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pour la France, s'embarqua après
avoir refusé de Kléber, en fév. 1800,
le brevet de général de division, ne
voulant pas, à ce que rapporte le duc
de Rovigo, mettre la date de son
avancement à une époque si hon.
teuse. Cette conduite de Davoust,
ces manifestations de bonapartisme
qu'il sut habilement faire valoir à
son arrivée en France, furent, ainsi
que le dit Bourrienne dans ses Mé-
moires, l'occasion et le principe de
sa merveilleuse fortune; il la dut à
un revirement d'opinion de Bona-
parte, qui, jusque-là, dit ce même
historien, n'avait pas regardé com-
me un aigle le favori qu'il associait à
sa destinée. Davoust, à peine débar-
qué, fut mandé par le premier con-
sul, qui le combla d'éloges et d'é-
gards, le nomma divisionnaire le
3 juillet 1800, et lui confia le com-
mandement en chef de la cavalerie
de l'armée d'Italie. Il était désigné
comme inspecteur - général de ca-
valerie le 5 messidor an IX (24
juin 1801); peu après, il rece-
vait pour épouse des mains de Bo-
naparte, Me Leclerc, sœur du gé
néral qui avait donné son nom à
la seconde sœur du premier con-
sul. Cette alliance, nouvel éche-
lon de sa fortune, l'unissait à une
personne jeune, belle, sensée,
et qui a traversé, sans faire parler
d'elle, des époques où les faiblesses,
les légèretés des dames de la cour
donnaient beau jeu aux divulgations
de la chronique scandaleuse. Le 28
nov. 1801, Davoust avait le com-
mandement des grenadiers à pied
de la garde des consuls. Tout en
conservant cet emp'oi, il comman-
dait en chef, en 1803, le camp de
Bruges, qui comprenait Dauker-
que, et avait son centre à Ostende.
Le 18 mai 1804 un changement im

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mense s'était opéré il était sorti d'une république éteinte un empire, un empereur, une maison, des dignitaires; l'un des dignitaires de cette maison fut Davoust; et il joignait le titre de major-général dans la garde impériale à celui de commandant des grenadiers à pied... Le lendemain, il était maréchal d'empire; le 14 juin 1804, il était grandofficier de la Légion d'Honneur; l'avancement alors marchait vite; les ambitieux auxquels souriait le destin n'avaient pas le temps de désirer; les Tuileries étaient leur Eldorado. Appelé à des fonctions encore plus éminentes, Davoust, toujours homme à ne rien faire comme d'autres, était sorti les mains pures de la garde impériale, véritable Potose pour quelques-uns. En cette même année 1804, la création si tôt avortée des cohortes de la Légiond'Honneur avait lieu; le commandement de la sixième était échu à Davoust; i se l'était fait donner. parce que l'ancien palais des états de Bourgogne, le palais de Dijon, situé à peu de distance de son pays natal, était le chef-lieu de cet établissement, qui devait embrasser huit départements. Le 2 février 1805, il prenait dans la Légion-d'Honneur un grale plus élevé, celui de grandcordon. Dans le mois d'octobre suivant, il avait sous ses ordres le troisième corps de la grande armée en Autriche un peu plus tard, il le commandait en Prusse. La grand'-croix de l'ordre du Christ lui était décer

née par le gouvernement portugais

dans la même année. Nous sommes arrivés à l'époque où la haute position de Daroust et ses succès de guerre vont se prêter un lustre réci proque. Auerstaedt, où il triompha, après avoir eu son chapeau emporté

