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infirmités résultant de causes extérieures avec celles. qu'amène l'àge. Souvent même l'assistance des malades. rentrait dans la charité aux pauvres. En second lieu, sauf de très rares exceptions, les secours ne constituaient pas un droit pour qui les obtenait, mais une aumône, expression qui, d'ailleurs, n'avait autrefois rien de blessant. Enfin, le chiffre de ces secours était variable, dépendait des ressources de la caisse, et, sauf encore des hypothèses très rares, on ne connaissait pas les tarifications en usage dans les sociétés de secours mutuels et d'assurance (1).

47. Les ghildes germaniques, scandinaviques et saxonnes. Elles étaient de trois sortes les unes purement religieuses, d'autres groupaient les marchands et les artisans, et d'autres enfin avaient un but de protection mutuelle (Conjurationes, en France, Schutzgelden, en Allemagne, Socialgelds, en Angleterre).

Leurs statuts portent fréquemment qu'une somme d'argent sera donnée au confrère tombé dans le besoin par suite de maladie, blessure ou vieillesse (ghildes) d'Eric, de Kanut, d'Oldensée, de Flensbourg). Souvent, les frères doivent visiter le malade, le veiller même (ghilde d'Eric); et enfin les funérailles étaient généralement à la charge de l'association (ghilde de SainteCatherine, de Berwick, ghilde des foulons de Lincoln) ( 48. Les corporations à Rome après la chute de l'Empire Romain. L'ouvrage de M. Rodocanachi (3) nous montre l'assistance mutuelle fort développée dans les corporations de la Rome des papes. Les associés devaient visiter et consoler leurs confrères lorsqu'ils étaient malades ou prisonniers, assister à leurs obsèques,

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(2).

(1) Mon confrère, M. Martin Saint-Léon, qui prépare un important ouvrage sur l'histoire des corporations, lequel paraitra bientôt, je l'espère, a bien voulu guider mes recherches; je tiens de sa complaisance une partie des renseignements qui vont suivre.

(2) Consulter l'ouvrage très important publié en 1870 par M. Toulmin-Smith The original ordinances of more than hundred early English gilds, et la savante préface de M. Brentano.

(3) Les Corporations ouvrières à Rome depuis la chute de l'Empire Romain, 2 volumes in-f°. Paris, A. Picard, 1894.

qui se faisaient aux frais de la corporation lorsque le défunt ou ses héritiers étaient trop pauvres pour y subvenir. On relève en outre dans les statuts de quelques corporations des dispositions curieuses relatives à l'assistance en cas de maladie ou de blessures. Je signalerai, notamment, ceux des pêcheurs (p. 130) : « Sitôt que les consuls apprenaient qu'un associé était malade, ils prévenaient le médecin de la corporation, qui se rendait auprès de lui, accompagné des consuls et des infirmiers; ceux-ci devaient le visiter au moins une fois par semaine; si son état l'exigeait, on le transportait à l'hôpital; en tout cas, il avait droit à un secours soit en argent, trois giuli, soit en nature, une poule et une livre de confettis, ou un pain de sucre. » Chez les poissonniers (p. 144), les infirmiers étaient chargés de porter de bonnes paroles et un peu d'argent aux malades et prisonniers, non toutefois sans s'être livrés à une minutieuse enquête : les accidents survenus par suite d'une rixe de taverne ou quelque aventure de mauvais lieu, ne donnaient droit à aucun secours (ce qui prouve que les victimes d'accidents professionnels étaient secourues). Les mêmes infirmiers visitaient les filles et veuves des membres décédés, s'informaient de leurs besoins et de leur moralité et proposaient à la corporation, s'ils le jugeaient nécessaire, l'allocation d'une aumône ou la promesse d'une dot. Enfin, pour borner ces citations, je mentionnerai les doreurs (p. 458), qui remettaient aux malades dignes d'intérêt deux pains de sucre en signe d'amour confraternel. Les corporations en France et les confréLes avantages du régime corporatif en

49. ries (1).

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(1) Consulter notamment E. Levasseur, Histoire des classes ouvrières en France, depuis la conquête de Jules César, jusqu'à la Révolution, 2 vol. in-8°. Paris, Guillaumin, 1859 (Cs. I, p. 470); et une Histoire des classes ouvrières depuis 1789 jusqu'à nos jours, 2 vol. 8°. Paris, Hachette, 1867 (Cs. I, p. 59); Hubert Valleroux, Les Corporations d'arts et métiers et les syndicats professionnels en France et à l'étranger, in-8°, xxI 423 p. Paris, Guillaumin, 1885; Fagniez, Etudes sur l'industrie et la classe industrielle, à Paris, aux xшre et xive siècles. (Bibliothèque de l'Ecole des Hautes Etudes, 33 fascicule); Franklin, Alf., Les Corporations ouvrières de Paris du x au XVI° siècle, in-8°. Paris, 1881.

matière d'assistance sont très discutés. « On se complaît, dit M. Levasseur, à chercher dans la corporation le modèle d'une protection vigilante des maîtres à l'égard de leurs compagnons; à dire que la charité chrétienne, exercée en faveur des ouvriers pauvres ou malades, était la rançon du privilège dont jouissaient les maîtres. Il n'en est rien ni les compagnons ni les apprentis n'avaient, dans la plupart des corporations, droit au secours; ils n'étaient pas plus admis au bénéfice de l'aumône qu'aux autres avantages de la communauté. A ce titre, la corporation pourrait passer pour une société de secours mutuels si les secours y eussent été donnés comme un droit acquis plutôt que comme une aumône sollicitée (1). » M. Sérullaz, renchérissant, proclame que « les corporations n'ont aucune ressemblance avec les sociétés de secours mutuels; que ce sont des associations avides de privilèges et de monopoles, qui n'ont rien fait pour améliorer le sort des classes déshéritées; c'est le reproche le plus grave qu'on puisse leur adresser 2. »

