Page images
PDF
EPUB

il a perdu trois malades, et sur ces trois, il en est deux qu appartenaient aux épanchements séreux, l'autre à un épanchement purulent. Ces beaux résultats, il les attribue, bien entendu, à sa méthode, à la véritable méthode sous-cutanée. Ce serait bien si M. Trousseau (1), qui n'emploie pas la véritable méthode sous-cutanée, n'avait pas eu le bonheur, lui, de réussir onze fois sur onze malades opérés.

Après tout, il faudrait s'entendre sur cette thoracocentèse : si, depuis vingt-cinq ou trente ans, elle s'est perfectionnée et est devenue plus fréquente, il ne faut pas se le dissimuler, c'est à M. Trousseau qu'on le doit et non à M. Guérin; car c'est M. Trousseau qui l'a introduite comme opération usuelle dans le traitement des épanchements séreux, suite de pleurésies aiguës.

De là une assez grande difficulté ; en effet, si comme l'avait établi jadis M. Louis, fondé sur cent cinquante observations, les épanchements pleurétiques aigus guérissent constamment sans opération, quand ils surviennent chez des malades dépourvus de toute lésion organique concomitante ou antérieure, à quoi bon ponctionner la poitrine chez eux? puis, si en pareil cas la ponction est dépourvue de dangers, il faudrait au moins la mettre en dehors du total général. Cela dit, que peut-on attendre de la thoracocentèse, si l'épanchement tient à une maladie du cœur, à des tubercules, à des cancers, ou à quelque lésion organique que ce soit de l'intérieur ou des parois de la poitrine. On ne voit que les empyèmes idiopathiques qui puissent en indiquer réellement l'emploi ; eh bien alors, de simples ponctions ne suffisent pas; quand même on y ajouterait les injections iodées pour empêcher la putridité des matières, et comme le font assez bien pressentir les observations de M. Boinet. Il faut alors préciser le point déclive du clapier, pratiquer là une ouverture suffisamment large de prime abord, soit secondairement, recourir même aux contre-ouvertures, quand la première incision est mal placée ou insuffisante, placer ensuite soit une canule, soit un des

(1) Trousseau, Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu, 2o édit. Paris, 1865, tome I, p. 619.

drains de M. Chassaignac, afin de permettre l'issue continuelle du pus et d'injecter au besoin dans la cavité pathologique les liquides détersifs ou antiputrides convenables. Rien dans tout cela, comme on le voit, qui appuie les prétentions de M. Guérin.

Y aurait-il quelque part à lui accorder cependant, dans le manuel opératoire? Il semble au moins y tenir infiniment. Voyous donc par quel côté il a modifié la pratique sur ce point. Il veut à tout prix empêcher l'entrée de l'air, et il a imaginé pour cela une série de moyens. Mais Dupuytren. aussi voulait empêcher l'entrée de l'air, comme Bell, comme tant d'autres, et il avait imaginé le système attribué depuis à Reybard, la canule armée de baudruche. M. Guérin me blâme de rendre à Dupuytren le procédé dit de Reybard, parce que, dit-il, Dupuytren, de son vivant, ne l'a jamais réclamé et que ses élèves ne l'ont revendiqué nulle part, qu'il n'y en a pas trace dans les dictionnaires. Erreur. Outre la thèse de Boiron, que j'ai citée, ce procédé de Dupuytren est décrit tout au long et en détail par Rullier à l'article Empyème du grand Dictionnaire des sciences médicales, ouvrage assez connu pourtant et assez répandu pour que M. Guérin eût pu en prendre connaissance.

Ainsi il faudrait accorder à Reybard, qui n'en a parlé qu'en 1824, l'honneur d'un procédé décrit sous le nom de Dupuytren dans les thèses de 1814, et les dictionnaires de médecine par Rullier en 1815 ou 1816, et cela parce que c'est Reybard qui a popularisé le moyen. Je sais qu'il y a là-dessous toute une doctrine. On dit : La découverte appartient à celui qui la fait prévaloir bien plus qu'à celui qui en a la première idée. Cette manière d'entendre les choses me paraît subversive de toute justice; il serait par trop commode, en effet, apercevant une découverte encore silencieuse dans un écrit ou un cours, de s'en emparer, de la crier à son de trompe dans tous les journaux, et de s'en donner le mérite parce que l'auteur n'est plus là pour la réclamer.

M. Guérin me reproche même d'avoir favorisé le larcin de Reybard en faisant accorder une récompense à cet auteur sur les prix Montyon de l'Institut. Il n'y pense pas, vraiment;

j'ai pu croire comme tout le monde, et je m'en suis déjà expliqué ici en 1857, que la découverte appartenait à Reybard d'abord, puis de ce qué Reybard n'a fait qu'empruntér à Dupuytren la canule armée de baudruche, cela n'empêche pas le moyen d'être excellent et Reybard, en le propageant. d'avoir rendu un véritable service à la pratique aussi bien que M. Barth, en le perfectionnant de nouveau.