et son habit criblé de balles, Auerstaedt dont il reçut le nom sous lequel il va être quelque temps connu avec qualification de duc, fut le point décisif de la victoire d'léna, remportée le 14 ect. 1806. Davoust, que les révélations d'un déserteur avaient informé de la présence de l'armée ennemie commandée par le roi de Prusse en personne, se décida surle-champ à l'attaquer, dans la persuasion où il était que Bernadotte, qui marchait derrière lui, prendrait part à l'affaire; car, sans cet espoir, il y aurait eu plus que de la témérité à insulter un corps trois fois plus fort que le sien, et à se mesurer, lui barassé, contre une troupe fraîche et prête à combattre sous les yeux de son souverain. Il fut trompé dans Son attente, et se trouva livré à ses seules forces, parce que le prince de Ponte-Corvo ne put se résoudre à combattre en second et à n'avoir pas l'initiative et tout l'honneur de l'entreprise. Tels sont dans tous les siècles, à chaque pas que fait une armée, les luttes de la vanité et les mécomptes du devouement. Davoust, quoique n'ayant que trois régiments de cavalerie, n'hésita pas, et soutint en combat acharné de tout un jour : Mathieu Dumas en raconte les hauts faits heure par heure. Il obtint un succès complet; mais aux dépens du tiers de son monde mis hors de combat. La furent blessés du côté des ennemis les princes du sang royal; la fat frappé à mort ce duc de Erunswick, personnage si historine depuis l'irruption des Prussiens en Champagne. Voici le jugement qu'a porté Napoléon sur cette affaire (Mémoires de Moutholon, t. II. p. 71): « Avec une aussi bonne infanterie que celle que Commandait le prince d'Eckmühl, il ne

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fallait dix mille hommes pour

que

« défendre le débouché de Kosen « tout le jour; mais s'il (Davoust} « l'eût perdu, l'armée prussienne ne « pouvait pas passer la Saale devant « lui. Six mille Français et vingt« quatre pièces de canon etaient suf« fisants pour défendre le passage; « ainsi, quand même le prince d'E« ckmühl eût eté forcé dans le défilé « de Kosen, et obligé de repasser la « Saale, cela n'eût pas influé sur la « bataille d'Iéna; la perte de l'ar«mée prussienne n'en eût été peut« être que plus assurée. La marche rétrograde (1) du prince de Pon<< te-Corvo mit à même le prince « d'Eckmühl de se couvrir d'une gloire immortelle, et de porter au plus haut point la réputation de « l'infanterie française: mais, dans << tous les cas, la victoire était assurée « à Léna. » Ce panégyrique n'était qu'une demi-justice. Sans doute il y avait eu dans cette journée plus de hasard que de préparations bien combinées; mais on entrevoit, dans les rélicences de Napoléon, l'importance qu'il attachait à ce que le succès d'autrui ne pût jamais jeter la moindre ombre sur sa propre gloire, sur l'infaillibilité de ses combinaisons. Davoust figura bientôt à Eylau, à Heilsberg, à Friedland. Un biographe prétend qu'on lui a reproché dans celle campagne, surtout à Lauenburg, qui fut incendié, des actes de rigueur inutiles. A l'égard de la victoire d'Auerstaedt, Napoléon eut le mérite de surmonter un mouvement de jalousie qu'il éprouva ou qu'on lui a supposé; il se montra si reconnais sant envers Davoust que le 30 juin 1807, il le créa seigneur de Lowiez,

(1) En termes moins mesurés, Bonaparte a dit depuis: « J'aurais dù faire fusiller Poate. « Corvo, »>

en Pologne, le fit gouverneur général du grand-duché de Varsovie, lui fit obtenir en avril 1808 la grand' croix de l'ordre de Saint Henri de Saxe, et couronna d'aussi larges bienfaits en le créant dans la même année duc d'Auerstaedt et l'antorisant à accepter le grand insigne de l'ordre militaire de Pologne. Da voust cependant ne bornait pas à tant de faveurs son ambition: Bour rienne prétend, dans ses Mémoires, avoir su de la propre bouche de Davoust qu'il n'aspirait à rien moins qu'à la vice-royauté de Pologne; Napoléon la lui avait, disait-il, promise. Cet écrivain ajoute que, pour s'assurer une si baute position, et pour lui donner encore de plus soli des racines, il ne rêvait qu'à la guerre de Russie et y poussait vive ment l'empereur par ses instigations et par ses rapports; à en croire le gouverneur de la Pologne, la proie elait assurée et le succés immanqua ble. Ces insinuations furent peut-être une des causes puissantes de cette expédition funestes mais u'anticipons

