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<< donne un essor plus impétueux. Il faut, pour << en goûter la salutaire influence, y porter des << pensées de travail, des idées de raison. Rien « de meilleur, en certains moments de la vie, << qu'une solitude sage et dignement occupée; << rien de plus dangereux qu'une solitude où l'on « ne porte que de mauvais penchants qu'on ne «< cherche point à corriger, et des habitudes de « désœuvrement. »

C'est à peu près dans ce peu de mots que consiste toute la substance de l'ouvrage; le reste n'est guère qu'une amplification, une suite de variations brodées sur le thème original: détails sur la magnificence de quelques grandes scènes de la nature, description des vices, des inconvénients et des dangers de la société actuelle, des douleurs, des ennuis qu'on y éprouve souvent, et de la fatigue qu'elle vous inspire quelquefois. Au lieu de chercher à améliorer et à harmoniser la société, tâche des socialistes modernes, Zimmermann ne pense qu'à la fuir, et il oublie tous les devoirs sociaux dont il se targuait dans ses prémisses.

Zimmermann a remarqué qu'on peut s'isoler du monde sans se séparer de lui et sans mener une vie d'ermite: « Ainsi, dit-il, on peut rester << seul au milieu d'une réunion nombreuse. » Il ne nous paraît pas avoir poussé cette observation assez loin. Ce n'est pas toujours par des mouvements d'orgueil ou par des préoccupations d'esprit qu'on se trouve isolé naturellement de ceux qui vous entourent, c'est parce que eux et

vous avez momentanément des occupations différentes, qu'il ne faut pas, à moins d'une utilité évidente, se déranger les uns les autres. L'isolement donc, par lui-même, est loin d'être nécessairement anti-social, comme il paraît le croire. Il ne faut, du reste, lui demander aucune idée bien avancée; elles paraissent généralement lui avoir échappé. Il raconte un grand nombre d'anecdotes dont quelques-unes sont curieuses et même peu connues, mais il les commente souvent d'un façon saugrenue. Il prend à chaque instant le ton dévot et à tout propos vous débite des capucinades. A son avis, les monastères seraient l'une des plus utiles et des plus louables conceptions des hommes, etc.

Mais c'est surtout en ce qui concerne les relations sexuelles que l'on retrouve chez Zimmermann toute la sensiblerie niaise et filandreuse, sous les apparences de laquelle les moralistes du temps passé dissimulaient leur désir de rendre leurs femmes de pures esclaves. Ainsi, il fait nombre de phrases dans ce genre: « C'est << dans la solitude surtout qu'il est doux d'é<< voquer les souvenirs de l'amour. Ah! la pre« mière rougeur pudique qui s'est répandue sur « nos joues, le premier serrement de main, la « première colère que l'on a éprouvée en se « voyant troublé par un importun dans un tendre « entretien, sont autant d'impressions ineffa«çables!...... Celui qui a connu ces jouissances << de l'amour les retrouve toujours dans son sou« venir. Herder parle d'une certaine mytho

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«<logie asiatique qui raconte que les hommes << ne se montraient d'abord, pendant plusieurs « milliers d'années, leur amour que par des re« gards, puis par quelques baisers, puis par de simples attouchements. Wieland éprouva dans << l'ardeur de la jeunesse, ce chaste et noble << amour pour une jeune personne de Zurich, Il « savait que le mystère de l'amour expire en << partie dans le premier baiser et dans le pre«mier soupir. Un jour, je demandai à cette per« sonne quand Wieland l'avait embrassée pour « la première fois: Il m'a, dit-elle, baisé la main « pour la première fois quatre ans après m'avoir Dans l'ouvrage de Zimmermann on pourrait citer cent mignardises de ce genre. Quant à la conclusion de l'ouvrage, elle n'a rien d'hyperbolique, et la voici condensée en quelques termes clairs: « Partageons donc notre « temps entre le monde et la solitude, entre les << distractions sociales et les jouissances intel«<lectuelles; nous échapperons ainsi à la folie << de celui qui court continuellement après les « plaisirs, et à la misanthropie du farouche << anachorète. »>

« connue. »>

Le Pot au noir et le pot au blanc, ou la Vérité dévoilée, la fourberie démasquée et la religion papiste renversée. A Rome, 1787, in-8 de 206 pp.

Nous avons rencontré ce volume dans une bibliothèque particulière, mais il est fort rare. On peut penser qu'il a été l'objet d'une destruction sourde. Dans la Bibliothèque Leber, il s'en trouvait un exemplaire daté de Londres, 1788; c'est sans doute un simple changement de titre, selon la mode invétérée des libraires éditeurs. L'auteur, qui est inconnu, mais que l'on peut supposer être le baron d'Holbach, cherche, pages 36 et suivantes de son volume, à évaluer les tueries d'hommes occasionnées par la religion chrétienne depuis Constantin jusqu'à nos jours; il trouve dix millions de victimes faites par les guerres contre les schismatiques, les hérétiques, les infidèles, etc. Il est certainement beaucoup trop modéré dans ses évaluations. Ainsi, par exemple, il ne porte qu'à 200,000 le nombre des victimes de l'inquisition, tandis que dans l'Espagne seule, sans parler ici de la Sicile, de la Sardaigne, de la Flandre, du Portugal, de l'Amérique et des Indes, Llorente, ce célèbre historien qui, de 1789 à 1791, a été sécrétaire-général de l'Inquisition en Espagne et qui a eu à sa disposition les archives du saint-office, nous révèle que, seulement depuis 1481 jusqu'à 1821, le nombre de ces victimes se chiffre déjà par 340,000. Il oublie, de plus, les affreux procès de

magie et de sorcellerie, si nombreux en France, en Espagne et dans d'autres pays catholiques, entraînant toujours, à la suite des tortures de la question, des pendaisons, des décapitations, des noyades, des enfouissements tout vif, etc., et surtout des brûlements à petit feu.

L'auteur reproduit plus loin le tableau effrayant des barbaries exercées contre les Vaudois, d'après Samuel Morland, ambassadeur d'Angleterre en Savoie :

« Jamais, dit-il, les chrétiens n'ont commis tant de cruautés contre les chrétiens. L'on coupoit la tête aux Barbes (c'étoient les pasteurs de ces peuples); on les faisoit bouillir; on les mangeoit; on fendoit avec des cailloux pointus, aiguisés sur de la pierre ponce, le ventre des femmes jusqu'au nombril; on coupoit à d'autres les mamelles; on les faisoit cuire sur le feu et on les mangeoit; on mettoit à d'autres le feu aux parties honteuses: on les leur brisoit et l'on mettoit en place des charbons ardents; on arrachoit à d'autres les ongles avec des pinces; on attachoit des hommes demi-morts à la queue des chevaux, et on les traînoit en cet état à travers les rochers. Le moindre de leurs supplices étoit d'être précipités d'un mont escarpé, d'où ils tombaient souvent sur des arbres auxquels ils restoient attachés, et sur lesquels ils périssoient de faim, de froid ou de blessures. L'on en hachoit en mille pièces, et l'on semoit leurs membres sanglans et leurs chairs meurtries dans les campagnes. On empaloit les vierges par

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