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NOTICE

SUR LES

BOUÉES DE L'ESCAUT MARITIME

ET

DU LITTORAL

PAR

M. J. BOULVIN

INGENIEUR DE LA MARINE.

Le rôle des bouées, dont nous allons nous occuper, est de signaler sur l'Escaut les passes accessibles aux navires à grand tirant d'eau; à la mer elles sont mouillées sur les bancs d'approche dangereuse, où elles servent de points de repère au navigateur. Dans l'un et l'autre cas, leurs indications, qui ne présentent la nuit aucune certitude, sont complétées par un système de feux fixes ou flottants.

M. Pintsch construit toutefois depuis quelque temps des bouées dont le flotteur très solide et parfaitement étanche peut recevoir, sous forte pression, une charge de gaz qu'un régulateur distribue à la flamme; ses bouées, du modèle le plus grand, contiennent 10 mètres cubes de gaz et peuvent brûler constamment pendant quatre mois, après quoi il faut les recharger. Le gaz employé par M. Pintsch est obtenu par la distillation. corps gras, et il nous paraît être identique à celui

de

que les chemins de fer de l'Etat emploient depuis longtemps pour l'éclairage des trains; l'une de ces bouées lumineuses mouillée en 1882 sur le banc « Wandelaar, au large de Blankenberghe, a été remplacée par un feu flottant de premier ordre; cet essai, de trop courte durée tenté par le pilotage néerlandais, n'a pas été repris sur nos côtes.

La grande diversité des types de bouées en usage depuis trente ans, prouve qu'il y a quelque difficulté à réaliser un flotteur constamment visible et d'une tenue tout à fait sûre pour résoudre ce double problème, il faut compter en effet avec l'agitation de la mer et les courants parfois très rapides; pour l'Escaut, il faut compter surtout avec le charriage des glaces: chacun. sait que, pendant les hivers de 1879 à 1881, les débâcles ont été assez violentes pour interrompre toute navigation, occasionnant au port d'Anvers un sérieux préjudice, comme le confirment les statistiques de ces années calamiteuses. La navigation devient impossible par les forts charriages pour deux raisons d'abord, parce que les courants de la surface, en accumulant la glace contre les flancs des navires, font dévier ceux-ci de leur route, et que l'action du gouvernail est d'autant moins efficace pour les y ramener qu'ils marchent avec peu de vitesse; en second lieu, parce que les bouées rompent leurs orins et enlèvent parfois leurs pierres d'attache; elles vont alors en dérive au gré de la marée ou bien se fixent d'elles-mêmes en quelque endroit où elles constituent un danger pour la navigation. La tenue des bouées de l'Escaut a toujours laissé à désirer sous ce rapport, il est à remarquer, du reste, qu'il ne suffit pas d'augmenter la résistance des orins pour améliorer la situation, car le déplacement de la bouée doit s'accroître en proportion et l'on se trouve ainsi dans un cercle vicieux.

Avant de s'arrêter à un type définitif, le génie maritime a essayé sur l'Escaut la bouée hambourgeoise: ainsi qu'on le voit fig. 1, pl. IV, elle est de forme très allongée et a, par conséquent, peu de stabilité; aussi elle s'efface au passage des glaçons pour émerger lorsqu'il se produit des éclaircies, mais elle n'a pas donné de bons résultats on lui reproche d'être peu visible et de disparaître trop facilement.

Un flotteur analogue connu sous le nom de Sparbuoy, fig. 2, est employé dans les estuaires américains; il s'en trouve un grand nombre aux approches de New-York et de Philadelphie; ces bouées ont jusqu'à 5,50 de longueur totale, 1 mètre de diamètre au milieu et 0,45 aux extrémités, elles sont en bois et sous l'influence de leur chaîne, qui sert de lest, elles se tiennent debout en eau tranquille et ne s'inclinent que légèrement sous l'action du flot et du jusant, qui sont beaucoup moins prononcés du reste que sur nos côtes. Sans aucun doute, elles partageraient dans l'Escaut les inconvénients de la bouée hambourgeoise. et l'administration de la marine n'a pas jugé utile jusqu'ici de les mettre à l'essai.

