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SA VIE ET SES (EUVRES

ÉTUDE LITTÉRAIRE ET MORALE

PAR

M. CHARLES BENOIT

DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE NANCY.

OUVRAGE QUI A OBTENU LE PRIX D'ÉLOQUENCE
DÉCERNÉ PAR L'ACADÉMIE FRANÇAISE EN 1864.

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LIBRAIRIE ACADÉMIQUE

DIDIER ET CIE, LIBRAIRES-ÉDITEURS

35, QUAI DES AUGUSTINS

1865

Tous droits réservés

210. 9. 24.

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AVANT-PROPOS.

Après tant de maîtres illustres, qui semblaient n'avoir rien laissé à dire sur Chateaubriand, je n'aurais pas eu la présomption de prendre la parole à mon tour, si l'Académie française, en mettant au concours l'éloge du grand écrivain, n'eût elle-même provoqué ce nouveau jugement.

Il est difficile en effet d'être neuf sur un tel sujet. La carrière publique et la vie intime de Chateaubriand, ses écrits, son caractère, ses passions, ses faiblesses même, tout n'a-t-il pas été commenté en tous sens et livré au grand jour? Lui-même, dans une confession suprême, n'avait-il pas tenu à écarter tout mystère?

Mais, s'il ne reste plus nulle découverte à

faire dans cette vie et dans ces ouvrages, que le monde entier connaît, l'opinion toutefois n'est pas encore fixée sur la conduite de l'homme mêlé à tant d'événements, et sur la valeur originale et durable de son œuvre littéraire. Chateaubriand jusqu'ici a été bien plus encore disputé par les partis, que consacré dans sa renommée définitive.

Pour reprendre cette cause à mon tour, j'ai du moins sur les critiques qui m'ont précédé l'avantage d'arriver le dernier. La réflexion, comme on l'a dit, hérite du temps. Je profite des observations de mes devanciers, et j'y ajoute les miennes. Puis, avec les années, la vérité mûrit, les passions qui l'offusquaient s'apaisent; les idées, dont un grand homme s'est fait l'apôtre, ont été mises à l'épreuve; son œuvre a porté ses fruits; et sa figure, se dégageant de plus en plus des ombres du présent, commence à nous apparaître dans la lumière plus sereine et plus pure de sa gloire future:

Largior hic campos æther et lumine vestit
Purpureo.

Les ouvrages que j'ai le plus consultés pour ce travail sont dans toutes les mains; c'est avant tout le livre excellent, malgré sa malice, de M. Sainte-Beuve sur Chateaubriand et son groupe littéraire; c'est ensuite l'ouvrage si autorisé de M. Villemain sur la Tribune moderne. Mais en outre je ne saurais assez dire tout ce que je dois au pieux et regrettable A. Vinet, qui, dans un livre posthume sur la Littérature française au dix-neuvième siècle, a laissé, au sujet de Chateaubriand, des jugements d'un sens si élevé et si droit. On ne pouvait assurément avoir ici de meilleurs guides, mais parfois aussi de plus gênants. Car s'il faut les connaître, une fois avec eux, leur pensée sans cesse se mêle et s'impose à la vôtre; on ne saurait faire mieux, on ne peut plus faire autrement. Tout en cherchant à demeurer moimême dans cette docte compagnie, je n'ai point évité, je l'avoue, de me rencontrer avec ces maîtres, et j'ai volontiers saisi la main qu'ils me tendaient. Car je tenais à être vrai, bien plus qu'à être neuf; et j'avais plus en vue Chateaubriand que moi-même. Aussi mon Étude,

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