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latifau Dictionnaire des arts et manufactures, je laisse à M. Grouvelle le soin de répondre, s'il le juge convenable. Quant au système établi à Mazas, que j'ai dit être une expérience importante, je renverrai à l'article publié sur cette prison dans le tome XLIX des Annales d'hygiène.

Comme M. Boudin, j'attache un grand prix à l'opinion des médecins des hôpitaux ; il y a cependant dans le rapport de M. Robert quelque chose qui me frappe. D'après lui, les épidémies de pourriture d'hôpital et d'inflammations couenneuses ont disparu des salles ventilées par M. Duvoir, et se maintiennent encore avec intensité dans les autres. Je ne crois pas que les épidémies de pourriture d'hôpital soient bien fréquentes à l'Hôtel-Dieu, à la Charité, à la Pitié, etc., etc., qui, cependant, n'ont encore aucun système de ventilation. Puisqu'il s'agit de l'opinion des médecins, que l'on consulte ceux de La Riboisière, et en particulier M. Becquerel qui y est resté un an, et l'on verra quelle est leur opinion sur la valeur relative des deux systèmes de ventilation qui y sont établis.

M. Boudin me reproche d'attribuer au système de M. Duvoir les ouvertures placées à la partie supérieure des canaux d'évacuation. Je n'ai fait que décrire ce qui existe à La Riboisière; je renvoie d'ailleurs le lecteur au mémoire de M. Boudin lui-même (voir Annales d'hygiène, t. XLVII, p. 252. 255, 266, 268, la planche qui accompagne ce mémoire et sa légende explicative) on y trouvera la preuve que les orifices supérieurs appartiennent bien au système en question.

M. Boudin fait observer que deux voix seulement se sont élevées contre le système Duvoir : ce sont deux voix de pharmaciens ; c'est un titre dout je crois pouvoir m'honorer. Mes expériences, dit-il, sont bénévoles et officieuses! Cela ne les empêche pas d'être exactes, je pense.

M. Boudin a constaté qu'à Necker, dans une salle ventilée par M. Duvoir, une femme atteinte d'ulcère cancéreux répandait une odenr infecte, malgré une ventilation de 104 mètres cubes. La salle des nourrices du même hôpital laissait encore beaucoup à désirer, et cela en présence de l'extraction la mieux dirigée de l'air vicié. A cela, je puis ajouter qu'à La Riboisière, la salle Sainte-Anne, dépendante du système Duvoir, est dans le même cas. La quantité d'air neuf à introduire n'est donc pas moins importante à considérer que la qualité.

M. Boudin émet des doutes sur les chiffres de ventilation que j'indique, et il leur oppose les résultats obtenus par un colonel du génie, qui, le 25 août, aurait fait des expériences à La Riboisière alors qu'on ne l'y attendait pas. M. Boudin n'est pas très bien renseigné. Les expériences ont été faites, le 1er septembre, par M. Livet, commandant du génie à Vincennes. Dans la lettre que cet honorable officier m'a fait l'honneur de m'écrire à cette occasion, il dit expressément que M. Duvoir était seul prévenu de sa visite. D'ailleurs, ainsi que

le remarque M. Livet, les résultats obtenus par lui sont identiques aux miens; car n'ayant mesuré que l'air qui arrive par les poêles de la salle Saint-Louis, la plus mal partagée sous ce rapport, comme on peut le voir dans mon mémoire, il a trouvé le chiffre 46,39, j'avais eu 47.44. Si, comme moi, M. Livet eût tenu compte de l'air qui entre par le caniveau situé dans l'axe de la salle, lequel m'a donné 56,90, le total eût été différent. M Livet regarde lui-même cette expérience comme très incomplète, puisqu'il a prévenu MM. Duvoir, Thomas et Laurens, qu'il doit, mardi prochain, 7 octobre, procéder à des expériences dans les deux pavillons du milieu.

M. Livet a obtenu pour l'air entrant par les poêles de Sainte-Jeanne 59mc,9. Les circonstances dans lesquelles il s'est trouvé placé expliquent en partie ce résultat. Il était attendu, et rien n'a été négligé pour forcer la ventilation. Mais M. Livet n'a pas vérifié par lui-même si les registres, placés à la partie supérieure des canaux d'évacuation des salles du premier et du deuxième étage, étaient bien ouverts. Si par hasard ils s'étaient trouvés en partie fermés, la ventilation de la salle Sainte-Jeanne en eût été augmentée. Dans le cours de leurs expériences, MM. F. Leblanc, Combes et Péligot ont vérifié euxmêmes l'état des registres, et le volume d'air entrant par les poêles n'a jamais dépassé 40 ou 45 mètres cubes.

Je n'irai pas plus loin dans mes observations sur la critique que M. Boudin a faite de mon mémoire. Mes expériences n'ont point été démenties, et je maintiens les conclusions que je me suis cru en droit d'en tirer.

Agréez, etc.

BIBLIOGRAPHIE.