nations feront entrer dans leur his toire ; il traitera les peuples come des soldats, les banques comme un trésor militaire, les maisons de com merce comme des quartiers maîtres, et la fortune comme une maîtresse qui n'a pas encore kié assez préve monte à son egard. Si ce ne sont pas des vérités absolues, ce sont de moins les récits que s'accordent à faire presque tous les écrivains, Cr écrivains l'ont-ils calomnié? Esta vrai que, comme Bourrienne l'affirme, ses rentes, ses dotations, émoluments se soient élevés à qua torze cent mille francs, et, shivan Fressinet, à un million et demi? 14 8 avril 1809, le duc d'Anershed commandait le troisième corps l'armée d'Allemagne; il se signala le 22 du même mois, & Eckmühl village dont le nom allait devent par décret du 15 août, le titre prin cier qui surmonterait sa qualité d duc d'Auerstaedt. Ses compagnon d'armes tombèrent d'accord que brillante conduite qu'il tint & P mübl ouvrit, pour la seconde fors la route de Vienne aux Francis Bourrione, quoique ennemi ada né de Davoust, est forcé d'en la re l'aven. Après cet accroissen d'illustration, le prince Davons! observer dans sa maison l'étique suivie dans les palais des souverains; à leur imitation, il aca près de lui on cabinet politique, la forique et topographique; et, q est peut-être plus remarquable, chapelain ou un aumônier. Le juin, il se rendit maître d'une desil du Danube, qui fast face à Preshoot

sur l'ordre des temps. Jusqu'à l'époque du gouvernement de la Polone, Davoust n'avait été qu'un administrateur irréprochable, un soldat heureux et brillant, à qui la for tune s'était empressée de venir d'elles même offrir ses dons. Davoust passait pour intégre; il affectait même de dédaigner les cadeanx que les villes qu'il traversait, que les états qu'il parconrait lui faisaient sous prétexte d'hommage, ou sous le voile de la reconnaissance; mais en réalité par une générosité intéressée, Mainte nant, et ce ne sera pas la phase quiet, le 5 juillet, les avantages Jui préparera le plus de bonheur, le remportait furent les prélimina duc d'Auerstagdi va devenir en Po- de l'éclatant succès de Wagram, logue, à Hambourg, en France m« mouvement du corps du mark) me, un personnage politique, que les « Davonst, a dit Napoléon (M

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moires de Montholon, tome II), qui tourna toute l'aile gauche de l'ennemi, concourut à décider la victoire. Depuis la paix qui courouna cette brillante campagne, DaFoust fut chargé de l'administration d'une partie de la Pologne. Uue députation de Polonais qui vinrent auprès du maître se plaindre de la inanière dont le proconsul, nouveau Verrès, disaient-ils, administrait, perdit devant l'empereur le procès dont elle le faisait l'arbitre. On doit conjecturer que la conduite que tenait le prince d'Eckmühl lui était ordonée. Le 1 janvier 1810, il était revêtu du commandement de l'armée d'Allemagne, et la méme année allait ajouter à ses nombreuses décorations la grand'croix de Saint-Etienne de Hongrie. Il avait sous ses ordres, 1 novembre 1811, le corps 'observation de l'Elbe, et il était dans la campagne de Russie à la tête da premier corps en vertu de l'ordre da 1er février 1812. Le 23 juillet, ballait Bagration à Mohilow; le 27, s'unis ant au flanc gauche du roi de Westphalie, avec ordre d'empécher la jonction des deux armées rusdes de l'Ouest, il s'en acquitta si halement que le corps du général Doctoroff fut séparé des troupes de Bagration et de l'armée de l'Ouest Commandée par Barclay de Tolly, ck et fut presque enveloppé. La vaillance ordinaire du prince d'Eckmühl e se démentit pas à la Moskowa; à celle rude affaire, où, par une Laneuvre audacieuse, il tourna la gauche de l'ennemi, il eut deux che Taux tués sous lui, et ne courut pas ins de dangers à Majoralovetz. Le nov., son arrière-garde éprouva agrave échec près de Krasnoï. ReTenu à Hambourg, le 13 avril 1813, après l'issue fatale de la campagne,

il y commanda sous le titre de gouverneur-général de la trente-deuxième division militaire. Il essaya vainement, dans le mois d'août suivant, époque de la reprise des hostilités, de se joindre à l'armée française qui menaçait la Prusse d'une nouvelle in

