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rement, remarquèrent différents objets qu'ils avaient déposés dans le cercueil, et qui se retrouvaient dans la même et semblable position qu'ils leur avaient assignée.

Les deux cercueils internes furent refermés avec soin; le vieux cercueil de plomb fut assujetti avec des coins de bois, et tous deux furent soudés à nouveau, avec les précautions les plus minutieuses, sous la direction du docteur Guillard. Ces opérations terminées, on renferma le sarcophage d'ébène dans son enveloppe de chêne. En remettant la clef du sarcophage d'ébène au comte de Chabot, le commissaire de la reine, le capitaine Alexandre, lui déclara, au nom du gouverneur, que ce cercueil contenant les restes mortels de l'empereur Napoléon était à la disposition du gouvernement français, pour être transporté au lieu d'embarquement, sous les ordres du général Middlemore, après quoi le gouvernement anglais en déclinait toute responsabilité. Le commissaire français répondit qu'il avait mission, de la part de son gouvernement et en son nom, d'accepter le cercueil des mains des autorités britanniques; qu'il était, ainsi que

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les autres personnes composant la commission française, prêt à le suivre à James-Town, où le prince de Joinville, commandant supérieur de l'expédition, l'attendait pour le recevoir et le conduire à bord de la frégate. Un char attelé de quatre chevaux avait été préparé, avant l'arrivée de l'expédition, pour recevoir le cercueil, ainsi qu'un drap mortuaire et les divers ornements du deuil. Le cerceuil, une fois posé sur le char, fut couvert d'un magnifique manteau apporté à cet effet de Paris, et dont les quatre coins furent tenus par les généraux Bertrand et Gourgaud, le baron de Las Cases et M. Marchand. A trois heures et demie de l'après-midi, le char funèbre se mit en marche, précédé d'un enfant de chœur portant la croix, et de M. l'abbé Coquereau. M. de Chabot conduisait le deuil. Toutes les autorités de l'île, les principaux habitants, la garnison tout entière, suivirent le cortége jusqu'au quai d'embarquement. Mais, à l'exception des hommes d'artillerie nécessaires pour conduire les chevaux et soutenir au besoin le char dans

les passages difficiles, les places d'honneur près

du cercueil furent réservées aux membres de la

commission française. Le général Middlemore, bien que dans un état de santé fort délabrée, suivit à pied le cortége pendant toute la route, ainsi que le général Churchill, chef de l'état-major de l'armée des Indes, arrivé depuis deux jours de Bombay. Le poids du cercueil et les inégalités du terrain nécessitèrent les plus minutieuses précautions. Le colonel Trelawney commandait en personne le petit détachement d'hommes d'artillerie qui conduisaient le char, et grâce à son attentive vigilance, il n'y eut aucun. accident à déplorer. Depuis le moment du départ, jusqu'à celui de l'arrivée aux quais, les canons des forts et ceux de la Belle-Poule tirèrent de minute en minute. Après une heure de marche, la pluie cessa pour la première fois depuis le commencement des opérations, et en arrivant en vue de la ville, le ciel était pur et sans nuages. Depuis le matin, les vaisseaux de guerre français avaient arboré les signaux de deuil, les vergues en croix et le pavillon bas. Deux vaisseaux marchands français, Bonne-Amie et Indien, arrivés en rade depuis deux jours, s'étaient mis sous les ordres du prince et suivirent pendant la cérémo

nie toutes les manoeuvres de la Belle-Poule. Les forts de la ville, les maisons des consuls, avaient également le pavillon à demi-hauteur du mât.

A l'entrée du cortége dans la ville, les troupes de la garnison et la milice se formèrent en ligne jusqu'aux extrémités du quai. D'après les règlements du deuil prescrit pour l'armée anglaise, les hommes avaient l'arme renversée, les officiers le crêpe au bras, la pointe du sabre tournée vers la terre. On n'avait pas permis aux habitants de se mêler aux troupes, mais ils bordaient les toits et les terrasses des maisons qui dominent la ville.

Les troupes remplissaient les rues, déployées sur deux lignes, le 91° régiment à droite, la milice à gauche. Le cortége avançait lentement entre deux rangs de soldats, au son d'une marche funèbre, pendant que les canons des forts, ceux de la Belle-Poule et du Dauphin faisaient entendre, de minute en minute, leurs détonations, répétées par les échos des rochers qui dominent James-Town. Après deux heures de marche, le cortége s'arrêta au bout du quai où l'attendait le prince de Joinville à la tête des officiers des deux

vaisseaux de guerre français. Les plus grands honneurs officiels avaient été rendus par les autorités anglaises à la mémoire de l'empereur; les plus grandes marques de respect avaient été données à son cercueil par la population de SainteHélène; à partir de ce moment les restes mortels de l'empereur appartenaient à la France.

Quand le char funèbre se fut arrêté, le prince de Joinville s'avança seul, et, au milieu d'une foule respectueuse et émue, reçut des mains du général Middlemore le cercueil impérial. Son Altesse royale remercia alors le gouverneur, au nom de la France, des marques de sympathie et de respect que les autorités anglaises et les habitants de Sainte-Hélène n'avaient cessé de témoigner aux Français pendant tout le temps de leur séjour. Un cotre (1) avait été préparé tout exprès pour recevoir le cercueil. Pendant l'embarquement que le prince surveilla lui-même, les musiques des régiments anglais jouèrent une marche funèbre; tous les canots de la rade étaient rangés en lignes, les avirons bordés. Au moment où le cercueil fut placé sur le cotre, (1) Petit bâtiment de transport.

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