Le type auquel elle s'est arrêtée, pour les bouées d'hiver, est de forme ovoïde; il présente quelque ressemblance avec les bouées d'ancres, sauf que ses dimensions sont beaucoup plus considérables; il tient donc le milieu entre la bouée espar et les bouées de formes renflées, dont on fait usage à la mer; ajoutons que le point d'attache est reporté aussi bas que possible sous la flottaison, afin d'augmenter le moment des efforts produits par les glaces, efforts qui tendent alors à effacer la bouée.

A la mer, où les courants sont moins rapides que sur l'Escaut, la qualité dominante à rechercher est l'immobilité par gros temps; sinon l'amer, constamment

couché sous l'action des vagues, devient moins visible et fatigue beaucoup sa chaîne. C'est en vue de satisfaire à cette condition que Herbert a rattaché le flotteur aussi haut que possible, au sommet du cône creux qui en forme le fond, fig. 4. De cette manière l'action des lames se produit aussi bien en dessous qu'au dessus du point de retenue et le moment d'inclinaison est moindre que dans le type plus ancien représenté fig. 3; on peut reprocher à la bouée Herbert d'occasionner beaucoup de résistance lorsqu'elle se met en travers; l'action des vagues s'exerce alors sur le fond concave; au surplus, l'angle saillant, qui règne sur tout le pourtour, frotte constamment sur le même maillon de la chaîne et finit par l'affaiblir ces deux circonstances combinées nuisent donc à la sûreté du mouillage.

On peut encore, comme l'a fait M. l'ingénieur Laferme à l'embouchure de la Loire, donner aux bouées une grande stabilité de forme et tracer leur carène comme celle d'un navire (1), mais elles sont alors très coûteuses de construction et nous avons toujours hésité à les employer.

Le mode d'attache, adopté par M. Pintsch pour ses bouées lumineuses, fig. 5, présente les avantages réalisés par la bouée Herbert sans en avoir les inconvénients; il a été mis à l'essai avec l'acquiescement de M. Pintsch sur deux bouées de mer mouillées depuis quelques mois sur nos côtes; il y a donné jusqu'ici les excellents résultats auxquels on pouvait s'attendre: il a été observé, en effet, que ces nouveaux amers sont d'une fixité remarquable par les plus gros temps.

On conclut de ce qui précède que les bouées dont la marine fait actuellement usage se rattachent à trois

(1) Reynaud. Mémoire sur l'éclairage et le balisage des côtes de France, page 263.

types différant entr'eux sous le rapport des fonctions, des formes et de la grandeur, à savoir :

1o Les bouées ordinaires de l'Escaut, dites bouées d'été elles sont très nombreuses et très rapprochées et ne doivent pas être aperçues de loin;

2o Les bouées d'hiver, construites en vue de résister au charriage des glaçons dans les endroits exposés, où leurs indications sont les plus précieuses;

3o Les bouées de mer, parmi lesquelles nous nous bornerons à décrire les modèles récents placés sur les bancs de Wenduyne et de Trapegeer.

a. BOUÉE ORDINAIRE DE L'ESCAUT. Pl. IV, fig. 6. Elle est de forme semi-ovoïde et construite exclusivement en fer, elle a 1 mètre de diamètre à la base et 1,78 de hauteur totale; le pourtour est formé de huit tôles de 4 millimètres d'épaisseur, assemblées suivant quatre méridiens, les joints du haut alternant avec ceux du bas; à mi-hauteur environ, la capacité intérieure est divisée par une cloison qui donne beaucoup de raideur au pourtour et qui suffit le plus souvent à maintenir la bouée à flot, quand le compartiment, qui forme le sommet du cône, est défoncé par un coup d'hélice, comme cela arrive fréquemment. Dans le fond en tôle de 5 millimètres, est ménagé un trou d'homme avec bague intérieure de renfort, fermé par un couvercle à joint de caoutchouc, et maintenu par des vis; il permet de contrebuter les têtes des rivets pour la confection du joint de la cloison intermédiaire avec l'enveloppe; cette précaution est nécessaire, car la réparation des avaries exige, le plus souvent, le démontage de ce joint. Le fond porte encore une douille avec bouchon fileté, qui sert à la fois pour la vidange et pour l'épreuve de pression à eau froide après chaque réparation; on remarquera que l'extérieur du corps est entièrement lisse, les fers d'angle d'assemblage sont ainsi hors d'atteinte des propulseurs.

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