Page images
PDF
EPUB

enseignez les choses de l'ordre intellectuel, mais ne négligez ni la culture morale et religieuse, ni la culture physique, car c'est un tout indivisible que l'éducation de l'enfant. » Ils auraient pu citer le témoignage d'Horace', de Quintilien 2, et cet admirable discours de Pline le Jeune, lorsque, s'adressant aux pères de famille de Côme, sa patrie, il les conjurait de bien choisir les maîtres de leurs enfants 3.

Tout autre est la conception socialiste; pour elle, l'autorité paternelle s'efface devant le droit de l'enfant. Chaque jour, des pédagogues improvisés déclarent que s'il est interdit au père de confier ses fils à des hommes qui déforment le corps, à plus forte raison il doit lui être défendu d'abandonner de jeunes intelligences à des « ignorantins » qui déforment l'esprit, qui lui inculquent l'idée de dogmes impénétrables et qui, au lieu d'éclairer, obscurcissent la raison. Comment parer à de tels dangers? Par l'école et dans l'école. « A notre sens, écrivait un des moniteurs du socialisme parlementaire, l'enfant venu au monde de parents reconnus ou non a des droits, non à titre de nature, mais en sa qualité de membre d'une société, c'est-à-dire comme cellule élémentaire d'un organisme supérieur. Si sa personnalité est en voie de formation, il y a lieu à tutelle collective. Quand sa personnalité sera formée, il sera majeur et, dès lors, propre à la jouissance entière et aux orages de la liberté!... Si l'élève a acquis les connaissances nécessaires, li

1. Sat., I, VI.

2. Inst. or., I, II. 3. Epist., III, III.

vrons-le à tous les prosélytismes; mais s'il est encore un mineur intellectuel, ne tolérons pas qu'on lui cache quelque part la science pour lui montrer la Bible. » Ainsi se formule l'idée de la majorité scolaire au-dessous de laquelle l'enfant appartient à l'école, où les maîtres, dépositaires des doctrines socialistes, apprendront les droits et les devoirs «< humains ».

Mais le chef de famille n'a-t-il pas, lui aussi, une mission intellectuelle et morale à remplir? La science de l'instituteur va-t-elle remplacer la formation du cœur et de l'esprit, science domestique par excellence et que toutes les sociétés libres ont reconnue aux parents? Entre les deux autorités, celle du père et celle de l'instituteur, les docteurs socialistes choisissent la dernière. Si le père a le droit de propriété intellectuelle sur l'enfant, nous disent-ils, comment lui refuser le droit de coercition et tant d'autres prérogatives qui nous ramènent à un véritable service public, et celui-ci se justifie comme tous les monopoles. L'État doit donc l'organiser pour le bonheur de l'enfant et dans l'intérêt de la collectivité.

Le « service public », tel que le demandent aujourd'hui les socialistes français, sacrifie le droit de l'enfant à l'omnipotence du pouvoir. Que l'État contrôle, surveille toutes les écoles, nul n'y contredira, mais « l'enseignement de la nation » nous conduit au pire despotisme. Qu'importe tel monopole fiscal, si l'on impose le monopole intellectuel! Et comme on comprend bien l'appui donné au so

1. La Petite République, 19 novembre 1902.

cialisme par les sectes anti-chrétiennes dont la haine inspire les programmes et les luttes politiques.

Certes le droit de l'enfant existe, primordial et sacré, entraînant une corrélative obligation. Il s'agit dans l'espèce de savoir qui est obligé. Ce sont les parents. Le fait de donner la vie entraîne comme conséquence le devoir de la conserver à l'enfant, et au devoir d'assurer la subsistance matérielle s'ajoute le devoir d'octroyer l'éducation morale. Les parents ont donc des devoirs positifs, mais ils ont en même temps le « pouvoir », pouvoir institué dans l'intérêt des enfants et qui a pour limite l'intérêt même de l'enfant. C'est ce pouvoir qui choque l'école socialiste et qui cependant est dans la nature des êtres et qui se justifie par l'impuissance physique et l'incapacité intellectuelle et morale de l'enfant.

VII

On se demande ce qu'il restera aux particuliers et aux associations lorsque ces monopoles fiscaux, intellectuels, sociaux, seront régulièrement organisés. Et nous n'avons cité que des exemples, car la théorie du « service public » est tellement générale qu'on finit par ne plus trouver d'exceptions. Économistes et moralistes ont souvent combattu ces prétentions extravagantes du socialisme qui trouve en France des alliés précieux. Voici cependant trois objections que nous opposons à la théorie du << service public ». 1° L'histoire nous montre que l'institution des monopolesquels que soient les motifs moraux, hygiéniques et même politiques

[ocr errors]

dont on colore leur introduction, procède avant tout d'une pensée fiscale. L'État a voulu d'abord réaliser des bénéfices, et si plus tard il y a renoncé, c'est que d'autres ressources ont alimenté son budget. 2° L'État, qui crée les monopoles et les multiples services qui en dérivent, est seul juge de son action et de sa responsabilité. Lorsqu'on voit comment, en France, les monopoles des Postes et Télégraphes et des Téléphones entraîne de pratiques routinières et abusives, on devine combien le public serait sacrifié si les services publics se multipliaient au détriment des libres créations de l'initiative privée. A moins de considérer le développement du fonctionnarisme irresponsable comme un progrès, il est impossible d'approuver l'extension des monopoles fiscaux. 3o Lorsqu'il s'agit de monopoles intellectuels, comme celui de l'éducation de l'enfant, la prétention de l'État de se substituer aux chefs de famille inspire une répulsion d'autant plus grande que l'État apparaît ce qu'il est en réalité, dans nombre de pays, un parti victorieux, haineux, sectaire et violent. Le pouvoir n'est plus qu'un instrument d'oppression sinon de vengeance politique. On nous parle « d'unité morale », en attendant « l'unité socialiste ». Mais de quelle morale peuvent-ils se vanter ceux qui veulent imposer, par l'école primaire, l'athéisme, le communisme, l'internationalisme? Telle fut la question débattue récemment, au parlement français, au sujet de la liberté de l'enseignement'.

1. V. notamment les discussions du Sénat; discours de MM. de Lamarzelle et Clémenceau. Journal Officiel du 18 novembre 1903.

CHAPITRE VI

DE LA SUPPRESSION ILLÉGALE DE LA LIBERTÉ DU

TRAVAIL

I. La tyrannie des syndicats professionnels.

II. Les grèves

antiprofessionnelles. La grève générale des mineurs français en 1902. La grève des tisseurs d'Armentières en Les grèves du Nord en 1904.

1903.

I

En France, c'est la loi du 21 mars 1884 qui a organisé l'association professionnelle. Depuis vingt ans qu'ils fonctionnent, les syndicats ont rendu des services, mérité des critiques, souvent tyrannisé les ouvriers. Il paraît que l'heure des réformes a sonné. Tous les partis les réclament, et les propositions de loi, que vient de résumer, dans un intéressant rapport, M. Barthou, député, nous apportent les méditations de MM. Lemire, Millerand, Dejeante et Vaillant'.

Plus heureux que les ouvriers des villes, les hommes des campagnes ont réalisé, grâce à l'asso

1. Rapport fait au nom de la Commission du travail. Chambre des députés : Annexe au procès-verbal de la séance du 28 décembre 1903.

RÉGLEMENTATION DU TRAVAIL.

9

« PreviousContinue »