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née suivante, il soumit à l'académie des sciences des Observations sur la choroide, qui furent imprimées dans le tome V des Mémoires des savants étrangers. Il les termine en prenant l'engagement de les continuer; et l'on peut conjecturer qu'en effet il poussa plus loin ses recherches sur la nature de l'oeil, ainsi que sur les maladies dont cet organe est affecté; mais ses nouvelles observations sont restées inédites. Demours (V. ce nom, XI,66) s'étant attribué, dans une lettre à Petit, la découverte de la lame interne de la cornée, Descemel, croyant se voir ravir le fruit de ses recherches, réclama dans le Journal de médecine (janvier 1769) la priorité de cette découverte en prouvant qu'il en avait parlé dans sa thèse, ainsi que dans ses observations adressées à l'académie des sciences. Demours, ne vou

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pas rester entaché du soupçon de plagiat, soutint que la lame interne de la cornée était connue bien avant Descemet, et qu'il l'avait consignée dans ses papiers depuis plus de trente ans; mais son antagoniste lai répliqua très-vivement dans le Journal de médecine, juillet 1770 el mars 1771. Portal a donné les

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aux recherches d'anatomie et à l'étude de la botanique, il pratiquait la médecine avec beaucoup de succès et possédait une nombreuse clientelle. Nommé censeur royal dans un temps où ce titre ajoutait encore à la considération, il obtint plusieurs fois des suffrages pour une place à l'académie des sciences; et l'on ne peut s'empêcher de croire que, s'il n'y fut point admis, c'est que Demours jouissait alors d'une grande influence dans cette compagnie. La révolution ne changea rien à ses habitudes studieuses. Il lut en 1795, dans une séance publique du lycée des arts, un Mémoire sur l'irritabilité des poussières de la presle. L'un des fondateurs de la nouvelle société de médecine, il lui communiqua, le 12 novembre 1797, un Mémoire sur l'irritabilité de la fleur de Berberis ou épine-vinette, que l'on trouve dans le Journal de la Société, III, 177. Le tome VI du même recueil contient encore un mémoire de Descemet Sur le traitement de la rougeole et de la fièvre scarlatine. En 1800, le libraire qui se proposait de donner une nouvelle édition du Traité des arbres et arbustes de Duhamel-Dumonceau offrit à Descemet des conditions avantageuses pour la diriger; mais il refusa de s'en charger dans la crainte de n'avoir pas le temps de remplir ses engagements, et par respect aussi pour la mémoire de son maître, dont il se serait trouvé pour ainsi dire le censeur. Il se contenta donc de remettre au libraire un exemplaire de la première édition, couvert des remarques qu'il avait faites depuis plus de quarante ans. A la création du lycée impérial, Descemet en fut nommé médecin; il se démit de cette place en 1808, à raison de son grand

détails de cette querelle dans l'His toire de l'anatomie, V, 228, en cherchant à ménager les prétentions des deux adversaires; mais Descemet, qui ne pouvait ignorer les liaisons de Portal avec Demours refusa de s'en rapporter à sa décision. Cette découverte n'est pas la seule qui fasse honneur à Descemet. Lorry dit qu'on lui est redevable d'une Connaissance plus parfaite du tissu cellulaire et du mode de circulation des humeurs dans l'épiderme (Voy. de Morbis cutaneis, pag. 4, 6 et 18). Tout en se livrant avec zèle

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DESCHAMPS (JOSEPH-FRANçois-Louis), médecin, né à Chartres le 14 mars 1740, fut destiné à l'état ecclésiastique; mais étant venu à Paris, à l'âge de dix-neuf aus, il assista aux leçons et aux opérations de Moreau, alors chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu; et se sentit luimême appelé à exercer cet art, que la munificence de Louis XV, la générosité de Lapeyronie et la célébrité de l'Académie royale de chirurgie venaient d'élever si haut. Admis en 1764 à l'école pratique, Deschamps remporta plusieurs années de suite les premiers prix fondés pour les élèves de cette école par la bienveillante générosité de Houstel. L'année suivante, il obtint au concours la place de gagnant mai trise ou chirurgien principal de l'hopital de la Charité. Six années de pratique dans cet emploi lui donnèrent, selon l'usage, le grade de maître en chirurgie; il fut alors nommé membre du collège de chirurgie. La place de chirurgien en chef de la Charité vint à vaquer; l'usage voulait qu'elle fût donnée au chirurgien principal; cependant, comme on désirait un homme qui put professer, les religieux qui dirigeaient la Charité, jetèrent les yeux sur Desault qui ne l'em porta que d'une voix sur Deschamps; mais on prétend que cette voix partait de très-haut. Celui-ci se consacra dès-lors entièrement au service des pauvres. It se délassait de son service par l'étude; et, dans ses heures de foisir, it traduisait pour l'académie les

