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tent au tribunal d'allouer une provision à la victime 1.

492. Conciliation. Le désir d'éviter, dans la mesure du possible. les procès, qui ont sur la paix sociale une si désastreuse influence, devait conduire le législateur à faciliter la conciliation. Aussi, tous les projets la prévoient, mais ils diffèrent, ceci est assez curieux, quant au magistrat chargé de la diriger. Dans les textes de 1888 (art. 18), 1890 (art. 11) (2) et 1893 (art. 18), c'est le président du tribunal civil.

Cette innovation a été vivement critiquée par M. Guérin. « Le juge de paix, a-t-il dit, est le conciliateur par excellence, c'est devant lui qu'a lieu, en règle générale, le préliminaire de conciliation; pourquoi lui enlever cette attribution essentielle dont on vient de faire une application récente dans l'arbitrage en cas de grève (3. »>>

Si la Chambre rejeta un amendement de ce sens de M. Dron (4, le retour au droit commun de la conciliation devant le magistrat cantonal fut consacré par le Sénat dans ses deux redactions du 5 décembre 1895 (5) et 24 mars 1896 (art. 7).

493.

Les divers projets s'accordent pour décider que le procès-verbal, dressé dressé par le juge de paix pour

constater l'accord des intéressés.

(1) Proj. de 1895, article 15, et amend. Bardoux; proj. du 24 mars 1896, article 8.

(2) Amendement Cordelet, accepté par la commission; Sėn., 12 mai 1890, J. Off., p. 428-430.

(3) Ch., 6 juin 1893, J. Off., p. 1622.

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« Pour les cas graves qui auront motivé une enquête dans les formes prescrites par les articles précédents, le juge de paix convoque la victime ou ses ayants droit et le patron dans les huit jours qui suivent la clôture de l'enquête. Si les conséquences de l'accident sont nettement établies, il propose le règlement définitif dont il est pris acte, en cas d'acceptation par les parties. Si les conséquences de l'accident sont incertaines, il décide que le régime des indemnités temporaires sera applicable jusqu'à nouvel ordre et ajourne le règlement définitif. »

(5) La rédaction définitive de l'article 14 est celle d'un amendement de M. Godin, accepté au nom de la commission par M. Chovet (Sén., 21 nov. 1895, J. Off., p. 923.)

vaudra titre (1) exécutoire emportant hypothèque (2). 494. Compétence du juge de paix. Les différents projets ne renvoient au jury ou au tribunal civil que les indemnités dues en cas d'invalidité; ils laissent au juge de paix les litiges relatifs aux frais funéraires et de maladie et aux allocations temporaires (3). Il importe de remarquer que ces dispositions constituent, au magistrat cantonal, une compétence plus étendue que celle qui lui est conférée par la loi de 1838; il serait saisi, en dernier ressort, quel que fût le chiffre de la demande. « Cette dérogation au droit commun» a été très critiquée par M. Guérin (4) et par M. Drumel (5) et défendue par MM. Bardoux (6), Poirrier (7) et Chovet (8). 495. M. Poirrier proposait, en outre, en 1890, de permettre au juge de paix « de fixer, dans les limites de la loi, l'indemnité quotidienne qui sera servie par les chefs d'industrie, à titre de provision, pendant toute la durée de la maladie conséquence de l'accident (9.

496. Le juge de paix compétent est celui du lieu de l'accident. M. Félix Martin proposa un amendement. donnant compétence à celui de l'établissement industriel (10).

497.

Assistance judiciaire.

(1) Proj. de 1888, article 18.

Les projets de

(2) Proj. de 1890, article 11; de 1895, article 14; amend. Godin adopté malgré les observations de M. Volland (Sén., ibid.), et proj. de 1896, article 7.

(3) Proj. de 1890, article 10 (indemnités temporaires); de 1893, article 17, et de 1895, article 15 (indemnités temporaires, frais funéraires et de maladie).

(4) Sén., 7 nov. 1895, J. Off., p. 883.
(5) Sén., 21 nov. 1895, J. Off., p. 925.
(6) Sén., 13 mai 1890, J. Off., p. 425.
(7) Sén., 7 nov. 1895, J. Off., p. 886.

