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decin et de pharmacien, des ordonnances mystérieuses, des formules de convention, des traitements à prix fixe et par le roulage d'affections incurables, l'assimilation de tous ces procédés éhontés aux manœuvres frauduleuses qui caractérisent le délit d'escroquerie (1), peut être considérée comme le moyen le plus sûr d'arrêter les progrès sans cesse croissants de cette lèpre du corps médical. La jurisprudence a suppléé au silence de la loi en appliquant la qualification et la pénalité d'un délit de droit commun à des faits contre lesquels les lois pénales de la médecine et de la pharmacie sont si manifestement insuffisantes.

(1) Nous croyons utile de reproduire ici le texte même de l'art. 405 du Code pénal en faisant remarquer que les seules conditions mises par la Cour suprême à l'application de cet article aux faits dont nous venons de parler, c'est que ceux-ci soient spécifiés de telle sorte qu'ils rentrent nettement dans l'énoncé de la loi. — ART. 405 du Code pénal. « Quicon» que, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en » employant des manoeuvres frauduleuses pour persuader l'existence de » fausses entreprises, d'un pouvoir et d'un 'crédit imaginaires, ou pour >> faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de » tout autre événement chimérique, se sera fait remettre ou délivrer des » fonds, des meubles ou des obligations, dispositions, billets, promesses, » quittances ou décharges, et aura, par un de ces moyens, escroqué ou >> tenté d'escroquer la totalité ou partie de la fortune d'autrui, sera puni » d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus, et >> d'une amende de 50 fr. au moins et de 3,000 fr. au plus.

>> Le coupable pourra être en outre, à compter du jour où il aura subi >> sa peine, interdit pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, des » droits mentionnés à l'art. 42 (droits civiques, civils ou de famille). »

ET CHRONOLOGIQUE

SUR L'INNOCUITE DU PHOSPHORE ROUGE INTRODUIT DANS L'ÉCONOMIE ANIMALE,

PAR A. CHEVALLIER

Il y a un danger immense de pouvoir se procurer dans le commerce, et de trouver entre les mains de tout le monde, un produit capable de donner la mort, produit dont l'action toxique commence à ètre connue des habitants des campagnes. (Mémoire de M. Caussé.)

Une note présentée à l'Académie des sciences dans la séance du 4 février 1856, par MM. Orfila et Rigout, note qui a pour titre De l'action que le phosphore rouge exerce sur l'économie animale et sur l'empoisonnement par le phosphore ordinaire ; note détachée d'un travail entrepris par ces chimistes, nous a mis dans la nécessité de faire connaître la chronologie des études faites sur le phosphore rouge, sur son innocuité, et d'établir tout ce qui a été fait jusqu'ici sur le même sujet.

Nous avions été conduit à nous occuper du phosphore rouge et à proposer sa substitution au phosphore pur par suite du renvoi qui nous avait été fait par l'Académie impériale de médecine, d'un travail de M. le docteur Severin CAUSSÉ, d'Alby (Tarn); travail qui avait pour titre Mémoire sur l'empoisonnement par les allumettes chimiques (1).

M. Caussé, frappé du danger que présente la pâte fixée sur les allumettes phosphoriques depuis que l'on a malheureusement reconnu la possibilité qu'il y avait d'empoisonner à l'aide de cette pâte, avait eu l'idée de faire entrer dans la pàte qui sert à confectionner les allumettes chimiques de l'émétique ce corps n'augmentait pas sensiblement le prix des allumettes, et l'action toxique de la pàte phosphorée : il pou(1) Annales d'hygiène, 1855, t. III, p. 124, 134.

vait, au contraire, faciliter le vomissement de l'aliment empoisonné par la préparation phosphorée, avertir la victime et peut-être la sauver, et, en cas de décès, devenir un témoin accusateur.

La lecture du travail de M. Caussé, d'Alby, ayant d'autant plus fixé mon attention, que je m'étais occupé de nombreux travaux sur les allumettes chimiques (1), je recherchai s'il n'y aurait pas quelque mode de faire à mettre en pratique, et nous nous posâmes la question suivante :

Peut-on préparer des allumettes chimiques dans des conditions telles qu'on puisse les utiliser pour les usages ordinaires sans qu'elles puissent être employées pour déterminer l'empoisonnement?

Nous eûmes d'abord l'idée de rechercher si l'on ne pourrait pas donner à la pâte qui sert à faire les allumettes une saveur amère intense destinée à prévenir la personne à laquelle on essaierait d'administrer la substance toxique et à la mettre en garde, par cette saveur inusitée, contre le danger auquel elle serait exposée.

