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NOTE

dans ce vin un mélange de cette drogue appelée litharge, très préjudiciable à la santé, capable de donner et provoquer des coliques très dangereuses; pourquoi lui, commissaire, a fait assigner pardevant nous à ce jourd'hui lesdits Nicolle et Dono dit l'Hermite, pour répondre à son rapport, suivant l'exploit de Gabriel de Doux, huissier à cheval et de police en cette cour, en date du sept des présents mois et an ; ouï, ledit commissaire en son rapport, lesdits Nicolle et Dono, dit l'Hermite, en leurs défenses, et les gens du roy en leurs conclusions; vu le certificat dudit sieur Boudin; nous ordonnons que les règlements de police seront exécutés, selon leur forme et teneur; et pour la contravention commise par ledit Nicolle, en mêlant de la litharge dans le vin par lui vendu audit Dennequin, nous l'avons condamné en trente livres d'amende envers le roi; lui faisons très expresses inhibitions et défenses, de récidiver sous plus grande peine; et à tous marchands de vin, vignerons et autres, vendant en gros et en détail, ou en laissant pour leurs provisions dans l'étendue de la ville, prévôté et vicomté de Paris, de mettre dans leurs vins de la litharge, bois des Indes, raisins de bois, colle de poisson, et autres drogues et mixtions capables de nuire à la santé de ceux qui en pourroient boire; le tout à peine de cinq cents livres d'amende et de punition corporelle. A l'égard dudit Dono, dit l'Her mite, après qu'il a soutenu et mis en fait que le vin qu'il a vendu audit Billeux n'est point de son crû, qu'il l'a pris dans le cellier d'un autre habitant du même lieu de Saint-Leu-Taverny; ordonnons qu'à sa diligence il sera tenu de le mettre en cause, et de le faire comparoir, à la huitaine, à notre audience du matin, sinon sera fait droit: et afin que personne n'en prétende cause d'ignorance, sera la présente sentence lue, publiée et affichée tant en cette ville, dans lesdites paroisses d'Argenteuil et Saint-Leu-Taverny, que dans les autres bourgs et villages de ladite ville, prévôté et vicomté où il y a vignobles, enjoint aux curés et vicaires de lire et publier aux prônes de leurs grandes messes, par trois différents jours, notre présente sentence, qui sera exécutée nonobstant et sans préjudice de l'appel. Ce fut fait et donné par messire Marc-René de Voyer de Paulmy d'Argenson, chevalier, conseiller du roy en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel et lieutenant-général de police de la ville, prévôté et vicomté de Paris, le vendredi vingt-septième septembre mil six cent quatre-vingt-dix-sept.

Signé DE VOYER D'ARGENSON.
CAILLET, greffier.

Sentence de police, 4 février 1704, qui impose une amende à des particuliers qui avaient falsifié leur vin pour en avoir le débit, publiée et affichée le 12 du même mois.