(8) Sén., 21 nov. 1895, J. Off., p. 926. Cf. Ricard, garde des sceaux, ibid., 22 nov. 1895, J. Off., p. 943.

(9) Sėn., 13 mai 1890, J. Off., p. 427. Le rapporteur répondit que la disposition était inutile, une provision pouvant être allouée au demandeur par le tribunal ou le président; il est impossible d'attribuer compétence au juge de paix sur la provision quand il n'est pas compétent sur le fond.

(10) Sén., 21 nov. 1895. V. pour la justification de cet amendement, plus haut, no 465, note 33.

1888 (art. 19) (1) et de 1895 (art. 16) décident que la victime ou ses ayants cause jouiront de plein droit du bénéfice de l'assistance judiciaire.

Cette disposition a été très vivement critiquée. « Vous portez atteinte, a-t-on dit, au grand principe de l'égalité devant l'impôt; vous constituez un privilège au profit de la classe des travailleurs (2), privilège dont profiteront même les étrangers (3); vous diminuez les revenus de l'Etat. La loi de 1851 prenait de sérieuses précautions pour empêcher les abus, vous supprimez ces précautions (4) et, au lieu de vérifier dans chaque espèce la situation des demandeurs, vous établissez pour eux une présomption d'indigence qui sera bien souvent contraire à la réalité; n'oubliez pas, en effet, que le Risque Professionnel peut être invoqué non seulement par des ouvriers proprement dits, mais encore par des contremaîtres aisés, par des ingénieurs jouissant de gros traitements (5). Ne craignez-vous pas, enfin, de faciliter la coupable spéculation des agents d'affaires (6) ? »

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498. Le Sénat, en 1896, tout en conférant de plein droit à la victime le bénéfice de l'assistance judiciaire, ajoute « sur le visa du procureur de la République, lequel procède comme il est prescrit à l'article 13, § 2 et suivants de la loi du 22 janvier 1851. » D'après le projet de 1893 (art. 28), elle est accordée par le juge de paix. Enfin, l'article 11 du projet de 1890 décide que ce magistrat prononce d'urgence, et que sa décision est adressée au bureau compétent qui statue en la forme ordinaire, dans le délai de quinzaine.

(1) Amendement Remoiville adopté (Ch., 7 juill. 1888, J. Off., p. 1992). (2) Boulanger, Sén. 1er avril 1889, J. Off., p. 389, et Sén., 22 nov. 1895, J. Off., p. 937, 938; de Marcère, ibid, p. 943. Cf. la réponse du rapporteur, ibid., p. 940.

(3) Volland, ibid., p. 944.

(4) Boulanger, loc. cit.

(5) Boulanger, loc. cit., et Félix Martin, Sén., 22 nov. 1895, J. Off.,p. 941. (6) Milliard, Sén., 22 nov. 1895, J. Off., p. 942. M. Ricard répondait que le meilleur moyen d'empêcher l'intervention des agents d'affaires était de supprimer les mandataires.

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499. Une innovation, commune à la plupart des projets, consiste à étendre l'assistance judiciaire aux actes d'exécution, c'est ce qui résulte de l'article 9 adopté en 1896, de l'article 28 du projet de 1893 et de l'article 11 de 1890: « Les frais de ces actes seront recouvrés, lisons-nous dans ce dernier texte, comme les dépens de l'instance. Toutefois, le versement des frais pourra être effectué sur simple état taxé, l'exécutoire n'étant délivré qu'au cas de refus de paiement.

500. Enfin, j'ai déjà fait allusion (V. plus haut no 192, p. 144, note 1) aux dispositions aux termes desquelles (1), « le tribunal pourra, lorsque la contestation soulevée par la victime d'un accident sur le chiffre de l'indemnité (2), ne lui paraîtra pas justifiée, décider, par une disposition spéciale du jugement, que les frais faits par le chef de l'entreprise seront, en tout ou partie, compensés avec l'indemnité. » Cette compensation ne serait pas possible sans une clause expresse, à raison du caractère alimentaire des rentes et allocations qui les fait déclarer incessibles et insaisissables. (Projet de 1888, art. 24; 1890, art. 16; 1893, art. 65, et 1895, art. 8.)

