Page images
PDF
EPUB

que les patrons préférèrent de beaucoup recourir à ces derniers qui les couvraient de leur responsabilité civile. Cette tentative d'assurance par l'Etat aboutit à un échec lamentable, non qu'elle ait amené un déficit, comme on le croit à tort, car les comptes se balancent par un excédent énorme, lequel a sa source dans une subvention de 2.100.000 fr. versée au début, qui, avec les arrérages encaissés, s'élève aujourd'hui à plus de cinq millions de francs, somme qui dépasse de beaucoup les cotisations perçues de 1868 à 1894 et qui, pour 30.000 assurés, ont atteint 230.510 fr.

Il a été réglé en 1894 sept sinistres, six ayant entraîné une incapacité permanente, et un la mort de la victime, et encore, sur ces sept sinistres, deux seulement s'étaient produits dans l'année.

60. Sociétés de secours mutuels. Si l'Etat a, jusqu'à présent, peu fait pour la solution du problème des accidents industriels, l'initiative privée, au contraire, sans le résoudre complètement, s'est signalée par des tentatives qui, pour n'être que partielles, n'en sont pas moins des plus heureuses.

On pourrait penser que les sociétés de secours mutuels ordinaires jouent ici un rôle important. Ce serait une erreur. La plupart d'entre elles, en effet, excluent de leur sein les personnes appartenant à des métiers dangereux, mineurs, carriers, maçons, charpentiers, chauffeurs, etc. (1); elles n'ont même que fort peu contribué à recruter des adhérents à la caisse de l'Etat. On peut les considérer comme absolument négligeables, surtout quand on les rapproche des résultats remarquables obtenus par les caisses de secours ou d'assurances, groupant les travailleurs d'une usine ou

d'une même industrie.

61. Les sociétés ouvrières de production. Elles ont organisé entre leurs membres des associations de secours mutuels qui fonctionnent de la façon la plus

(1) Sérullaz, Les Sociétés de secours mutuels, p. 229 et suiv. not., p. 234 et 251.

satisfaisante. Je ne citerai que celle de la maison Leclaire (1) qui assure aux sociétaires malades ou blessés les visites du médecin de la société, les médicaments et des secours pécuniaires qui sont de 2 fr. 50 par jour pendant six mois; passé ce délai, il est statué par l'assemblée générale sur la question de savoir si les secours doivent être continués ou si le sociétaire doit être mis à la retraite. Des pensions viagères sont, en effet, accordées à tout ouvrier, sociétaire ou non, qui, par suite d'un accident arrivé en travaillant pour la maison, se trouve dans l'impossibilité de gagner sa vie. Les rentes sont reversibles pour moitié sur la tête des veuves et enfants mineurs.

Au Familistère de Guise, l'assurance mutuelle contre la maladie se monte à 182.000 fr. par an; elle est alimentée par des retenues et les amendes; elle sert des allocations mensuelles variables suivant que la victime. est associée (75 fr. pour les hommes, 45 fr. pour les femmes), sociétaire (60 et 35 fr.) ou participante.

Il est intéressant de rapprocher de ces admirables organisations les mines du Rancié, dans l'Ariège, application si peu connue et si ancienne, puisqu'elle remonte à plusieurs siècles, du principe, que l'on croit nouveau, de la mine aux mineurs.

Une ordonnance du 25 mai 1843, confirmant et renforçant des anciens usages, a réorganisé la caisse de secours, au profit de laquelle chaque ouvrier doit extraire mensuellement deux voltes ou voyages supplémentaires, cotisation en nature qui équivaut à 1 fr. 10 par mois (2).

Caisses de secours
On voit que, dans

62.- Institutions patronales. en cas de maladies et d'accidents. les associations ouvrières, les secours en cas d'accident ne sont pas distingués de ceux de maladie. Il en est de même de la plupart des fondations par lesquelles de

(1) Maison Leclaire... Règlement de la Société de prévoyance et de secours mutuels, in-8°. Paris, Guillaumin, 1877, p. 75 et suiv.

(2) Hyvernat, L'industrie houillère. (Association Catholique, 1880, 2 sem., p. 460-481.)

grands industriels, comprenant les devoirs moraux et sociaux qui leur incombent envers leurs ouvricis, se sont efforcés d'en améliorer la condition matérielle, d'en relever la situation morale (1).

Nombreux sont les patrons qui ont fondé une société de secours mutuels entre leurs ouvriers et employés, qui l'administrent généralement eux-mêmes. Ils se sont chargé au moins des frais généraux et de l'administration, comme à la caisse de la société de la Vieille-Montagne, alimentée par un prélèvement sur les salaires, variant, selon les établissements, entre 1 et 5%, et s'élevant en moyenne à 2,93 °/。.

Le plus souvent, les chefs d'industrie ont alloué à ces caisses, pour combler les déficits, de très importantes subventions, comme la compagnie des petites voitures de Paris, dont les sacrifices s'élèvent par an à 223.000 fr.; comme la maison Mame, à Tours, la société Schneider, du Creusot, ces deux entreprises si célèbres, tant au point de vue social qu'au point de vue industriel.

