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DE LA FOLIE AFFECTIVE.

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nécessairement, pour le reste de ses jours, l'accusé reconnu atteint d'une lésion plus ou moins grave des facultés intellectuelles ou affectives, ou qui à été poussé à un acte répréhensible par un instinct bestial, les jurés et les tribunaux auront la certitude d'une séquestration à vie qui empêchera l'accusé de nuire, et ils n'hésiteront pas à admettre l'existence de la lésion psychique.

Comme les docteurs Brierre de Boismont et Cazauvieilh, nous avons la conviction que l'idée d'un pareil séjour à perpétuité serait plus capable d'arrêter un véritable criminel que la perspective de l'échafaud, qui n'est, selon leur expression, qu'un mauvais quart d'heure pour les vrais scélérats, et un glorieux martyre pour le fanatique religieux ou politique.

L'individu envoyé dans un de ces établissements spéciaux, y séjournera toute sa vie : néanmoins, après un minimum fixé par la loi, il pourra être élargi, si, après des mesures préalables d'investigation, un jury composé d'hommes spéciaux a constaté sa guérison.

La nature de notre demande n'a pas pour but de rien changer à la loi de juin 1838, ni à l'application de l'art. 64 du Code pénal. Ceux à qui sera fait application de cet article, seront enfermés pour le reste de leurs jours.

Nous exprimons le vœu que tout individu atteint d'une infirmité affective ou intellectuelle, congénitale ou acquise, soit soumis à l'interdiction ou à un conseil judiciaire, selon le degré de la lésion psychique (art. 489 et suivants, 499, 513, 514, 515 du Code civil. Il est même à désirer que cet individu soit soumis à une surveillance plus directe que ne le prescrivent les articles cités; enfin qu'il soit enfermé dans une maison spéciale où son éducation sera reprise sous les trois aspects: moral, intellectuel et professionnel.

Conclusion.

Il est des lésions des sentiments affectifs qui constituent

pour

le sujet «< une force à laquelle il n'a pu résister. » (Code pénal.)

Cette force l'entraîne à des actes nuisibles à autrui ou à luimême. Elle opprime ou dévie de leur voie normale le sentiment humanitaire ou sympathie générale, la sympathie particulière amitié, amour, sentiment de famille, la philautie, enfin le sentiment envers Dieu.

Cette lésion a ses degrés d'intensité, depuis la plus légère aversion latente jusqu'aux actes empreints des marques de la plus grande atrocité.

Sa marche est chronique, aiguë et instantanée.

Elle est simple, composée ou compliquée.

Le diagnostic de la folie affective, comme de la folie intellectuelle, est conçu par l'expérience, par la fréquentation des aliénés, par de nombreuses études dans les livres et dans le monde : il est difficile de comprendre tous les degrés et toutes les natures de folie par la théorie.

Pour prévenir la folie affective, il faut exercer chez les enfants les facultés de cet ordre, celles de l'intelligence et celles du corps, afin que l'équilibre soit maintenu, que l'intelligence ne se laisse pas dominer, et que les organes fournissent des instruments capables d'aider la confection de sentiments et d'actes irréprochables.

Les individus dépourvus de forces affectives ou intellectuelles suffisantes seront tenus en minorité, confiés à des surveillants directs et même enfermés dans une maison d'éducation, quel que soit leur âge.

Ceux qui, ayant échappé à ces mesures prophylactiques, auraient fait des contrats entachés de caractères de lésion affective ou intellectuelle, les verront annulés par les tribunaux selon les lois existantes, et l'auteur sera placé dans une des catégories exprimées à l'alinéa précédent.

Les auteurs d'actes répréhensibles seront envoyés dans des asiles spéciaux.

Chauffage et ventilation des hópitaux; examen de quelques propositions renfermées dans la thèse de M. Grassi, par M. BOUDIN.

