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née; trop faible, elle permet à l'air d'enlever trop d'humidité à nos organes, et produit des maux de têté. Nous avons admis que l'air à 15 degrés devait contenir en moyenne 6 ou 7 grammes d'eau par mètre cube; mais, dans les salles des malades où existent beaucoup de causes d'évaporation, cette quantité n'est pas indispensable.

Pour déterminer la vapeur d'eau contenue dans l'air qui arrive dans les salles, je me suis servi d'un appareil composé de trois tubes en U, pleins de ponce sulfurique, communiquant, d'une part, avec un tube de plomb engagé dans l'un des orifices d'un poêle, et, de l'autre, avec l'aspirateur de l'expérience précédente, muni de son tube à ponce sulfurique, destiné à arrêter l'humidité qui pourrait s'en échapper.

L'expérience suivante a été faite, le 24 décembre 1855, par une température extérieure de 6°; la température moyenne de la salle était de 17 degrés, et celle de l'air venant du poêle de 40 degrés. A la fin de l'expérience, on a noté la température de l'air entré dans le réservoir, sa force élastique et la pression atmosphérique ; le yolume d'air écoulé était de 20,350, le poids de l'eau retenue par les trois tubes était de 0,110, ce qui correspond à 5,45 par mètre cube. Cet air était donc dans de bonnes conditions d'humidité.

MM. Thomas et Laurens ont adapté au ventilateur une disposition qui permet d'y injecter un filet d'eau ou un courant de yapeur; j'ai voulu voir ce que l'on pouvait obtenir avec ce dernier moyen.

Immédiatement après l'expérience précédente, j'ai fait arriver un courant de vapeur dans le ventilateur, et pendant ce temps j'ai remonté l'appareil précédent. Après 30 minutes d'injection de vapeur, j'ai commencé l'expérience.

Le volume d'air entré dans le réservoir a été 19,250, et le poids de l'eau fixée par les tubes à ponce sulfurique était 0,436, ce qui correspond à 65,87 par mètre cube. Sous l'influence du jet de vapeur, l'augmentation du poids de l'eau contenue dans l'air a donc été de 15,42 par mètre cube, c'est-à-dire les 0,26 du poids primitif.

Cette disposition peut donc être réellement utile.

Le jet de vapeur aurait pu être beaucoup plus fort qu'il n'était. Objections diverses faites à ce système. On a prétendu que le bruit des machines en mouvement et celui des cloches, transmis par le tuyau porte-vent, se transmettraient avec intensité dans les salles et affecteraient péniblement les malades.

Pour juger de la valeur de cette objection, faite à priori, on n'a qu'à se rendre dans la salle Saint-Augustin, la mieux placée pour présenter cet inconvénient. Dans le jour, le bruit de la machine est

entièrement couvert par les bruits divers qui se font dans la salle. Dant la nuit, on entend près des poêles un murmure léger, qui n'est certainement pas plus désagréable que celui que fait le vent qui pénètre quelquefois par les portes mal jointes des appartements. J'ai bien souvent interrogé à ce sujet plusieurs malades, blessés ou opérés, qui se trouvaient dans cette salle; ils ont été unanimes pour me dire que ce léger murmure ne leur avait jamais été incommode ou désagréable.

Je trouve dans le rapport des architectes, nommés par M. le préfet de la Seine pour examiner le projet de chauffage et de ventilation mécanique, l'objection suivante, dont ils paraissent faire grand

cas:

La ventilation par compression produit un refoulement dans la masse d'air des salles; elle chasse indifféremment devant elle, vers les orifices de sortie ou ailleurs, l'air pur et l'air vicié qui se trouve sur son passage; elle rejette et mêle les miasmes qu'exhale un malade; est-ce donc là de la ventilation pour une salle d'hôpital ? Cǝtté ventilation ne pourrait-elle pas offrir un véhicule à la contagion," et la véritable condition à remplir ne semble-t-elle pas au contraire devoir consister à détruire les diverses causes d'insalubrité, en recueillant et évacuant les miasmes près de leur foyer de production, et avant leur mélange avec la masse en circulation?

Je pourrais répondre à MM. les architectes: Vous signalez là de graves inconvénients; mais qu'en savez-vous? Avez-vous vérifié les faits par des expériences directes? Non, sans doute.

