats et des seigneurs ecclésiastiques. On ne s'étonnera donc pas, si les employés de commerce ont fait valoir leurs revendications. Ils demandent la limitation de la journée de travail, un minimum d'appointements, la suppression des amendes, le repos du dimanche, etc. Ce dernier vœu ne rencontrera aucun contradicteur. Un autre vœu, assez bizarre, concerne la création de <«< chaires de lois sociales expliquées ». Cet enseignement serait donné dans les Bourses du travail et dans les syndicats. Quels seraient les professeurs?

1. La Société des gens de lettres a formulé récemment ses revendications. (V. Le Figaro, 29 mars 1904.)

Qui paierait la dépense? Nous l'ignorons. Mais l'idée a été accueillie avec sympathie, comme tout ce qui concerne l'éducation du peuple '. Nous croyons, cependant, que l'échec relatif des universités populaires doit mettre en garde les promoteurs de cette nouvelle création. Un tel enseignement, destiné à l'employé et à l'ouvrier, ne peut être donné que le soir ou le dimanche matin. Pense-t-on que les auditeurs seront nombreux, assidus, et que cet enseignement si même il est donné avec science et impartialité portera grand fruit? Nous en doutons. Il y a cependant toute une catégorie de personnes qui connaîtront et comprendront les lois ouvrières ce sont les professeurs. S'ils ont peu d'auditeurs, ils se consoleront, en songeant à d'illustres maîtres qui enseignèrent au Collège de France et auxquels il n'a manqué que des disciples. Dans le cas où on voudrait instituer un enseignement méthodique et comparatif des lois ouvrières, il aurait naturellement sa place dans les facultés de droit, dans les écoles de sciences politiques et dans les écoles de hautes études industrielles.

1. V. au sujet de l'Éducation sociale, le rapport de M. Ch. Gide sur l'Économie sociale à l'Exposition de 1900 (Rapports du jury international, Introduction générale, t. V, p. 181 et suiv.). Paris, Imprimerie nationale, 1903.

CHAPITRE II

DE LA RÉGLEMENTATION DU TRAVAIL EN FRANCE Et a l'Étranger

1. Les lois françaises sur le travail de l'homme, de la femme et de l'enfant. — II. Aperçu de la réglementation du travail à l'étranger. III. La réglementation du travail du samedi.

I

Si l'Europe forme, au point de vue des lois civiles et politiques, une véritable mosaïque, il n'en est pas de même des législations du travail. Pour les mêmes causes et pour les mêmes besoins, l'État moderne a dû intervenir. Des milliers de manufactures venaient de concentrer le travail de l'homme, de la femme et de l'enfant; il fallait, par une législation protectrice, sauvegarder les droits individuels et réprimer les abus. La vie économique se transforme sans cesse; le droit ne peut rester stationnaire.

En France, la protection légale de l'ouvrier apparaît dans les lois suivantes qui constituent la réglementation actuelle du travail et qui figureront dans le Code du travail.

Loi du 9 septembre 1848 relative aux heures de travail dans les manufactures et usines, modifiée par la loi du 30 mars 1900.

Loi du 7 décembre 1874 relative à la protection des enfants employés dans les professions ambulantes, modifiée par la loi du 16 avril 1898 sur la répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats commis envers des enfants.

Loi du 8 juillet 1890 sur les délégués à la sécurité des ouvriers mineurs, modifiée par la loi du 25 mars 1901.

Loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements industriels, modifiée par la loi du 30 mars 1900.

Loi du 12 juin 1893 sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels, modifiée par la loi du 11 juillet 1903.

Loi du 29 décembre 1900 fixant les conditions du travail des femmes employées dans les magasins, boutiques et autres locaux en dépendant.

Entreront pour partie, dans le code du travail, les lois suivantes :

Décret-loi du 3 janvier 1813, contenant des dispositions de police relatives à l'exploitation des mines.

Loi du 22 février 1851 relative au contrat d'apprentissage, article 8, paragraphe 3, 3o phrase, et article 9.

Loi du 9 avril 1898 concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, article 31.

Le nombre des établissements « surveillés » et le

chiffre des ouvriers « protégés » varient d'année en année; ils étaient, en 1902, les suivants':

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Dans le tableau suivant, on remarquera que les ouvriers protégés augmentent — avec le développement de la grande industrie - tandis que nombre de petits ateliers ont disparu en 1902 2 :

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1. Ce n'est là qu'une partie si grande qu'elle soit des établissements soumis à la surveillance légale. On sait que les mines, minières et carrières sont soumises à un régime spécial d'inspection; en est de même des établissements de la guerre et de la marine. V. Journal officiel, 1er octobre 1903.

2. Journal officiel, 26 septembre 1903.

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