Nous eûmes recours, pour faire nos essais, a M. Delacour celle, ancien fabricant d'allumettes chimiques, qui nous adressa, pour ces essais, à M. Camaille son successeur. Sur notre demande, ce fabricant prépara, d'après nos formules, des allumettes dans la pâte desquelles on avait fait entrer des poudres d'aloès et de coloquinte. Les résultats obtenus firent connaître : 1° qu'on pourrait, à l'aide de la poudre de coloquinte, obtenir une pâte amère qui, en très petite quantité, communiquerait aux liquides et aux aliments une saveur très intense capable, dans de certains cas, d'avertir les personnes qui feraient usage des liquides ou des aliments dans lesquels on ferait entrer de ce mélange; 2o qu'il était plus difficile de préparer une pâte phosphorée (1) Voir le travail présenté à l'Académie des sciences le 5 avril 1847, travail, fait en participation avec MM. Bricheteau et Boys de Loury.

avec la poudre amère de l'aloès, mais que cependant cela était possible. M. Cadet Gassicourt avait établi le même fait.

Mes expérimentations sur les allumettes chimiques étaient terminées, et nous nous préparions à faire notre rapport, quoique notre conviction fût que nous n'avions pas atteint le but que nous nous proposions; en effet, on sait que la noix vomique et son extrait sont d'une amertume extrême, mais que cependant il y a eu des empoisonnements par cette substance toxique.

Nous avions commencé notre rapport à l'Académie (1), lorsqu'on nous remit comme produit curieux une certaine quantité de phosphore rouge sans nous en faire connaître l'origine. Nous examinâmes alors ce produit et nous vîmes: 1° Qu'il est amorphe, pulvérulent, non lumineux dans l'obscurité ;

2° Qu'exposé au contact de l'air i ne répand pas, comme le phosphore ordinaire, des vapeurs alliacées;

3° Qu'il ne brûle pas, comme le phosphore ordinaire, à la température de l'air, qu'il faut, pour déterminer sa combustion, une température assez élevée; que cette combustion, dans ce cas est plus lente que celle du phosphore, et qu'elle se fait presque sans odeur.

Tous ces caractères nous portèrent à penser que l'on pourrait tirer un très grand parti de ce phosphore dans la fabrication des allumettes chimiques, et qu'on pourrait :

1° Obtenir des allumettes avec une pâte susceptible de fournir du feu par le frottement, mais qui ne contiendrait pas un produit capable d'empoisonner;

2° Que la préparation des allumettes chimiques serait rendue plus salubre pour les ouvriers, les vapeurs qui s'élèvent lors de la préparation de la pâte et des allumettes avec le phosphore ordinaire, donnant lieu chez ces ouvriers, à des nécroses.

(1) Ce rapport a été lu et adopté dans la séance du 12 septembre 1854.

Mais il fallait avant tout s'assurer:

1° Si l'on pourrait avoir du phosphore rouge en assez grande quantité pour une fabrication non interrompue ;

2 Si l'on pourrait préparer des allumettes avec ce phosphore, et si ces allumettes produiraient du feu par le frottement;

3° Si le phosphore rouge et si la pâte avec laquelle on confectionnerait ces allumettes au phosphore rouge serait susceptible d'empoisonner.

Pour résoudre la première partie de la question nous avions fait des recherches sur l'origine du phosphore qui nous avait été remis, et sur la localité où il avait été fabriqué; ces démarches nous avaient fait connaitre que ce produit était préparé à Lyon par MM. Coignet. Nous écrivimes à ces fabricants pour leur demander si l'on pourrait se procurer autant de phosphore rouge qu'il en faudrait pour préparer toutes les allumettes chimiques que l'on prépare en France.

Ces messieurs répondirent :

1° Qu'il leur serait possible, avec un peu de temps, de transformer en phosphore amorphe toute la quantité de phosphore ordinaire qui serait nécessaire à la consommation intérieure de la France et au commerce d'exportation;

2° Que relativement au prix du phosphore, ce prix serait tout à fait modéré et commercial;

3° Que le phosphore entrant dans la fabrication des allumettes chimiques pour une somme moindre que le prix du bois, que celui de la main-d'œuvre et des boîtes, les allumettes avec le phosphore rouge pourraient être fabriquées aux mêmes prix que les allumettes actuellement dans le

commerce.

Relativement à la fabrication, nous nous adressâmes à M. Camaille, qui, après un grand nombre d'essais, nous apporta des allumettes confectionnées avec le phosphore rouge,

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