63. Le plus souvent les contributions patronales sont déterminées d'une façon précise par les statuts. On verse d'abord à la caisse les amendes, dans les établissements où elles existent encore; et, en outre, les chefs d'industrie ajoutent aux prélèvements sur les salaires une somme qui, chez MM. Peugeot, est du tiers des cotisations des sociétaires, et qui, le plus souvent, les égale. Tel est le cas pour la maison Muller et Roger (où le versement de l'ouvrier est d'un franc par quinzaine), et surtout dans l'industrie des mines. Dans les charbonnages de Mariémont et Bascoup, en Belgique, la société paie la moitié de la cotisation fixée à 0 fr. 75 0/0 du salaire. Pour alimenter la caisse de Blanzy, la retenue, qui est de 2 fr. 50 0/0 du salaire.

(1) Consulter comme ouvrages généraux: Leroux, Nouvel ordre de récompenses... Paris, 1867: Exposition universelle de 1889, Economie sociale, section XIV. Rapp. de M. Cheysson. Paris, 1892; Brice, (Hubert), Les institutions patronales. Paris, 1894. V. la Bibliographie, en appendice.

des ouvriers, et de 1 0/0 des appointements des employés et ingénieurs, se complète par une subvention égale de la compagnie, qui se montait, en 1888, à 145.000 francs, et des dons volontaires. Il en est de même dans toutes nos sociétés houillères, à Anzin comme dans les différentes compagnies qui exploitent le bassin de la Loire et dont les institutions remontent à trente ans (1).

M. Keller évaluait le total des allocations en 1882, pour malades et retraites, dans les mines, à 4 1/3 0/0 du salaire, dont moitié à la charge des compagnies. M. Castelnau donnait, pour les entreprises du bassin de Saint-Etienne, en 1892, le chiffre de 6,16 0/0, dont 4,50 0/0 à la charge des patrons, et M. Duporcq, pour celles du Pas-de-Calais, en 1893, indiquait, comme pourcentage, 5,56 0/0, dont moitié seulement à la charge des ouvriers (2).

A la grande cristallerie de Baccarat, les ouvriers sont répartis obligatoirement, suivant leurs spécialités, entre plusieurs caisses distinctes, où ils versent 1,1 1/2 et 2 0/0 de leurs gains, auxquels s'ajoute une contribution patronale de 2 0, 0 du salaire. Il y a quelques années la compagnie consentait un versement supplémentaire de 14 0/0 à la caisse des tailleurs, lesquels sont exposés à des risques professionnels propres.

64. Ces caisses fournissent toutes à leurs adhérents les secours médicaux et pharmaceutiques, quelquefois dans la limite d'un maximum de cent francs. Elles pourvoient également aux frais funéraires. Elles servent en outre des allocations quotidiennes, ordinairement à partir du troisième jour, et pendant un temps. généralement limité à trois, cinq ou six mois; à l'expiration de ce délai, le comité d'administration décide si le secours doit être maintenu, réduit ou supprimé ou,

(1) M. Hyvernat, loc. cit., rappelle une ordonnance du 25 juin 1817, créant une caisse à Rive-de-Gier, alimentée par un versement de un centime par tonne de houille, et qui ne reçut pas d'application.

(2) Je dois les renseignements qui vont suivre à l'obligeance de M. Guinond, le secrétaire général de l'Union.

s'il y a lieu de liquider une retraite, dans les établissements qui sont organisés pour en servir.

Quant au chiffre de ces allocations, il est quelquefois fixé par les statuts d'une façon ferme. J'ai rencontré le taux le plus élevé dans la maison Muller et Roger: 4 fr. par jour pendant trois mois; 2 fr. 50 pendant le trimestre suivant. La caisse des cochers et ouvriers de la compagnie des petites voitures leur alloue 2 fr. par jour pendant cinq mois ; celle de la maison Peugeot paie 1 fr. 50, pour les hommes mariés, et 0 fr. 75 pour les garçons de vingt ans et plus.

Dans les mines les chiffres sont plus faibles. En voici quelques-uns. A Anzin, les malades reçoivent une indemnité de chômage qui est, pendant le premier trimestre, de 1 fr. par jour, pendant le second de 0 fr. 50, et enfin pendant le semestre suivant de 1 fr. par semaine. Dans la société des mines de la Loire et dans celle des houillères de Saint-Etienne, l'ouvrier blessé reçoit 1 franc par jour, plus 0 fr. 25 par enfant au-dessous de douze ans. A Blanzy, un célibataire reçoit de 0 fr. 75 à 1 fr., un homme marié de 1 fr. à 1 fr. 25. Dans les ardoisières de Renay, l'allocation est de 1 fr. 25 par jour pendant les deux premiers mois, de 0 fr. 60 pour les trois mois suivants. Dans la maison Seydoux, au Cateau, et à Bousies, elle varie entre 3 et 8 fr. par semaine.

65. D'autres établissements fixent l'indemnité journalière d'après le salaire à Baccarat, elle varie entre la moitié et le tiers, c'est là un minimum garanti que l'on dépasse suivant l'état de prospérité de la caisse. Il en est de même à la société de la Vieille-Montagne. Aux verreries de Val-Saint-Lambert, on a adopté le chiffre de moitié. Dans les charbonnages de Mariémont et Bascoup, la proportion est la suivante: pendant trois mois, 3000; pendant les trois mois suivants, 220, 0 ; pendant le second semestre, 15 0,0; après un an et pendant deux ans, 7,50 0/0.

66.

J'ai dit que ces allocations se transformaient en rentes dans les industries ayant une caisse de prévoyance, au profit des ouvriers infirmes, de leurs veuves

« PreviousContinue »