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résiste à l'expérience, pas même la routine, à moins qu'elle ne soit l'habitude de la stupidité. Ce moyen est très-connu, et même mis en usage en France avec grand fruit dans plusieurs départemens. Le perfectionnement de l'agriculture augmenterait les travaux agricoles et par suite le besoin des bras.

Il est un autre moyen d'améliorer l'agriculture, et sur-tout d'employer un grand nombre d'individus. Ce serait l'adoption dans le département d'un système de colonisation. Nous nous expliquons. Il ne s'agit point d'une organisation telle qu'elle existe dans la Hollande, organisation montée sur une grande échelle, qui réunit une nombreuse population sur le même point, et exige de grands capitaux pour l'établir: on voudrait seulement que des propriétaires donnassent à une famille une partie de terrain de leurs domaines à cultiver à des conditions suffisantes pour indemniser le propriétaire et pour nourrir la famille. Cette partie de terrain n'aurait que l'étendue nécessaire pour pouvoir être cultivée à bras par la famille; de sorte que la culture et la dépense serait presque toute en travail manuel, par conséquent peu dispendieuse pour le colon et très-productive pour lui et pour le propriétaire.

Une autre source de travail serait d'introduire dans le pays des cultures inconnues ou peu en usage, et qui pourraient y réussir, et de les étendre partont où elles pourraient être utilement appliquées, notamment la culture du chanvre, du lin et du mûrier; cultures plus productives lorsqu'elles sont faites à bras.

Quant aux travaux d'industrie, le tissage devrait employer des moyens d'abréger le travail, tel que la navette volante, si peu pratiquée, quoique non

inconnue. Il devrait s'occuper de préférence des qualités supérieures, plus recherchées et mieux appréciées. Finalement, il faudrait adopter les mécaniques, pour combattre ses adversaires à armes égales.

Les bras actuellement occupés à la filature des laines pourraient l'être à la préparation et à la filature du chanvre et du lin, et ensuite au tissage des toiles, à l'élève des vers à soie et à la préparation de leurs produits.

Si les négocians, qui emploient leurs capitaux dans un simple commerce de commission, voulaient tourner leurs vues vers l'industrie, ainsi qu'ils en ont reçu l'exemple dans les deux principales villes du département, des moyens abondans de travail seraient offerts à la population. Si, pour former des établissemens d'industrie, la crainte retenait les particuliers, on pourrait recourir à la voie des associations sur ce point, nous pensons qu'il serait plus facile de trouver des capitaux que des hommes capables d'entreprendre et de diriger de tels établissemens. Cependant il ne faut pas croire que l'auteur de la nature ait favorisé à cet égard certains pays, et en ait oublié d'autres.

A ces divers moyens d'améliorer l'état du département, il faut en ajouter un autre, qui leur donnerait à tous une plus grande puissance : nous l'avons déjà signalé c'est l'instruction; instruction prompte et facile, afin d'économiser le tems si nécessaire pour qui l'existence est dans le travail; élémentaire, afin de ne donner que le nécessaire; générale, universelle, afin que ses bienfaits, comme ceux de la Providence, s'étendent partout, Car, enfin, la lumière est le bien de tous le soleil luit pour tout le monde ; et le soleil des intelligences éclaire tout homme qui vient dans le monde.

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DISCOURS

SUR LA MANIÈRE D'ÉTUDIER

LA LANGUE FRANÇAISE,

LU DANS LA SÉANCE PUBLIQUE DU 6 NOVEMBRE 1828,

PAR M. BOUYON, MEMBRe résidant.