50. Voilà une condamnation lestement prononcée. Plutôt que de prendre parti entre les deux opinions, il est préférable de consulter les documents, j'entends ceux qui sont facilement accessibles. Il convient tout d'abord de recourir au Livre des Mestiers, d'Etienne Boileau (3). Les statuts contenus dans ce recueil ne contiennent que fort peu de dispositions relatives à l'assistance. Il y est parfois question d'une boîte de secours alimentée non par des contributions volontaires, mais seulement par des droits d'entrée et surtout des amendes; voici les termes généralement employés : « desqueux amendes, 2 sous à leur confrarie pour les poures de leur mestier soutenir.» (Tailleurs de robe,

(1) Histoire des classes ouvrières depuis 1789, I, p. 59.

(2) Les Sociétés de secours mutuels et la question des retraites. Lyon, 1890, p. 63.

(3) Il en existe deux éditions, l'une publiée par M. Depping, en 1837, dans la collection des documents inédits sur l'histoire de France; la seconde, par MM. Lespinasse et Bonnardot, dans l'Histoire générale de Paris. Impr. nat., 1879. V. introd., p. xcvu, La confrérie.

édition Depping, p. 153; cordouaniers, p. 229, gantiers, p. 242.)

51.

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Rares, encore au XIe siècle, les confréries se sont beaucoup développées par la suite et, dit M. Hubert Valleroux, au xve siècle pas une communauté de métier qui ne constitue en même temps une confrérie. Ces deux associations se confondaient le plus souvent par la façon dont elles étaient composées. Mais il n'en était pas toujours ainsi : M. Fagniez (p. 34) nous cite des confréries admettant des étrangers à la profession; et, ceci est important, dans certains métiers, les ouvriers, les valets, comme on disait alors, avaient une confrérie distincte; il en était ainsi notamment pour les merciers et les cordonniers de Paris, pour les chaussetiers et menuisiers de Bordeaux.

En général, la confrérie ne se distinguait de la communauté que par son organisation et son but: la célébration d'offices religieux, les repas de corps et l'assistance mutuelle:

52. Elle consistait souvent dans l'entretien de lits dans des hôpitaux.

Je n'insisterai que sur celles de ces fondations qui profitaient aux compagnons: tel était le cas, par exemple, de cet hôpital de Saint-Julien et Saint-Genest, fondé par les ménétriers, émus de la détresse d'une pauvre paralytique, la Fleurie de Chartres, « laquelle était en une petite charrette et n'en bougeait ni jour ni nuit (1)»; des « deux lits garnis » entretenus à l'hôpital Sainte-Catherine par les ouvriers pourpointiers de Paris, qui subvenaient seuls, par une cotisation régulière, au soulagement de leurs camarades pauvres (2).

Nous pouvons en rapprocher les statuts de la corporation des jupiers de Montpellier qui datent de 1320, d'après lesquels chaque compagnon devait verser « à la charité » une obole par semaine, laquelle somme le

(1) Cet exemple, tiré des Antiquités de Paris, est très connu; il est rapporté notamment dans un article de l'Association Catholique, 1882, 1er sem., p. 283-300, sur les confréries ouvrières.

(2) Fagniez, op. cit., p. 39.

maître retenait sur le salaire ou payait de sa bourse (1). Les fondations charitables des monnayeurs de Paris, Rouen, Troyes et Montdidier, qui datent du xive siècle, étaient établies, au contraire, à frais communs, par les maîtres et par les compagnons les premiers contribuant à raison d'un denier tournois par semaine ; les seconds versant la même somme par mois (2.

53. — Enfin, le xive siècle nous offre un exemple des plus curieux (( d'une véritable société de secours mutuels (3), fondée par les corroyeurs de robes de vair, afin de venir en aide à ceux d'entre eux que la maladie réduisait au chômage. Les ouvriers qui voulaient participer aux avantages de cette société payaient un droit d'entrée de dix sols avec six deniers pour le clerc et versaient une cotisation d'un denier par semaine ou deux par quinzaine. Les membres qui se trouvaient débiteurs de plus de six deniers ne pouvaient obtenir l'assistance qu'après s'être libérés. Le droit d'entrée et les cotisations étaient reçus par six personnes du métier, élues annuellement, ainsi que le clerc, par la corporation à laquelle ils rendaient compte. Ces fonds étaient employés exclusivement à secourir les ouvriers malades; pendant la maladie, on leur donnait trois sols par semaine; trois sols pour la semaine où ils entreraient en convalescence (pour la semaine qu'il relèvera, dit le texte) et trois sols « pour soy efforcer, » c'est-à-dire pour leur permettre de se rétablir entièrement; mais aucun secours n'était accordé à ceux qui s'étaient attiré des blessures par leur humeur querelleuse, «<leur diversité, » dit le texte. »

L'association des corroyeurs de vair ressemble, on le voit, de point en point, à nos sociétés modernes de secours mutuels, par le droit qu'elle conférait à ses par

(1) Etude historique sur les anciennes corporations d'arts et métiers de Montpellier. (Assoc. Cath., 1883, 2o sem., p. 436.)

(2) Levasnier, Gabriel, Le régime économique des anciennes corporations; l'assistance mutuelle, (Assoc. Cath., 1884, 2o sem., p. 290-306, et 552-565.)

(3) Fagniez, op. cit., p. 39, st. du 10 fév. 1319.

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