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COMPTE RENDU

DES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ET CENTRALE D'HORTICULTURE EN 1865;

MESSIEURS,

PAR M. P. DUCHARTRE.

Dans l'histoire de la Société impériale et centrale d'Horticulture, l'année qui vient de finir sera tristement marquée par la perte immense qui est venue nous affliger. L'homme éminent à tous les titres qui, dès le jour où les deux Sociétés parisiennes d'Horticulture unirent leurs ressources et leurs travaux, avait été placé à la tête de la puissante association ainsi formée, et qui, jusqu'aux derniers moments de sa brillante existence, n'a cessé de lui donner des preuves d'un intérêt réel, M. le duc de Morny, enlevé par une mort prématurée, a laissé vide ce fauteuil de la présidence que son nom avait illustré, bien que les travaux politiques vers lesquels était incessamment dirigée sa grande intelligence ne lui eussent jamais permis de s'y asseoir. Pour notre Société, cette perte paraissait irréparable; heureusement, sur notre terre de France, fertile en mérites de tout ordre, jamais une œuvre vraiment grande et utile n'a échoué faute d'hommes capables d'en diriger et assurer le succès. Un illustre général, à qui nulle branche des connaissances humaines ne semble étrangère, et qui, après s'être couvert de gloire dans la guerre, consacre aujourd'hui les rares loisirs de sa vie politique au culte des sciences et des arts de la paix, M. le maréchal Vaillant a bien voulu recueillir l'héritage de notre regretté Président, et déjà nous l'avons vu couronner de ses mains les lauréats de la dernière Exposition, présider à nos travaux dans plusieurs de nos séances ordinaires, donner à tous des conseils et des encouragements, lever pour notre Société des obstacles qui auraient pu l'entraver dans sa marche et lui témoigner enfin parles signes les moins équivoques une bienveillance et un intérêt dont elle sent tout le prix.

D'un autre côté, l'article 2 des statuts de notre Société porte qu'elle doit avoir un Président d'honneur inamovible. Depuis le décès de M. le duc Decazes, en 1860, les prescriptions de cet ar

ticle n'avaient pas été observées, par l'effet de circonstances en face desquelles tout désir devenait irréalisable. En 1865, ces difficultés ayant disparu, votre vote unanime et par acclamation a conféré la présidence d'honneur, vacante depuis cinq années, à S. A. I. le prince Napoléon, qui a bien voulu l'accepter et qui a même exprimé, à cette occasion, ses bienveillantes dispositions envers notre Société. Ainsi, Messieurs, vous avez pu inscrire en tête de la liste des Membres de votre bureau les noms de deux personnages aussi éminents par leurs lumières que par leur position sociale, et qui, en vous accordant leur concours, ont prouvé qu'ils tiennent en haute estime l'art utile autant qu'agréable dont vous faites l'objet constant de vos travaux.

Cette haute estime pour l'horticulture a été manifestée encore cette année par S. M. l'Empereur lui-même, qui a daigné, sur la demande de notre illustre Président, accorder à notre Société un encouragement annuel de 1000 francs. Le chef de l'Etat a sans doute voulu traduire par cette marque de généreuse bienveillance cette pensée que si l'agriculture, source principale de la richesse de notre pays, a droit aux plus larges faveurs, sa sœur, l'horticulture, plus modeste dans son objet, mais non moins utile dans sa sphère spéciale, ne doit pas en être entièrement déshéritée.

Messieurs, le compte rendu que j'ai l'honneur de vous soumettre a un objet spécial que j'ai cru pouvoir négliger quelques instants, mais sur lequel je dois maintenant appeler votre attention: il doit vous offrir le résumé de vos travaux pendant l'année 1865, et le tableau du mouvement de notre association pendant la même période. Examinons successivement l'un et l'autre de ces sujets.

I. TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ EN 1865. Comme d'ordinaire, la Société impériale et centrale d'Horticulture a coopéré aux progrès de l'art horticole par ses travaux pendant ses séances bimensuelles ou pendant les réunions de ses Comités, par ses Expositions, par ses publications.

Ses séances ont eu lieu avec leur régularité habituelle et, d'après la marche que l'expérience a fait reconnaître comme la plus avantageuse, elles ont successivement appelé l'attention d'un auditoire toujours nombreux : 1° sur ces petites Expositions intimes qui se dissimulent modestement sous la simple qualification de

Présentations; 2° sur une correspondance tantôt instructive et destinée à signaler des faits nouveaux ou des observations intéressantes, tantôt amenée par les rapports d'une cordiale confraternité; 3° sur les communications et travaux écrits de toute nature qui, pour la plupart, ont été ensuite livrés à la publicité. Les procès-verbaux de ces séances publiés régulièrement dans le Journal vous en ont fait connaître tous les détails et vous ont même présenté le résumé de ces discussions ou conversations qui leur donnent souvent un grand intérêt et dans lesquelles chacun apporte, au profit de tous, le résultat de ses études ou de son expérience.

Quant aux travaux exécutés dans le sein des Comités, les comptes rendus qui vous ont été déjà ou qui prochainement vous seront présentés, vous les signaleront bien plus fidèlement que je ne pourrais le faire, moi qui ai dû y rester étranger.

Je ne dirai rien non plus des Expositions, dont les unes se font sur le bureau, à chaque séance, dont une autre, embrassant l'ensemble des produits de l'horticulture et des industries qui se rattachent à cet art, a été tenue au Palais de l'Industrie, pendant les trois premiers jours du mois de juillet dernier. Vous vous rappelez tous, Messieurs, le brillant spectacle qu'offrait alors cette vaste surface devenue momentanément un grand jardin orné d'une profusion de fleurs choisies parmi les plus belles et animé par de nombreuses statues, restes brillants de l'Exposition artistique qui venait de finir. Le compte rendu spécial qui vous a été présenté m'impose aujourd'hui le silence sur ce sujet.