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mémoires et lettres de correspondance qu'on lui adressait de l'étran ger. Lorsque Desault fut nommé chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu en 1788, Deschamps arriva enfin à la première place dans l'hospice de la Charité. Dès 1787 l'épreuve du Concours lui avait donné pour collaborateur Boyer, qui ne voulut jamais, par la suite, consentir que Deschamps se démît en sa faveur de la place de chirurgien en chef de la Charité. Lorsque Corvisart devint premier médecin de l'empereur, il fit nommer Deschamps l'un des quatre rurgiens consultants. En 1811, ce dernier avait été choisi par la classe des sciences physiques et mathématiques de l'Institut pour remplacer Sabatier. Il ne fut nommé chevalier de la Légion-d'Honneur qu'en 1816; el cette justice tardive ne put le consoler de n'avoir pas été compris dans la promotion des chevaliers de Saint Michel qui fut faite alors, lui qui dès avant 1789 avait des droits au cordon noir. Deschamps fut en 1815 membre d'une commission chargée par le gouvernement de lui faire un rapport sur l'état de l'enseignement médical. Les travaux de cette commission interrompus par les évènements politiques demeurèrent sans résultat. Deschamps avait amassé des matériaux pour un ouvrage sur l'opération de la taille, qui lui était très-familière et pour laquelle l'hopital de la Charité avait été, depuis Tolet sous François Ier, une école d'essai et de perfectionnement. Cet ouvrage parut sous le titre de Traite historique et dogmatique de l'opé ration de la taille, Paris, 179697, 4 vol. in-8°. On reproche à l'auteur quelque prolixité; mais il a rassemblé des faits intéressants, établi une excellente doctrine, et réuni

Brunet, dans le Manuel du libraire, en cite une autre, Paris, Ph. Danfrie, 1559, in-8°, avec cette note: a Livret remarquable parce qu'il est imprimé en caractères de civilité. » (gothiques.) W-s. DESAUDRAY. Voy. SA DRAY (de), au Suppl.

DÉSAUGIERS (MARC-ANTOINE - MADELEINE), chansonnier français, naquit à Fréjus le 17 nov. 1772. Son père, d'une des bonnes familles de cette ville, où il était propriétaire, finit par venir s'établir à Paris, cette patrie de tous les talents, où, par celui qu'il possédait pour la composition musicale, il espérait trouver plus d'avantages pour sa famille. Il selia avec Piccini, même avec Gluck; il écrivit sur la musique; composa plusieurs petits opéras, entre autres les couplets très populaires des Deux Jumeaux de Bergame, et mérita d'être cité dans les Mémoires de Grétry pour son chant heureux et naturel (1). Au milieu de ces amusements dramatiques, celui de ses fils qui devait écrire des choses si gaies était très-mélancolique. Au college Mazarin, où il fut élevé, cet enfant destiné à faire le charme des sociétés fuyait celle de ses camarades et ne s'amusait qu'à lire. Ce ne fut guère qu'à l'âge de seize ans que sa santé, très-frêle jusque-là, se consolida, et que, du sérieux qui ne l'abandonna jamais entièrement, on

(1) DESAUGIERS le musicien (Marc-Antoine) était né en 1742 à Fréjus; il vint à Paris en 1774, et y mourut le 10 septembre 1793. Outre les partitions ci-dessus, on a de lui: le Petit OEdipe, 1779; Florian, 1780; les Deux Sylphes, 1781; toutes pièces qui furent jouées

aa Theatre-Italien; Erixène, ou l'Amour conjugal, pastorale jouée à l'Opéra, 1780; l'Hierodrame qu'il composa en 1790 pour la prise de la Bas. tille. Sa musique etait simple, chantame, pleine de verve et d'originalité. On en voit la prueve dans quelques bluettes dont il fit les airs depuis 1790, et dont la nomenclature serait peu intéressante D-1-1.