Les autres détails du procédé opératoire que réclame M. Guérin peuvent lui être enlevés un à un, et tous ensemble; il se plaint, par exemple, que M. Barth ne lui ait attribué qu'une canule ou une seringue au lieu de la méthode tout entière: « Pourquoi pas mon pli, mon trocart, tout aussi bien que ma seringue?» dit-il. Eh! mon Dieu, pourquoi ? parce qu'en réalité rien de tout cela ne lui appartient réellement; la canule, la seringué de M. Guérin, ne sont pas non plus de son fait: elles avaient été employées, imaginées, longtemps avant lui; c'est à M. Piorry qu'il était résérvé de lui en donner la preuve. Ainsi, pas même la seringue ne peut être revendiquée à son profit! Son pli, son fameux pli, sur lequel il insiste tant, et qui ne vaut pas mieux que le déplacement de la peau par des tractions convenables, que le trajet oblique et sous-cutané des ponctions de Boyer; ce pli, dis-je, dont il n'a parlé qu'en 1839 ou 1840, je le décrivais, moi, tout au long, en 1836, dans le Dictionnaire de médecine en 30 volumes. Voilà pourtant à quoi peuvent être réduites tant de prétentions, tant de récriminations. Si M. Guérin se plaint de ce qu'on oppose sans cesse les mêmes arguments à des assertions cent fois reproduites, n'est-ce pas un peu comme Martine de la comédie: «Vous me reprochez de vous répondré toujours la même chose; mais c'est parce que vous me dites toujours la même chose; et si vous ne me disiez pas toujours Ía même chose, je ne vous répondrais pas toujours la même chose ?...>> Le voyant s'attribuer sans cesse tout le mouvement qui s'opère dans la science sur ces questions, on se rappelle malgré soi l'histoire de cette fameuse mouche de la fable.

« Je préfère de beaucoup (dit-il), n'en déplaise à la gloiré, » vivre vingt ans de plus qué cent ans dans l'histoire. » Il mé

semble, & moï, que j'aimerais mieux le contraire; mais ceci est affaire de goût, et, chacun le sait, des goûts et des couleurs il ne faut pas discuter.

J'oubliais pourtant une découverte de M. Guérin, et cette découverte sert de base à sa méthode sous-cutanée, la voici : les plaies, par cetté méthode, les tissus divisés, dans quelque étendue que ce soit, ne suppúrent pas, se réunissent par organisation immédiate.

Cherchant à comprendre, cependant, ce qu'une pareille définition voulait dire, j'en suis venu à croire, voyez ma naïveté ! que cela signifiait la même chose que réunion immédiate, qu'agglutination, par première intention; à présent, quel avantage il y a-t-il pour la science à prononcer organisation immédiate plutôt que réunion ou agglutination immédiate? O Molière !

ou,

« Vos beaux yeux, belle marquise, » etc.

a Belle marquise, vos beaux yeux, etc.

m'est revenu malgré moi en mémoire.

Je sais bien que M. Guérin, attribuant à Hunter la pensée ou la maxime que toute réunion de tissus doit être précédée d'inflammation, a cru découvrir une grande loi en prouvant que l'inflammation n'est pas nécessaire dans la réunion des plaies sous-cutanées. Mais si Hunter a eu cette idée, ce n'est point celle des chirurgiens modernes, et d'ailleurs, ceux qui ont fait de la chirurgie sous-cutanée ont expliqué la réunion des tissus par l'intermédiaire de la lymphe plastique. quand elle ne s'opérait pas par l'agglutination immédiate, comme celle des lèvres d'une plaie extérieure, etc.

M. JULES GUÉRIN: M. Velpeau convient que depuis une vingtaine d'années il ne fait que répéter les mêmes choses en ce qui concerne ma personne et mes travaux, parce que de mon côté, dit-il, je ne fais que dire les mêmes choses. Je vais canser une agréable surprise à notre collégué en lui annonçant que je ne répondrai rien à tout ce qu'il vient de dire.

J'espère ainsi mettre fin à un débat devenu sans objet. Je me bornerai à donner à l'Académie un simple éclaircissement sur la confusion que M. Velpeau a faite entre le travail de l'organisation immédiate, que j'ai dit être le caractère physiologique de la méthode sous-cutanée, et la réunion immédiate, considérée comme le produit de l'inflammation adhésive. Pour M. Velpeau, ces deux ordres de faits sont une seule et même chose, c'est pourquoi il dénie à la méthode sous-cutanée la base physiologique que je lui ai assignée. Mais un seul fait prouvera à quel point notre collègue s'abuse.

Lorsque l'on coupe en travers, sous la peau, une masse musculaire, même un tendon, il se fait habituellement entre les parties divisées un écartement de 4 à 5 centimètres qui se comble par un épanchement de matière organisable. Dans ce fait, il n'y a certes pas réunion des tissus divisés par première intention, mais un épanchement entre des parties qui ne se touchent aucunement, et qui s'organise sans passer par l'intermédiaire de l'inflammation suppurative. C'est là ce que j'appelle l'organisation immédiate, c'est-à-dire un travail analogue à celui qui préside à la formation et à la réparation des organes. Voilà comment l'organisation immédiate n'est pas l'inflammation adhésive, et voilà comment ce travail peut s'exécuter sous la peau, à l'abri du contact de l'air, malgré l'écartement des tissus divisés. J'ajouterai que la prétendue inflammation adhésive est, comme je l'ai montré depuis longtemps, un travail du même ordre, avec cette différence que, dans la réunion immédiate, le contact parfait des parties divisées soustrait les surfaces des plaies au contact de l'air, et que la méthode sous-cutanée les maintient à l'abri de ce contact au moyen de la peau fermée, sans qu'il soit besoin de recourir à la réunion immédiate des tissus divisés.

M. VELPEAU: Ne confondons pas ce que disait Hunter peut être vrai, mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'il peut y avoir réunion et tous les chirurgiens le savent bien immédiate sans inflammation dans les plaies des tendons par exemple, et que l'idée de la matière organisable entre les tissus

« PreviousContinue »