Sur le rapport, à nous fait en l'audience de la grande police, par

maître Anne le Maistre, commissaire, ancien du quartier SaintDenis; que, quoique par notre sentence du vingt-septième septembre mil six cent quatre-vingt-dix-sept, il soit fait très expresses inhibitions et défenses à tous marchands de vin, vignerons et autres personnes vendant vins en gros et en détail, ou qui en recueillent pour leurs provisions dans l'étendue de la ville, prévôté et vicomté de Paris, d'y mettre de la litharge, du bois des Indes, des raisins de bois et de la colle de poisson, ni d'autres drogues et mixtions capables de nuire à la santé de ceux qui en pourroient boire, le tout à peine de cinq cents livres d'amende et de punition corporelle; laquelle ordonnance a été lûë et publiée aux prônes des paroisses d'Argenteuil, de Saint-Leu-Taverny, et des autres bourgs et villages où il y a des vignobles; néanmoins, plusieurs particuliers, habitants des villages circonvoisins de cette ville, ne laissent pas d'y apporter du raisin de bois, dont l'usage, aussi bien que le mélange avec d'autres vins, est très préjudiciable à la santé, et peut causer des maladies dangereuses; c'est pourquoi le sieur de la Bernardière, premier exempt de la compagnie du sous-prévôt général de l'Ile-deFrance, commandant la brigade de Saint-Denis, ayant eu avis, le vingtième jour de janvier dernier, que Denis Porcher et sa femme, habitants de Saint-Leu-Taverny, faisoient conduire en cette ville quelques barils remplis de vin de raisin de bois, il se seroit transporté sur le grand chemin avec sa brigade, et auroit trouvé ledit Porcher et sa femme qui conduisoient deux chevaux chargés de paniers, dans lesquels il y avoit quatre barils remplis de vin de raisins de bois, ce qui l'auroit obligé d'arrêter ledit Porcher, de le constituer prisonnier dans les prisons du Châtelet, et de mettre en la garde d'un habitant de Saint-Denis lesdits quatre barils, et, d'autant qu'il est de la dernière importance d'empêcher l'usage de ces vins et le mélange des drogues qui pourroient nuire à la santé des citoyens; lui commissaire a cru qu'il était de son devoir de nous faire le présent rapport pour y être pourvu; sur quoi nous, après avoir ouï les gens du roi en leurs conclusions, et ledit Porcher en ses défenses, avons ordonné que les règlements de police et notre dite sentence du vingt-septième jour de septembre mil six cent quatre-vingtdix-sept seront exécutés selon leur forme et teneur ; et conformément à iceux, faisons très expresses et itératives défenses à tous marchands de vins en gros et en détail, ou qui en recueillent pour leur provision dans l'étendue de la prévôté et vicomté de Paris, de mettre dans leurs vins de la litharge, du bois des Indes, des raisins de bois, de la colle de poisson (1), ni aucunes drogues et mixtions ca

(1) On sait que depuis la colle de poisson a été reconnue comme ne pouvant être nuisible è la santé, et qu'elle est journellement employée au collage et à la clarification des vins.

pables de nuire à la santé de ceux qui en pourroient boire. Défendons pareillement à tous les habitants des villages circonvoisins, et à toutes sortes de personnes, d'apporter, ni faire apporter en cette ville, aucuns vins de raisins de bois, si ce n'est pour l'usage des épiciers ou teinturiers; et en conséquence d'ordres signés d'eux, dont les habitants, chartiers et voituriers, seront porteurs ; le tout à peine de cinq cents livres d'amende et de punition corporelle; et pour la contravention commise par ledit Denis Porcher, l'avons condamné en trente livres d'amende; ordonnons que lesdits quatre barils de vin de raisins sur lui saisis seront défoncés, et le vin, répandu sur le pavé en présence du sieur Bernardière; et, à la représentation, seront les gardiens contraints par corps, et, moyennant la délivrance, en demeureront bien et valablement déchargés; et sera notre présente sentence lue, publiée et affichée, tant en cette ville que dans les paroisses de Saint-Leu-Taverny, Saint-Brice, et autres bourgs et villages de la ville, prévôté et vicomté de Paris, où il y a des vignobles. Ce fut, fait et donné, par messire Marc-René de Voyez de Paulmy d'Argenson, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaire de son hôtel, et lieutenant général de police de la ville, prévôté et vicomté de Paris, le vendredi quatrième février mil sept cent un.

Signé DE VOYER D'ARGENSON.
CHAILLOU, greffier.

Eu contradiction avec ces sentences, on trouve un brevet du roi délivré en 1781, brevet qui a permis à des marchands. de Fismes de préparer des liqueurs pour colorer les vins. Voici le texte de ce brevet :

Brevet délivré par le roi à M. Manceau, prédécesseur de M. Paguet, l'un des fabricants de Fismes.

Aujourd'hui, cinq novembre mil sept cent quatre-vingt et un, le roi étant à Versailles, Sa Majesté s'étant fait rendre compte de l'avis donné par la Société royale de médecine, du trois juillet dernier, sur la liqueur composée par le sieur Manceau, lieutenant du premier chirurgien de Sa Majesté à Fismes, et ayant reconnu que cette liqueur, loin d'avoir rien de préjudiciable, ne pouvoit être qu'utile, Sa Majesté a autorisé et autorise la veuve du sieur Manceau à continuer la composition et le débit, et à tenir chez elle le laboratoire nécessaire à cet effet, faisant expresse inhibition et défense à tous officiers et autres de la troubler en aucune manière, et pour la sûreté de sa volonté, elle m'a commandé d'expédier le présent bre

vet qu'elle a signé de sa main, et fait contresigner en son conseil d'État et de ses commandements des finances.