GRASSI.

Du suicide et de la folie suicide, considérés dans leurs rapports avec la statistique, la médecine et la philosophie, par A. Brierre de Boismont. Paris, 1856, 1 vol. in-8 de 663 pages. Chez Germer Baillière.

Nous venons un peu tard parler d'un livre dont le succès est fait déjà; mais les lecteurs des Annales d'hygiène et de médecine légale, qui ont eu les prémices de cette belle et consciencieuse étude du suicide, ont moins que d'autres besoin d'être avertis de la forme nouvelle que lui a donnée notre savant collaborateur, et d'être édifiés sur des mérites que leurs suffrages ont dès longtemps consacrés. C'est un devoir pour nous cependant de faire connaître avec quelque détail le nouvel ouvrage de M. Brierre de Boismont.

Il n'est pas inopportun de faire remarquer, à une époque où cette question du suicide est l'objet de recherches et de publications mul

tipliées, que le livre dont nous parlons, plus complet qu'aucun de ceux qui ont paru jusqu'ici, et très probablement que ceux qui le suivront, est le premier dans lequel ce sujet difficile et complexe ait été envisagé sous toutes les faces, et éclairé, à tous les points de vue, de toutes les lumières que peuvent fournir la philosophie, la médecine et la statistique. Le livre de M. Brierre de Boismont pourra être refait, mais ce sera toujours avec ses propres matériaux et en en changeant seulement l'esprit, c'est-à-dire en y ajoutant une couleur systématique qu'a heureusement et volontairement repoussée l'auteur. M. de Boismont a, en effet, le droit de dire que, dans ce nouvel ouvrage comme dans son remarquable Traité des hallucinations, il a rejeté tout systéme absolu, et a voulu s'attacher à un juste milieu. Ce qui distingue ces deux études, c'est une tendance pratique et une ardente poursuite de la vérité, cherchée exclusivement dans l'observation des faits.

Si l'on a pu craindre que les médecins, spécialement voués à l'étude des maladies mentales, ne voient exclusivement dans le suicide qu'une forme de la folie; si l'on a pu penser qu'ils n'envisagent le meurtre de soi-même que comme un acte insensé dépourvu de toute liberté morale, à coup sûr M. de Boismont n'a pas mérité ce reproche. De même qu'il avait judicieusement distingué les hallucinations symptomatiques de l'aliénation de celles qui sont compatibles avec l'intégrité, et même avec la plus haute expression de l'intelligence humaine, de même il a su montrer qu'il y avait deux formes très distinctes du suicide : l'une dans laquelle l'homme conserve la liberté et la volonté, l'autre dans laquelle il n'est plus maitre de soi, et n'obéit qu'à des impulsions maladives. Moraliste et médecin tout ensemble, il a fait deux parts dans son œuvre, qui reste à la fois, et dans l'esprit et dans la forme, philosophique et médicale. Mais s'il était nécessaire de fournir des preuves de la compétence du médecin dans l'étude du suicide, on n'en trouverait nulle part de plus solides que dans ces pages où la connaissance de l'homme et l'habitude de l'observation psychologique et physiologique éclairent les faits nombreux qu'a rassemblés l'auteur.

Les laborieuses recherches de M. Brierre de Boismont, il est bon de le redire, ont pour base 4595 procès-verbaux, et ne comprennent pas moins de 237 notes, lettres, écrits, pièces de vers laissés par ceux que l'ennui, le dégoût, le désespoir, le scepticisme, l'indifférence, les croyances matérialistes ont poussés au suicide La statistique tient une grande place dans ce livre, et, à notre avis, une place bien légitime. Sans vouloir demander aux chiffres des lumières qu'ils ne peuvent donner sur ces grands problèmes de l'âme humaine ou des conditions des sociétés modernes, il est un très grand nombre de questions sur lesquelles la statistique peut seule fournir des données certaines. Nous aurons l'occasion, en entrant dans les détails, de montrer l'usage et l'abus que l'on peut faire de ces procédés dans l'étude du suicide.

Nous ne croyons pas utile de donner une analyse minutieuse des recherches de M. Brierre de Boismont que les lecteurs des Annales connaissent, et n'ont pu avoir oubliées; mais il est indispensable de donner ici un aperçu de la forme qu'a prise le livre, des divisions qui y ont été introduites, et du lien qui en réunit entre elles chaque partie. Nous nous arrêterons sur quelques points qui méritent plus particulièrement d'être signalés, ou qui nous paraissent pouvoir donner lieu à quelques remarques critiques.

L'ouvrage commence par une introduction historique sur le suicide dans l'antiquité, au moyen âge et dans les temps modernes, introduction brillante dans laquelle sont tour à tour passées en revue les doctrines philosophiques et religieuses de ces différentes époques, et leur influence sur la progression du suicide.