Mais je vais plus loin, et je dis que toute cette fantasmagorie tombe d'elle-même devant le raisonnement; examinons.

En vertu de sa moindre densité, qui tient à sa température et de sa vitesse acquise, qu'il doit au ventilateur, l'air chaud qui entre par les poêles monte directement à la partie supérieure de la salle; on peut suivre ce mouvement avec l'anémomètre. Dans le système de M. Duvoir, le même effet se produit, mais avec moins d'intensité, parce qu'il se produit sous la seule influence de la différence de température. Il ne faut donc pas dire d'abord que, dans le système par insufflation, l'air qui pénètre dans la salle chasse indifféremment devant lui, vers les orifices de sortie ou ailleurs, l'air pur et l'air vicié qui se trouvent sur son passage. Cet inconvénient ne se produit pas, et s'il se produisait dans l'un des systèmes, il se produirait dans l'autre. Cet air, arrivant près du plafond, s'y étale en nappe, qui bientôt descend, chassée qu'elle est par de nouvelles couches qui prennent successivement sa place. Dans son traj et de haut en bas elle arrive bientôt à la zone où se fait la respiration, descend encore, et s'échappe par les canaux d'évacuation. C'est exactement ce qui se passe dans le système de M. Duvoir; l'air y suit le même trajet; seulement dans celui-ci il est attiré de haut en bas par les orifices

de sortie, tandis que dans celui-là il est poussé par derrière et dans la même direction par les couches d'air qui viennent prendre sa place. Je ne vois pas en quoi cette ventilation rejette et mêle tous les miasmes, comment elle pourrait, plus que l'autre, fournir un véhicule à la contagion. Les orifices de sortie sont placés exactement de la même manière dans les deux systèmes, et, dans l'un pas plus que dans l'autre, les miasmes produits par un malade ne tendent à se porter sur son voisin.

Les expériences que je viens de rapporter me permettent de déduire les conclusions suivantes relativement au système de chauffage et de ventilation par pulsion :

1° Au moyen de quelques modifications légères et de peu d'importance que j'ai eu le soin d'indiquer, on peut n'envoyer dans les salles que de l'air puisé à la partie supérieure du clocher, à une grande hauteur dons l'atmosphère, et par conséquent parfaitement pur.

2. Une machine donnant 88 coups de piston par minute, et faisant marcher un seul ventilateur, pousse dans les salles du premier pavillon un volume d'air de 132 mètres cubes par heure et par malade.

Le pavillon no 2 est ventilé à raison de 126 mètres cubes aussi par heure et par malade.

Enfin le troisième pavillon, le moins favorisé, reçoit encore 88 mètres cubes.

Ou peut, comme je l'ai indiqué, régler facilement cette ventilation et la rendre uniforme dans toutes les salles, qui seront alors ventilées à raison de 415 mètres cubes par heure et par malade.

Notons surtout qu'il s'agit ici d'une ventilation effective se rapportant seulement à l'air que la machine pousse dans les salles, et y fait pénétrer dans de bonnes conditions.

3° Cette quantité d'air, déjà très grande, pourrait encore être augmentée en faisant marcher les deux machines et les deux ventilateurs, dans les circonstances malheureuses où une épidémie, par exemple, nécessiterait un plus grand renouvellement de l'air.

4o Les ouvertures d'entrée et la vitesse du courant sont telles, que dans la salle Saint-Augustin, qui reçoit 450 mètres cubes pour chacun de ses malades, on ne ressent pas le moindre courant d'air pouvant être incommode ou désagréable.

5o La sortie de l'air des salles se fait très régulièrement; à mon avis cependant, on ferait bien de remplacer les châssis qui sont aux orifices de sortie par d'autres qui n'en diminueraient pas la

section.

6° L'ouverture des portes et des fenêtres n'a pas, sur la sortie de l'air, l'influence qu'on lui attribuait à priori. Le courant d'air est un

peu diminué, il est vrai; mais jamais il ne change de sens pour rapporter dans les salles l'air vicié qui en était déjà sorti.

7° Les malades sont bien loin d'être exposés à vivre dans une atmosphère d'air comprimé.

8° L'analyse de l'air sortant des salles a prouvé que sous le rapport de l'acide carbonique, il se trouvait dans d'excellentes conditions de salubrité.