Signé Louis, et plus bas, GRAVES DE VERGENNES.

L'examen du liquide vendu, en vertu de ce brevet, a fait voir qu'il était composé de baies d'hièble et de sureau et d'alun.

Nous ne savons pas ce qui s'est passé en Portugal par suite de la coloration des vins, mais il est arrivé à notre connaissance que, dans ce pays, les baies du Phytolacca decandra, plante qui possède des propriétés actives, avaient été employées pour colorer les vins blancs, mais que les vins colorés par ces baies devenaient purgatifs et dangereux pour la santé, et que dans ce pays il y a obligation de couper les plantes du phytolacca avant la floraison.

L'idée de colorer le vin avec les baies du phytolacca s'explique par la belle couleur que possèdent ces baies lors de leur maturité; aussi avons-nous eu toutes les peines du monde à empêcher un marchand de vin des environs de Paris d'en faire usage, et nous n'y sommes parvenu qu'en lui démontrant qu'une simple expérience faite avec la potasse ferait connaître la fraude, le vin coloré par le phytolacca devenant jaune par cet alcali, tandis que les vins colorés par le raisin ne donnent pas lieu à ce phénomène.

Ce que nous venons de dire est encore confirmé par la demande que nous faisait, en 1845, un des abonnés du Journal de chimie médicale: Si l'on peut, sans contrevenir à la législation, sans se rendre passible des peines de police ou autres, se servir de la matière colorante du phytolacca pour colorer des vins? On conçoit que notre réponse fut négative (1).

(1) Le phytolacca est origine de la Virginie, il a été introduit, en 1770, dans les environs de Bordeaux, par les moines de Carbonieux, pour y être employé à colorer les vins, mais on n'a pas, à notre connaissance, fait usage de cette matière colorante dans ce pays; c'est du moins ce qui résulte d'un grand nombre d'essais que nous avons faits.

A l'époque actuelle, les liquides que l'on emploie pour colorer les vins se fabriquent dans quelques villes de France, notamment à Poitiers et à Fismes; ces liquides sont annoncés comme propres à améliorer les vins, et ces derniers sont tellement améliorés, que lorsqu'ils tombent entre les mains des dégustateurs à Paris, et que l'addition de la matière colorante est constatée, les détenteurs de ces vins sont condamnés et les vins sont versés sur la voie publique.

Parmi ces vendeurs de matières colorantes, qui ne craignent pas d'exposer des négociants à être la victime de manipulations qu'ils ont conseillées, il en est qui se servent du nom des personnes recommandables pour se donner des approbations que certes ils ne méritent pas. Nous avons été nous-même, sans le savoir, l'approbateur d'un de ces marchands de matières colorantes. Voici le fait :

M. D..... nous présenta un prospectus d'un marchand qui s'est posé en propagateur des seules découvertes approuvées. Ce prospectus contenait l'annonce de liquides jouissant de propriétés merveilleuses pour l'amélioration des vins et eauxde-vie, l'amélioration des vins rouges et blancs; mais ce qui m'étonna le plus, ce fut de voir mon nom figurer dans ce prospectus. Voici ce qu'on y lisait :

On conçoit toute l'utilité que peut avoir l'application d'un pareil procédé, non-seulement pour le cas actuel, où elle peut procurer une grande économie, mais encore pour l'industrie en général. M*** fait dans ce moment des expériences en grand d'après son procédé. Nous ne pouvons qu'approuver son heureuse pensée.

Notre coopération à cette approbation, qui se trouvait indiquée dans un prospectus relatif à la vente de produits dont nous blåmions l'emploi, nous ayant frappé, nous nous adressâmes à l'auteur du prospectus. Voici le texte de la lettre qu'il nous répondit :

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