Le Journal qui, en 1864, avait subi une légère diminution d'étendue, a repris en 1865 ses limites habituelles. Il a mis entre vos mains un volume in-8° de 768 pages qui se termine, comme de coutume, par une table des matières dressée de manière à rendre facile la recherche des articles, soit d'après leur titre, soit d'après le sujet qu'ils traitent, soit enfin d'après le nom de leur auteur.Il n'a pas eu, comme celui de 1864, la bonne fortune de livrer à la publicité un mémoire considérable tel que celui de M. B. Verlot sur la production et la fixation des variétés dans les plantes d'agrément, œuvre étendue, remplie de faits et remarquable à tous égards, qui avait valu à son auteur le prix du concours ouvert par la Société en 1863. Pareille bonne fortune man

T

quera également, j'ai le regret de l'annoncer à l'avance, au volume dont la publication va être immédiatement commencée; en effet, le concours ouvert au commencement de l'année 1864, relativement à l'importante question du bouturage, n'avait déterminé la présentation d'aucun mémoire au 31 décembre 1865, terme de rigueur. Consulté sur le parti à prendre dans un pareil état de choses, le Conseil d'Administration a décidé, dans sa séance du 44 janvier courant, que le concours relatif à la question déjà proposée serait prorogé jusqu'au 31 décembre 1867.

Grâce à la coopération de beaucoup d'entre vous, Messieurs, et au contrôle exercé par la Commission de rédaction, le volume du Journal qui a été publié en 1865 ne le cède à aucun de ceux qui l'ont précédé, ni pour la variété, ni pour l'intérêt des écrits de toute nature qu'il a livrés à la publicité. Même l'abondance des matières qu'il devait recevoir a été telle que, pour leur faire une plus large place, la Commission directrice a dû restreindre le cadre des deux Revues bibliographiques étrangère et française qui forment des sections importantes dans le plan général de votre publication. Vous jugerez de la diversité des sujets qu'ont traités les nombreuses personnes dont les communications ont formé l'un des principaux attraits de nos séances, par ce seul fait, que le nombre des articles ⚫ que le Journal leur a dû cette année s'élève à plus de 100, parmi lesquels on compte, outre les comptes rendus des travaux des Comités et de notre Société elle-même, 35 notes ou mémoires originaux dont un a été, en raison de son étendue, partagé en 5 articles sans avoir pu être encore entièrement publié; trois lettres d'un grand intérêt; 33 rapports sur des ouvrages traitant de l'art horticole, sur des cultures ou des appareils; enfin 26 comptes rendus d'Expositions. Je dois ajouter que l'année 1865 lègue encore à celle qui vient de commencer plusieurs communications intéressantes qui successivement prendront place dans le volume dont le premier cahier ne tardera pas à être mis sous vos yeux. Je dois maintenant essayer de vous rappeler le plus succinctement possible les sujets traités dans ces nombreux articles publiés pendant le cours de l'année qui vient de finir.

A. Notes et Mémoires.- Contrairement à ce que nous avions été heureux de voir jusqu'à ce jour, les articles relatifs à la culture

potagère ont fait cette fois presque entièrement défaut. Même ceux de nos Membres qui nous avaient donné la douce habitude de recevoir d'eux des notes instructives sur cette branche importante de l'art horticole, et dont un notamment a reçu, pour son utile et assidue collaboration au Journal, l'une des médailles que le Règlement autorise à décerner pour cet ordre de mérite, ont gardé un silence dans lequel il serait vivement regrettable de les voir persévérer plus longtemps. Seul cette fois M. Jamin (J.-L.) a bien voulu résumer, dans un excellent article aussi complet que possible, ce qu'a pu lui apprendre sa longue pratique de la culture du Melon.

L'arboriculture fruitière s'est, au contraire, heureusement distinguée par sa fécondité; c'est dans son domaine en effet que rentre la moitié environ des écrits originaux qui ont trouvé place dans le Journal.

La Vigne surtout a fixé plus que toutes les autres espèces fruitières l'attention des habiles collaborateurs de la rédaction. La question éminemment intéressante de sa multiplication par boutures courtes ou, comme on le dit souvent avec plus de hardiesse que d'exactitude physiologique, par semis d'yeux, a fourni le sujet de quatre notes dues à MM. Lebeuf, Vibert, Gloede et De la Roy, ainsi que d'une lettre dans laquelle M. le maréchal Vaillant a rapporté les résultats d'expériences comparatives qu'il avait faites à ce sujet.- La taille de ce même arbuste, basée sur la conservation de sarments à plusieurs entre-nœuds, ou, comme on le dit ordinairement, de longs bois, a inspiré à M. Nardy, de Lyon, de judicieuses réflexions au sujet de la faveur, selon lui, exagérée avec laquelle a été accueillie une méthode qui doit être appliquée avec beaucoup de discernement et au sujet de laquelle tout jugement définitif serait prématuré, pense-t-il, tant qu'elle n'aura pas été l'objet d'expériences comparatives. Dans un pays aussi riche en vignobles que le nôtre, le choix d'une méthode de plantation qui permette d'obtenir en peu de temps et avec économie des vignes en rapport, a un intérêt majeur; aussi, M. Pigeaux, dans un Rapport sur des expériences relatives à la plantation à plat de crossettes décortiquées, s'étant prononcé contre cette manière d'opérer, M. Gaudais nous a fait connaître les excellents

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