9° L'appareil ne dessèche pas l'air qu'il pousse dans les salles, et on peut en outre augmenter son degré d'humidité quand on le juge convenable, en injectant dans le ventilateur un courant d'eau ou de vapeur.

40° L'air qui entre dans les salles pendant l'été est plus frais que l'air extérieur.

44° Les cabinets d'aisances sont ventilés d'une manière parfaite, et ne laissent jamais pénétrer dans les salles la moindre mauvaise odeur.

12° Cette ventilation présente en outre une qualité précieuse pour l'administration: c'est de pouvoir être mesurée, à un moment quelconque, même par un employé subalterne. Il suffit, en effet, pour cela, de compter le nombre de coups de piston que la machine donne en une minute; il suffirait même d'adapter à la machine un compteur qui inscrirait le nombre de coups de piston dans un temps donné.

13° Le système de MM. Thomas et Laurens présente l'immense avantage de ventiler en été tout aussi énergiquement qu'en hiver. On peut, quand le temps le permet, ouvrir les croisées et laisser pénétrer le soleil ; la ventilation marche toujours, rien ne la trouble; chaque malade reçoit toujours de la machine 115 m. c. d'air par heure.

44° D'après les idées qu ont présidé à la construction des hôpitaux, on a été conduit à faire des salles très vastes, contenant un grand nombre de lits; je pourrais en citer qui en contiennent une centaine. Ces salles sont très belles; elles offrent quelquefois un aspect monumental; mais elles offrent, au point de vue médical, des inconvénients qui les font abandonner pour un système de salles plus petites, comme cela s'est fait à La Riboisière. Mais ces salles ainsi réduites coûtent encore fort cher, et il y aurait économie à les réduire jusqu'aux limites qui rendent impossible une bonne surveillance.

Avec le système de ventilation par insufflation, il n'est plus nécessaire d'avoir de vastes salles; la capacité cubique réservée à chaque malade n'a plus la même importance, on peut la réduire de beaucoup. On pourrait mettre les malades dans des boites, pour me servir de l'expression forcée, mais juste, de l'un des membres du jury du concours.

45° Enfin il est une chose qui ne peut pas se traduire par des chiffres, mais qui n'en est pas moins réelle : c'est un bien-être manifeste que l'on éprouve dans les salles en toute saison; cette impression m'a souvent été manifestée par des personnes, des sœurs, par 2 SÉRIE, 1856. TOME VI. 1T PARTIE

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exemple, qui ont été successivement attachées aux salles d'hommes et à celles des femmes, et qui n'avaient aucune idée de la différence des systèmes de ventilation employés à l'hôpital.

Je crois être dans le vrai en disant que MM. les médecins et chirurgiens attachés à l'hôpital La Riboisière sont unanimes pour reconnaître la parfaite ventilation des salles destinées aux hommes.

Dépenses.

Examinons maintenant l'importante question des dépenses occasionnées par les deux systèmes de chauffage et de ventilation de La Riboisière.

Les dépenses faites en 1855 et constatées aux sources officielles ont été, pour le système de M. Duvoir, de 48,152 fr. 70 c., et de 46,590 fr. 61 c. pour le système de MM. Thomas et Laurens.

Ces deux chiffres ne peuvent pas être comparés immédiatement, parce qu'ils se rapportent à des résultats très différents, comme on va le voir.

Système Duvoir. Les conditions du marché conclu avec M. Duvoir sont les suivantes : En hiver, pour le chauffage et la ventilation à raison de 60 m. c., 43 fr. 90 c.; pour chauffage de l'eau nécessaire aux malades, 2 fr. 60 c.; total, 46 fr. 50 c. par jour et par pavillon.

:

En été ventilation de nuit seulement, 6 fr. 70 c.; chauffage de l'eau, comme en hiver, 2 fr. 60 c.; total 9 fr. 30 c. par jour et par pavillon.

Toute l'année ventilation des cabinets, dépôts de linge sale, 2 fr. par jour et par pavillon, soit 6 fr. pour les trois pavillons. Entretien des appareils, 1200 fr. D'après ces bases, les dépenses de 1855 ont été les suivantes :

par an.

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Pour cette somme, M. Duvoir a chauffé et ventilé trois pavillons pendant l'hiver, ventilé la nuit seulement pendant l'été, ventilé toute

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