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forme, et ordonna qu'on prît soin de ce sombre visiteur. Touchante imagination! Les héritiers de cette perle de l'aristocratie héritèrent-ils aussi de l'oiseau royal, et voltige-t-il encore maintenant aux fenêtres de Herrenhausen ?

Les temps sont loin, en Angleterre, de ce culte étrange de la majesté royale, quand les prêtres flattaient le prince dans le temple même de la Divinité, que la servilité passait pour le plus noble des devoirs, que la jeunesse et la beauté se disputaient la faveur royale, et qu'il n'était point honteux d'être la maîtresse du roi. Une morale et des mœurs plus sévères à la cour et dans le peuple sont au nombre des inestimables bienfaits de la liberté que George Io nous a conquise et assurée. Il est resté fidèle au pacte qu'il avait fait avec le peuple anglais, et s'il n'a pas été plus exempt qu'un autre des vices de son époque, nous lui devons au moins de la reconnaissance pour avoir sauvegardé et nous avoir transmis intactes nos libertés. A l'air pur de la liberté, les palais et les chaumières se sont purifiés, et la vérité, à laquelle chacun de nous a droit, et qui juge sans faiblesse les plus grands

personnages, nous commande de ne parler de ceux de cette époque qu'avec respect et reconnaissance. Il y a des taches dans le portrait de George Ier et des côtés que nous ne pouvons admirer; mais on y voit briller la justice, le courage et la modération, et nous devons reconnaître ces qualités en terminant ce tableau.

GEORGE II.

1727-1760.

Le 14 juin 1727, dans l'après-midi, ont eût pu voir deux cavaliers galoper le long de la route qui conduit de Chelsea à Richmond. Le premier, chaussé de bottes à genouillères suivant la mode du temps, était un gros gaillard à la mine réjouie, et, à la façon dont il maniait son cheval, on pouvait voir que c'était tout à la fois un hardi et un excellent cavalier. En effet, il aimait le sport avec passion, et, dans les plaisirs du Norfolkshire, personne ne poursuivait le cerf avec plus d'ardeur ou ne lançait mieux les chiens sur la piste du renard.

Arrivé au château de Richmond, il demanda à voir le maître de la maison. Il lui fut répondu que le maître, faisant sa sieste après son dîner, n'était visible pour personne, quelque importante affaire qu'on eût à lui communiquer. Malgré cette

défense, le susdit personnage ouvrit la porte de la chambre où dormait, étendu sur un lit, un homme de petite stature, et, arrivé devant le lit, il s'agenouilla.

de

Le dormeur s'éveilla, et, avec un accent germanique très-prononcé et force jurements, manda qui avait l'audace de le déranger.

- Je suis sir Robert Walpole, repartit l'étranger, et j'ai l'honneur d'apprendre à Votre Majesté que le roi votre père est mort à Osnabrück samedi dernier.

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Impudent menteur ! grommela George II : mais, sir Robert Walpole ayant fourni les preuves de ce qu'il avançait, George se mit en devoir de prendre possession de son nouveau royaume sur lequel il devait régner trente-trois

ans.

On peut voir dans les historiens le cas que fit George II du testament de son père, son caractère violent qui le portait souvent à des actes grossiers et indignes d'un roi, sa prompte et rapide réconciliation avec le hardi ministre qu'il détestait du temps de son père, mais à la prudence et à la fidélité duquel il dut la prospérité

de son royaume pendant quinze ans. Sans Robert Walpole, nous aurions eu à redouter de nouveau les tentatives du Prétendant, nous aurions eu des guerres que la nation n'était alors ni assez forte ni assez unie pour supporter. Sans sa résolution et sa courageuse résistance, George eût peut-être essayé d'importer en Angleterre le régime despotique du Hanovre, et nous aurions eu des révoltes, des commotions, un gouverne-ment tyranique au lieu d'un quart de siècle de paix, de liberté et de prospérité matérielle telle qu'on n'en avait pas encore vue. En religion c'était un vrai païen, et ses sarcasmes n'épargnaient pas plus l'Église anglicane que l'Église catholique. Au reste, il menait joyeuse vie et ne quittait guère la table que pour la chasse. Il s'occupait aussi peu des lettres que son prédécesseur et n'avait guère meilleure opinion des hommes. La Chambre était vénale, mais nous conservions nos libertés; le monarque était incrédule, mais cela empêchait le parti prêtre de dominer. Les prêtres anglais étaient aussi faux et aussi dangereux que les catholiques; il les chassa les uns et les autres. Il ne donna pas aux Anglais la gloire

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