Le second chapitre comprend l'étude des causes que l'auteur divise en prédisposantes localité, influences climatériques et météorologi ques, sexe, âge, état civil, état de fortune, moralité, instruction, professions, etc. et déterminantes. Ce second ordre de causes est divisé en dix groupes : 1o ivrognerie, pauvreté, misère, revers de fortune, inconduite, paresse, manque d'ouvrage; 2o folie, délire, hypochondrie, dégoût de la vie ; 3° chagrins; 4o maladies; 5o amour, jalousie; 6° remords, crainte du déshonneur; 7° jeu : 8° orgueil : 9. motifs divers; 40° motifs inconnus. On comprend le rôle que doit jouer la statistique dans cette classification des causes de suicide; mais il est impossible de ne pas être frappé des difficultés sans nombre qui peuvent se présenter dans l'appréciation des motifs présumés de suicide. Il faudrait se garder d'attacher une importance absolue à des circonstances qui sont souvent complexes, et aux iofluences multiples qui peuvent concourir à la détermination du suicide. C'est là un écueil que n'ont pas toujours évité les statistiques du genre de celle dont nous parlons ici.

Le chapitre le plus nouveau, et l'un des plus saisissants, à coup sûr, de ce remarquable ouvage, est celui dans lequel M. de Boismont a donné l'analyse des derniers sentiments exprimés par les suicidés dans leurs écrits. Il faut lire ces tristes pages dans lesquelles se peignent les pensées de l'homme qui va mourir de sa propre main: pensées quelquefois bonnes, quelquefois perverses, dans leur sincérité mais où respirent le plus souvent l'orgueil et le mensonge.

Dans le quatrième chapitre, l'auteur étudie avec une sorte de prédilection et avec une grande hauteur de vues l'influence de la civilisation sur le développement du suicide. On trouve dans cette étude un curieux pendant des recherches de M. de Boismont sur la part qu'il convient d'attribuer à la même cause dans la production de la folie; et, pour l'une comme pour l'autre, la conclusion est la même. « L'observation de tous les temps démontre que c'est aux époques de civilisation avancée ou plutôt de décadence que la sensibilité atteint

son plus haut degré d'exaltation; les sentiments et les passions l'emportent alors sur le raisonnement, et la souffrance parvient à son apogée aussi ne doit-on pas être étonné que les maladies morales se montrent de préférence dans ces périodes. »

Les conditions mêmes du suicide, leur constatation, les moyens employés, la distribution des cas de mort volontaire par jour, par mois et par saison, forment le cinquième chapitre; et, pour toutes ces questions secondaires, il est évident que la statistique donne, à elle seule, une solution positive et vraie. On trouvera dans le traité que nous analysons une masse considérable des renseignements les plus intéressants sur tous ces points.

Le chapitre sixième a pour titre : Physiologie et symptomatologie du suicide. Je ne puis m'empêcher d'exprimer ici quelques doutes sur l'opportunité, sur la légitimité, si je puis ainsi dire, de ce point de vue. Je ne trouve pas suffisamment justifiée cette prétendue physiologie du suicide, qui ne répond pas, ce me semble, à une idée nette du sujet. Et si l'on rapproche ce chapitre de celui qui le suit, et qui traite de la nature du suicide, on ne peut échapper à une certaine confusion, ou du moins à une apparente contradiction, que je me permets de signaler à mon honorable collaborateur, parce que je suis convaincu qu'elle n'est nullement dans sa pensée. Il s'est trop souvenu, à mon avis, dans cette partie de son œuvre, des procédés et des habitudes du pathologiste. Et, en abusant de la méthode médi cale, il laisserait prédominer dans l'étude du suicide l'élément maladie, et s'interdirait le droit d'admettre une espèce de suicide distinct de la folie suicide. Sous la réserve de ces observations faites au nom des principes, je ne veux pas méconnaître l'intérêt réel et pratique des faits rassemblés dans cette partie qui constitue une histoire très complète et très bien tracée du suicide chez les aliénés.

Le huitième chapitre, inséré déjà, presque en entier, il y a huit ans, dans les Annales, comprend la médecine légale du suicide, c'està-dire l'examen des différentes questions médico-légales que peuvent susciter les cas de mort violente volontaire. Il serait hors de propos de nous étendre ici sur cette partie déjà connue, qui conserve pourtant une incontestable originalité. Je veux seulement saisir l'occasion qui m'est offerte de m'expliquer sur un fait très important, et que M. de Boismont a rappelé sans lui donner sa véritable signification. Je veux parler d'un prétendu signe de pendaison pendant la vie que M. Devergie a invoqué après l'auteur du Traité du suicide dans l'affaire Duroulle, et qui consisterait dans l'évacuation d'une certaine quantité d'urine et de matières fécales au moment de la mort. M. de Boismont, à son tour, croit pouvoir se prévaloir de l'autorité de M. Devergie pour attribuer au fait qu'il a observé le premier la valeur d'un signe de mort par pendaison. Il y a là une confusion et une erreur que je ne peux m'empêcher de relever, car les conséquences en pourraient être funestes. D'une part, ce n'est pas chez les pendus

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