501. Prescription. Les compagnies d'assurance ont soin de stipuler à leurs obligations une courte prescription qui est généralement de six mois ou d'un an (3). C'est ce dernier délai qui a été adopté dans tous les projets (4). L'innovation se justifie parfaitement : la prescription de trente ans, qui résulte du Code Civil, est incompatible avec les nécessités de l'industrie.

(1) Projet de 1888, art. 21. M. Lyonnais en demanda la suppression (Ch., 7 juill. 1888, J. Off., p. 2021). Projet de 1890, article 14. (2) Les mots « sur le chiffre... » ne figurent pas dans la rédaction

de 1888.

(3) V. mon ouvrage sur les Assurances contre les accidents du travail, n° 95, p. 57, et no 401, p. 282.

(4) Projet de 1888, article 25. M. de la Batie proposa l'amendement suivant : " Ce délai sera porté au double en faveur des ayants droit en état de minorité » (Ch., 10 juill. 1888, J. Off., p. 2067). V. la réponse du rapporteur, p. 2068.

Proj. de 1890, article 17; de 1893, article 33; de 1895, article 20 Sur la demande de M. Volland (Sén., 25 nov. 1895, J. Off., p. 956), la commission ajouta dans la rédaction qu'elle prépara pour la deuxième

502. Revision. Nous avons déjà parlé (V. plus haut, no 296) du droit qu'ont les parties de demander la revision de l'indemnité en se fondant sur une aggravation ou une atténuation de l'infirmité de la victime. Cette action doit être intentée dans les trois années qui suivent l'accident 1.

503. Nullité des conventions contraires à la loi. - Elle est prononcée par tous les projets 2. Ce que le législateur veut empêcher, ce sont les conventions par lesquelles les ouvriers renonceraient, avant tout sinistre, au bénéfice du Risque Professionnel. Ces conventions seraient nulles comme contraires à l'ordre public, même si le législateur ne prenait pas la peine de le dire. Mais lorsque l'accident est survenu, les parties sont parfaitement libres de transiger, et la loi elle-mème favorise ces transactions, ainsi que nous l'avons vu, en organisant un préliminaire de conciliation 3. Aussi, je ne comprends pas très bien la raison d'être du paragraphe final de l'article 40 du texte du 5 décembre 1895, reproduit par l'article 11, 2e alinéa, du dernier projet. «< Néanmoins, les parties peuvent toujours, après détermina

lecture, les mots : « même au cas de poursuites correctionnelles ou criminelles... » qui ont disparu du texte adopté le 24 mars 1896 article 8.

M. Félix Martin avait proposé, puis retiré Sén., 25 nov. 1895, J. Off., p. 956, un amendement ainsi conçu : « Toutefois, si l'accident a été dûment déclaré et constaté, qu'il ait ou non entraîné une incapacité temporaire de plus de trois jours, la victime conserve le droit de demander réparation pour les incapacités temporaires et permanentes qui peuvent survenir du fait de cet accident pendant une période de

trois ans. »

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1 Le projet de 1888, article 26, ne permettait la revision que pendant une année, et seulement dans le cas où le tribunal l'aurait expressément réservée par une disposition formelle. M. Frédéric Passy demanda vainement (Ch., 10 juillet 1888, J. Off., p. 2068), qu'il fût permis au tribunal de prolonger ce délai. Le texte de 1890 était muet à ce sujet. Le terme de trois ans est adopté par les projets de 1893, article 34, de 1895, article 21 modifié dans ses termes sur les observations de M Félix Martin, Sén., 25 nov. 1895 J. Off., p. 962, et de 1896, art. 8.

2) Proj. de 1888, article 27; de 1890, article 18; de 1893, article 81; de 1895, article 40, et de 1896, article 11.

(3) M. de la Batie (Ch., 10 juill. 1888, J. Off., p. 2069), proposait d'ajouter ces mots : « si elle est faite avant l'accident. » Le rapporteur repoussa cette addition par les raisons indiquées au texte.

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