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vit jaillir des traits de cet esprit joyeux qui devait le distinguer. Cependant un ami de sa famille, gne, par son mérite, de l'épiscopat auquel il fut en effet élevé, ayant conseillé de le faire entrer dans l'état ecclésiastique, le jeune Désau giers y consentit avec cette facilité d'humeur qu'il montra toute sa vie, et fit une retraite de six semaines au séminaire de Saint-Lazare. Il aurait été prêtre par complaisance, quand il s'aperçut que c'était l'état auquel il était le moins appelé; et pour preuve, en rentrant dans le monde, à dix-sept ans, il fit jouer sur un petit théâtre de Paris une petite pièce, qui réussit fort bien. Vers le inême temps, sans doute pour donner un poème à son père, il eut l'idée singulière d'arranger le Médecin malgré lui en opéra-comique. Cet ouvrage du père et du fils réussit beaucoup; et nous nous rappelons de l'avoir entendu applaudir. Mais la révolution, qui devenait tous les jours plus sombre, engagea Désaugiers à quitter la France, et à suivre à SaintDomingue une de ses sœurs mariée à un colon. La révolution le poursuivit dans cette île, et les idées qu'elle propagea y amenèrent la révolte des nègres, et des fureurs plus atroces encore que celles qu'il avait voulu fuir (Voy. DESSALINES, dans ce vol.). Obligé comme tous les colons de prendre les armes, il tomba au pouvoir des insurgés, et fut condamné à être fusillé. Les nègres l'avaient déjà mis entièrement nu. Agenouillé, et les yeux bandés, il attendait le coup fatal, quand leur chef, mu peut-être d'un reste de pitié pour un homme si jeune, s'écria: «Arrêtez, il faut « savoir s'il a tué quelqu'un des « nôtres. On courut au lieu de l'escarmouche on ne trouva heureu

sement ni morts ni blessés, et Désaugiers fut mis en liberté. Il dut s'éloigner sans réclamer aucun vêtement; et ce fut ainsi qu'après plusieurs ours, en traversant des monts et des ravins, et en franchissant des rivières, il arriva exténué au bord de la mer, où il fut recueilli par un navire anglais allant aux Etats-Unis. Mais durant la traversée Désaugiers fut atteint d'une maladie, suite des fatigues qu'il avait éprouvées. Comme elle ressemblait beaucoup à la fièvre janne, l'équipage s'effraya; et le malade, presque mourant, fut jeté et abandonné sur une côte près de New-York. Heureusement une femme généreuse, qu'il n'oublia jamais, le fit transporter chez elle et le combla de soins. Ces bontés, la jeunesse de Désaugiers, et peut être sa gaîté le sauvéreat. A peine rétabli, après une longue convalescence, il ne voulut pas abuser de l'hospitalité, et s'adressa au consul de France, en se réclamant de ses deux frères, alors secrétaires de la légation française à Copenhague. Il reçut quelques secours qui l'aidèrent à s'acquitter un peu envers sa bienfaitrice. Il se rendit ensuite à Philadelphie, s'y présenta comme maître de clavecin, fut très-bien accueilli, mais ne voulut gagner que l'argent nécessaire pour payer son passage et revoir sa patrie, qu'il était bien décidé à ne plus quitter. Dès son retour en 1797, il se livra à son vrai génie, et composa des pièces très-amusantes, et des chansons dont l'élite doit être placée au rang des meilleures qui aient été faites dans le pays où on les fait le mieux. Il y avait alors à Paris une société des Diners du Vaudeville, composée d'hommes brillants d'esprit et de grâce. A chaque dîner, chacun ap

portait sa chanson sur un mot donné. Ce mot était une entrave, et presque toujours un refrain qui imprimait quelque monotonie à ce recueil; mais on y trouvait assez souvent des chansons très-agréables, parmi d'au tres qui ne l'étaient pas du tout, ou qui n'étaient pas exemptes de recherche et d'afféterie. Cette société était en quelque sorte l'aristocratie da vaudeville. Une autre société se forma sous le nom de Caveau moderne; elle était moins élégante, moins littéraire, mais beaucoup plus gaie, et aussi beaucoup plus jeune. Désaugiers en fut un des principaux membres, et en devint bientôt le président. C'était la seule présidence au monde qui pouvait lui convenir; mais il l'exerça admirablement. Ces nouveaux sociétaires chantaient un peu trop cette volupté de la table, dite gastronomie, et qui a encore un au tre nom. Désangiers la chanta plus d'une fois. Mais bientôt son esprit brillant et ingénieux l'amena à des sujets plus dignes de son talent; et ce poète, sans altérer le don précieux de sa charmante gaîté, l'épura au point de plaire aux esprits les plus délicats, et de s'élever quel quefois à la hauteur de ce qu'Horace a produit de plus gracieux et presque de plus philosophique. Tels sont l'Epicurien, Ma fortune est faite, la Manière de vivre cent ans, plusieurs autres chansons. Quelques unes, comme la Treille de sin cérité, Cadet Buteux, électeur, Paris à cinq heures du matin, sont de la verve la plus frauche et la plus spirituelle. Ces agréables poé sies seront toujours chantées et même lues avec plaisir; mais ceux qui ne les ont pas entendu chanter par Désaugiers ne peuvent se faire une idée du charme qu'il y ajoutait.