Lorsque, malgré l'avis formel de plusieurs commissions qui s'étaient prononcées pour l'application à l'hôpital La Riboisière du système de M. Léon Duvoir, le ministre de l'intérieur, sur la proposition de M. le général Morin, membre de l'Institut, résolut de faire en même temps, à titre d'essai, l'application du système de MM. Thomas, Laurens et Grouvelle, nous pensâmes que ce projet mixte, bien que péchant peut-être par un excès de générosité au point de vue administratif, offrirait par compensation, à la science, l'avantage d'une comparaison facile et sur place des deux systèmes rivaux. En effet, si les appareils Léon Duvoir, qui, depuis un grand nombre d'années, fonctionnaient à Paris dans les principaux édifices publics, étaient d'une étude et d'un contrôle scientifique faciles, il n'en était point ainsi du système dit par pulsion, qui n'avait reçu jusque là aucune application dans les grands édifices publics de la capitale.

Les auteurs des deux systèmes reçurent le même jour l'ordre de commencer les travaux, et, dès ce même jour, se révéla une différence pratique et administrative qui mérite d'être signalée. En effet, les travaux de M. Duvoir étaient terminés dès la fin de 1852, et l'administration de l'assistance publique put, dès le 19 janvier 1853, utiliser les trois pavillons de l'hôpital chauffés et ventilés par ce constructeur; le système de MM. Thomas, Laurens et Grouvelle, au contraire, ne put fonctionner que le 1er octobre 1854, et dans un seul pavillon; il ne fut terminé pour le second pavillon que le 25 décembre suivant; le troisième pavillon ne put être utilisé que le 10 janvier 1855, c'est-à-dire deux ans après que le système Duvoir se trouvait en plein fonctionnement dans les trois pavillons consacrés aux femmes. Quoi qu'il en soit, les deux systèmes, une fois livrés à l'administration, ont été l'objet d'une étude sérieuse, d'abord officiellement de la part d'une commission choisie parmi les savants les plus compétents dans la matière ; plus tard, officieusement par M. Grassi, alors pharmacien en chef de l'hôpital La Riboisière, qui a consigné le résultat de ses recherches dans une thèse inaugurale pour le doctorat en médecine, thèse insérée partiellement dans le dernier numéro des Annales d'hygiène.

Nous n'avons rien à dire sur le rapport officiel de la commission scientifique, qui a rendu justice au fonctionnement des appareils de M. Léon Duvoir; mais il est impossible de laisser passer sans observation quelques propositions contenues dans la thèse de M. Grassi, propositions d'une exactitude contestable.

2° SÉRIE, 1856.

-

TOME VI. 2o PARTIE.

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4° Et d'abord, nous lisons page 24 que les deux systèmes a rivaux fonctionnent SIMULTANÉMENT depuis le mois de mars 1854. » Cette proposition, si elle était exacte, pourrait faire croire que les deux systèmes ont pu être exécutés et livrés à l'administration dans les mêmes délais. Or, ainsi que nous l'avons établi plus haut, le système Duvoir était en plein fonctionnement dans les trois pavillons dès le 19 janvier 1853, tandis que les trois autres pavillons n'ont pu être complétement utilisés que deux ans plus tard.

2° A la page 28, la thèse oppose à l'invention de M. L. Duvoir l'autorité très contestable du Dictionnaire des arts et manufactures. En effet, n'est-ce pas ce même dictionnaire qui attribue à M. Grouvelle le mérite des appareils qui fonctionnent à l'Institut, alors que ces appareils sont, tout le monde le sait, ceux de M. Léon Duvoir? N'est-ce pas dans ce même ouvrage que nous lisons: «< La » bibliothèque de l'Institut est la seule qui soit chauffée avec une > sécurité absolue; espérons que cet exemple sera bientôt adopté dans » les autres bibliothèques... Tous les inconvénients du système Du>> voir disparaissent avec notre système (système Grouvelle) de » poêles à eau chauffée avec la vapeur. » Ainsi, le Dictionnaire, dont M. Grassi invoque l'autorité, exalte, en 1853, les qualités du système Grouvelle aux dépens du système Duvoir, alors qu'il est de notoriété publique que les appareils à eau chauffée par la vapeur ont dû être remplacés, précisément par les appareils Léon Duvoir.