vasion. Ses efforts furent infructueux, et il se vit réduit à se rapprocher de Hambourg. Il assista à la reprise de cette ville, dont une poignée de Cosaques s'était emparée; ils ne tardèrent pas, en présence du prince d'Eckmühl, aidé du terrible Vandamme, à s'en éloigner, et se retirèrent gorgés d'or et entourés de témoignages de sympathie. Les Danois reprirent Hambourg sans coup férir pour en rouvrir les portes aux Français. On ne devait pas s'attendre qu'un général aussi inflexible que d'Eckmühl amnistiat une ville dont les manifestations d'allégresse avaient grossièrement salué le départ des Français, et qu'il lui pardonnât la levée de sept à huit mille misérables qui se mirent à guerroyer à la suite des Cosaques, et meritèrent par leurs déprédations et leurs excès le surnom de Cosaques de l'Elbe. Les maladroites hostilités de cette cité opulente allaient lui coûter cher ; elle aurait vainement espéré que ses habitants seraient ménagés, soit dans leur liberté, soit dans leurs intérêts pécuniaires. En vertu d'un ordre spontanément émané de l'empereur Napoléon, ou provoqué sur la demande ou sur les conseils de d'Eckmühl, ce pays désolé fut frappé d'une contribution de quarante-huit millions acquitable dans un court espace de temps. Le général fit incarcérer comme olages trente-quatre des principaux citoyens, et remédia aux lentears des rentrées en mettant la main sur les fonds de la fameuse banque;

mais en même temps i releva, répara, augmenta les fortifications de cette clé de l'Elbe; il mit la place sur un pied respectable de défense, et successivement il opposa une résistance vigoureuse aux altaques des Prussiens, des Suédois, des Russes. Sommé, après les catastrophes de Napoléon, de rendre de bonne grâce ce que la force n'avait pu lui arracher. pressé par les parlementaires de Bennigsen de remettre au gouvernement provisoire les clés de la forteresse où il régnait en dictateur, il répondit à ce général ennemi : « Mon maître, l'em« pereur Napoléon, ne m'enverrait pas d'ordres par des officiers rusa ses; ainsi je me refuse à ouvrir « toutes dépêches à cet égard. » I ne consentit à rendre la place que quand le général Gérard, qui lui en apportait l'ordre de la part de Louis XVIII, lui eut fait, touchant les évènements survenus en France depuis 1814, un tableau qui ne lui permit plus de s'aveugler sur nos désastres et sur l'avenir. Il se résigna à faire sa soumission, le 5 mai; il signa et fit signer par les principaux officiers l'adresse suivante : Sire, les vœux de la France en«tière appellent votre majesté et son auguste dynastie au trône de Fran« ce. Voués par état à la défense de « la patrie, retenus loin d'elle par « le devoir et l'honneur, nous profi« tons du moment où les grands « évènements auxquels la France a « servi de théâtre nous sont connus « pour mettre à vos pieds nos homimages. Sire, que sous votre règue « la France se repose de ses longues agitations! que ses plaies se cica trisent! que son sort soit à jamais a fixé et que les justes bénédictions « des peuples complètent pour votre majesté la plus belle gloire à la

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« quelle un souverain puisse arriver a Pénétrés de l'espoir consolateur << que commandent vos vertus et fort des garanties que vous offre notr a conduite, Lous jurons obéissance « et fidélité à votre majesté. » Cett supplique digne coulait de la plum exercée d'un chef d'état-major ha bile. D'Eckmihi ne sortit de Ham bourg que le 21 mai, et l'obstinatio qu'il mit à retarder cette redditio aurait dû lui valoir des actions d grâces; car il conserva à la Franc une armée et un matériel qu'un gé néral moins opin-âtre eût sacrifiés e pure perte. Rentré en France, il f exilé de Paris et se retira dans s terre de Savigny. Il adressa en 181 au roi un mémoire justificatif que presse rendit public; c'était, vant l'opinion de M. Eugène Labau me, une pièce historique des plu importantes. « Cet écrit portail, d cet auteur, le cachet d'un gran homme de guerre et d'un habi administrateur il y réfutait les a cusations qui avaient pesé sur lui titre de gouverneur de Hambourg il y affirmait ne s'être emparé d valeurs de la banque, que contrai d'user de cette ressource par possibilité de percevoir la totalité d quarante--huit millions d'impos tions extraordinaires exigées par décret du 16 juin 1813. Un cons de finances composé des fonctionna res principaux avait opiné, disaitpour cette mesure. Au surplus, réduisait sa comptabilité à peu p à l'apurement que voici : « Ce q j'ai perçu a servi à relever des to <«teresses, à substanter les hip « taux, à entretenir l'armée. J a laissé au trésor plus d'un million demandez-vous de plus?: compte-rendu pouvait être sincèr mais c'était une responsabilité

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