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Doué d'une physionomie heureuse et d'une voix sonore et douce, Désaugiers, d'ailleurs musicien, était un chanteur et même un acteur admirable; car on peut dire qu'il jouait ses chansons. Il était heureux de la gaîté qu'il sentait alors et qu'il inspirait. C'était ordinairement à table qu'il les chantait il était là comme sur son trépied, et il rendait les oracles de la joie, avec d'autant plus d'agrément que nulle méchanceté ne se mêlait à sa malice. Cette abeille ne savait pas se servir de son aiguillon. Malheureusement les chansons liées à la musique sur laquelle on les a composées sont exposées à vieillir; d'ailleurs la variété des vers et des mètres, qui est une difficulté et un mérite de plus pour l'auteur quand on les entend chanter, risque de paraître un défaut pour ceux qui se bornent à les lire. Mais Désaugiers est si supérieur dans ce genre, qu'il résiste même à ce désavantage, et ses plus heureux couplets de facture sont souvent ceux qui brillent le plus par l'esprit et par la pensée. Aussi fut-il long-temps à la tête des chansonniers de l'époque. Plus tard, un poète qu'il contribua plus que personne à faire apprécier, composa des chansons qui sont quelquefois de belles odes, et des chansons politiques pleines de verve, dont l'effet fat prodigieux. D'ailleurs elles étaient de l'opposition, et même de l'opposition qui a fini par réussir; et l'on sait combien la chanson gagne à être de l'opposition. Désaugiers n'en fut jamais. Par caractère c'était un de ces hommes qui sont assez de l'avis de la Providence, et s'en tiennent volontiers au gouvernement qu'elle leur a donné, pour peu qu'il soit supportable. Il avait chanté l'empereur; mais en 1814 il sentit

vivement le retour de la famille de nos anciens rois et le bonheur qu'elle promettait à la France. En mars 1815, cet homme, d'une humeur si facile, prouva pourtant très-bien qu'il ne chantait pas pour tout le monde, en allant à Rouen et en se tenant prêt à passer en Angleterre plutôt que de célébrer le retour de celui qui avait abdiqué. Au reste, Désaugiers ne se bornait pas à des chansons. Il a fait seul ou en société plus de cent vingt pièces de théâtre, pièces souvent un peu fugitives, mais qui, presque toutes, réussirent par l'esprit et par la gaîté. Parmi ses collaborateurs, il faut citer avant tous son ami M. Gentil, qui a fait avec lui quarante-trois ouvrages, entre autres, l'Hôtel garni, joli acte resté au Théâtre-Français; la Chatte merveilleuse, l'Ogresse, les Petites Danaïdes, Pierrot, le Petit enfant prodigue, M. Vautour, M. Sans Gene, etc. Ces deux amis, en s'associant avec M. Brazier, donnèrent Je fais mes farces, et, avec M. de Rougemont, la Matrimoniomanie. Seul, Désaugiers donna avec succès au théâtre Louvois le Mari intrigué, coméd. en trois actes et en vers; et avec moins de succès à l'Odéon l'Homme aux précautions, en cinq actes. Mais ce qui lui plaisait le plus, c'étaient de petits tableaux dramatiques, bientôt faits, bientôt appris, bientôt représentés. Beaucoup de ses pièces sont encore de véritables et charmantes chansons, telles que M. et Mma Denys, M. Dumollet, et surtout le Diner de Madelon. Toutes ces pièces sans prétention, mais non sans verve, firent pendant plusieurs années la joie de Paris et des provinces. Leurs représentations se comptaient par centaines. Les Petites Danaides

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