3o Nous lisons à la page 32 de la thèse : « Pour ne pas préférer » le système Duvoir, il fallait qu'il se présentât quelque chose de >> plus satisfaisant encore.... La préférence fut accordée au procédé » de la prison Mazas. »

-Examinons donc, puisqu'il le faut, le système de la prison Mazas. Le 22 novembre 1853, la commission départementale de la Seine ayant à délibérer sur une demande de crédit supplémentaire concernant le système en question, le rapporteur s'exprimait ainsi : « Le >> comité doit appeler l'attention de M. le préfet sur l'état actuel du >> chauffage de la prison Mazas, que nous considérons comme essen» tiellement mauvais. La dépense annuelle, qui devait à peine attein» dre 47,000 fr., dépasse 40,000 fr.; d'autre part, les généra» teurs sont littéralement éventrés; les tuyaux laissent filtrer l'eau, >> en sorte qu'il faut les réparer continuellement en interrompant le » chauffage. Pendant le dernier hiver, des cellules n'ont pas été » chauffées pendant les mois de janvier et de février, et, par suite de » nouvelles fuites, elles n'ont pu l'étre, cette année, qu'à dater du » 12 novembre. L'entrepreneur veut faire élever à 3,000 fr. la dé>> pense annuelle d'entretien qui ne devait être que de 2,000 fr. » d'après le marché passé.... Il n'est douteux pour personne que, » dans un délai prochain, de nouveaux sacrifices seront nécessaires. » Dans un autre procès-verbal de la délibération du 22 novembre 1853 de la commission départementale, nous voyons, toujours à

propos du système de chauffage de la prison Mazas, le préfet de la Seine s'exprimer ainsi : « De là sont venus tous ces excédants de » dépenses que vous déplorez, et qui doivent apprendre aux admi>>nistrations publiques à ne pas faire d'expériences de physique sur >> une échelle si large. Voilà ce que pense l'administration d'un système dont la thèse croit pouvoir faire l'éloge.

D

4 On lit à la page 33 : « L'air, après avoir servi à la respiration, » monte à la partie supérieure de la salle, d'où il devrait sortir par » l'orifice supérieur des canaux d'évacuation.

D

M. Grassi, en exprimant son regret sur la constante expulsion de l'air vicié par l'orifice inférieur des canaux d'évacuation, convertit en défaut un des éléments du système Duvoir, qui, à ventilation égale, lui assure au contraire une incontestable supériorité. Avant de démontrer cette proposition, nous croyons devoir rappeler que les orifices supérieurs des canaux d'évacuation ont été établis contre le gré de M Duvoir, sur la demande expresse des commissious scientifiques, et en dépit de toutes ses représentations. Qu'est-il arrivé? ainsi que l'avait prévu M. Duvoir, ces orifices supérieurs ont dû être condamnés, sous peine de provoquer à plaisir la viciation de l'air des salles, par le mouvement ascensionnel forcé de tous les miasmes qui se dégagent non-seulement des malades, mais encore des vases de nuit, places soit sur le sol même, soit à une faible élévation audessus du sol, miasmes qui, dans l'aspiration par les orifices inférieurs, se trouvent, au contraire, entraînés aussitôt que produits, sans avoir eu le temps de vicier l'atmosphère, et sans avoir pu s'élever jusqu'au nez et à la bouche des personnes. La ventilation par en bas, ou mieux l'extraction (1) de l'air vicié par les orifices inférieurs, n'avait jamais été employée avant M. Léon Duvoir, à qui en revient tout le mérite. Elle trace à l'air vicié des salles la route la plus courte du foyer miasmatique à la cheminée de sortie, en même temps qu'elle favorise la sortie de l'air le plus froid, circonstance précieuse en hiver; et nous félicitons MM. Thomas, Laurens et Grouvelle d'avoir utilisé pour leur système les bouches d'extraction au niveau du sol, qui avaient été pratiquées dans leurs pavillons en prévision de l'application du seul système Duvoir a l'ensemble de l'hôpital La Riboisière. S'il est une chose à regretter, c'est peut-être que les concurrents de M. Duvoir, après avoir bénéfi

(1) Nous avons souvent insisté sur tout ce qu'il y a de vague dans le mot ventilation, qui fait naître involontairement l'idée d'une simple agitation de l'air, et que l'on emploie d'ailleurs, tantôt comme synonyme de sortie de l'air vicié, tantôt comme synonyme d'introduction d'air neuf, tantôt pour désigner l'ensemble des deux opérations. Nous croyons que l'on fera bien désormais, pour mettre un peu de netteté dans la discussion, de bannir autant que possible le mot ventilation, et de recourir, selon les cas, aux mots extraction, expulsion, introduction de l'air.

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