MESSIEURS,

A notre dernière séance publique, j'eus l'honneur de vous entretenir des moyens de propager la langue française dans le département. Le lendemain, on me disait : Nous serions bien fâchés que votre plan réussît; songez donc qu'en répandant la langue française dé cette manière, vous ôtez à nos habitans de la Lozère toute leur intéressante physionomie. Où va-t-on prendre la physionomie! Messieurs, qu'ai-je voulu? Que dans nos classes cultivées, l'homme étudiât la langue française, et qu'il tâchât de la parler facilement et avec pureté; et j'ai voulu que dans aucune classe, on ne trouvât personne qui ne comprît le français et qui ne pût se faire comprendre en français; ce qui tient assez naturellement, je pense, à la qualité d'habitant de la France; outre que cette seconde vue favorise beaucoup la première dont nul n'a contesté l'utilité. Mais s'il fallait parler de physionomie : l'homme à reçu de la nature, sur les différens points, un trait frappant que nous voudrions envain effacer; cette mère, bien que complaisante, ne saurait y consentir.

Elle est si jalouse de ses droits! Mais encore, je le demande, y aurait-il parmi nous tous qui sommes dans la Lozère quelqu'un qui n'eût à se féliciter d'avoir pu teindre un peu sa physionomie de la charmante et douce couleur du gracieux français de Paris, par exemple? Craindre en France de prendre la physionomie française, cela, tout au moins, serait bien singulier.

Que ne suis-je Grec ou Latin! Je ne me verrais pas réduit aujourd'hui à des moyens purement français pour arriver à la connaissance, j'aime mieux dire à une certaine connaissance de notre langue.

C'est à nos plus jeunes gens que je vais m'adresser. Sortant du collège où je suppose que vous avez fait des études telles qu'elles, comme on en fait ordinairement, vous parlez et vous écrivez le français; mais vous êtes loin de le connaître. A ne nous arrêter même qu'à votre orthographe, dont on vous a déjà, peut être, félicité, quelle est défectueuse! Vous êtes en bon chemin, voilà tout. Or, non-seulement cela convient, mais il est indispensable de savoir sa langue et ne doit-on pas l'apprendre pour la savoir? Etudions - la donc, mes chers amis, notre langue. Vous permettrez que je me mêle avec vous; nous en serons tous plus à l'aise.

Quelle que soit notre position, sachons trouver des momens pour faire un cours dans une de nos premières grammaires. Domergue, Boinvilliers ? Lemare, Girault-Duvivier, et quelques autres nous offrent leurs bonnes leçons : et un conseil à suivre, c'est de joindre Dumarsais à celui d'entre eux que nous aurons choisi. A la rigueur, il n'existe point d'ouvrage où nous puissions apprendre complétement notre langue :

il y a toujours à désirer; tous ont leur petit côté faible, sans compter l'esprit de système qui est malheureusement, veut-on souffrir ce mat, le péché mignon de nos maîtres. Ils ont encore une terrible manie, la plupart de nos maîtres, celle de changer les dénominations. Que ne peuvent-ils voir que par-là ils nous enlèvent un tems précieux, et bien souvent pour nous embrouiller et nous fatiguer. Mais chez nos habiles grammairiens, la masse des principes étant sûre et uniforme, ne nous inquiétons pas de quelques différences; allons notre train d'ailleurs, nous nous appuierions toujours de celui qui nous guide; pour nous il fait autorité. Il suffit que nous ne puisions pas tous à la même source, pour qu'il s'élève de tems en tems parmi nous des discussions; il n'y a pas grand mal à cela. Seulement il est de la prudence d'être réservé dans les paris, sur-tout si le juge est habile.

Dans nos études, il faut marcher pied à pied : ne passons à la seconde règle qu'après avoir bien saisi la première, et ce que nous acquérons, habituons-nous à le mettre d'abord en pratique; c'est le vrai moyen d'arriver tout pourvu. Peut-être avonsnous oublié l'énoncé de la règle; mais nous n'y manquons pas, c'est l'essentiel. Il y a dans la grammaire des choses plus ou moins difficiles, plus ou moins importantes; nous convenons tous que notre application doit être relative. Le cours fini, il sera utile de revenir quelquefois aux points principaux ; et attachons-nous à bien connaître le plan de l'ouvrage, afin que nous y trouvions toujours à éclaircir nos doutes sans peine et promptement. N'y a-t-il pas une table? D'accord; mais si nous n'avons pas re

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